Conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi hautement qualifié
OBJECTIF : établir les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi hautement qualifié
ACTE PROPOSÉ : Directive du Conseil.
CONTEXTE : la présente proposition s’inscrit dans le cadre des efforts déployés par l’Union pour élaborer une politique globale en matière d’immigration et notamment en matière d’immigration économique. Elle répond en particulier aux demandes du Conseil européen de décembre 2006 qui envisageait un ensemble de mesures à arrêter « […] afin d’aider les États membres à répondre aux besoins en main-d’œuvre […] tout en contribuant au développement durable de tous les pays». Elle répond en outre au programme d’action relatif à l’immigration légale (voir INI/2006/2251) qui visait, d'une part, à définir des conditions d'admission applicables à certaines catégories de migrants (travailleurs hautement qualifiés, saisonniers, stagiaires rémunérés et personnes transférées temporairement par leur société) dans le cadre de 4 propositions législatives spécifiques et, d'autre part, à établir le cadre général fondé sur le respect des droits en matière de migration des travailleurs.
La proposition cherche par ailleurs à améliorer l’attractivité de l'Union en tant que destination pour les travailleurs hautement qualifiés des pays-tiers (sachant que l’UE accueille actuellement 87% des travailleurs non-qualifiés et moyennement qualifiés du Maghreb pendant que les États-Unis et le Canada accueillent 54% des immigrants hautement qualifiés issus de ces mêmes pays).
Dans cet objectif, elle établit une procédure commune accélérée et souple pour l'admission des immigrants hautement qualifiés provenant de pays tiers ainsi que des conditions de séjour attrayantes pour eux et pour leur familles.
CONTENU : la proposition de directive vise 2 grands objectifs:
- instaurer une procédure commune pour l'admission des travailleurs hautement qualifiés issus de pays tiers pour une période supérieure à 3 mois, fondée sur une définition et des critères communs ;
- prévoir pour les personnes qui seront admises, un titre de séjour spécifique leur permettant de travailler (la «carte bleue européenne») ainsi qu’un certain nombre de droits pour eux et leur famille ainsi que la possibilité de se rendre dans un second État membre pour y travailler, après 2 ans de séjour régulier dans le 1er État membre.
Chapitre I – Champ d’application :
La directive s’applique aux ressortissants de pays tiers qui demandent leur admission sur le territoire d'un État membre afin d'y occuper un emploi hautement qualifié (à l’exclusion des travailleurs indépendants). Les professionnels n'ayant pas nécessairement besoin d'un diplôme d'études supérieures pour exercer leur activité (cadres expérimentés, certains informaticiens, etc.) pourraient également entrer dans le champ d’application de la directive à condition de pouvoir prouver une expérience d'au moins 3 ans dans la profession en question.
La directive ne s’applique pas aux ressortissants de pays tiers:
- qui séjournent dans un État membre en tant que demandeurs de protection internationale ou dans le cadre de régimes de protection temporaire;
- qui sont des réfugiés ou ont demandé la reconnaissance de la qualité de réfugié et dont la demande n'a pas encore fait l'objet d'une décision définitive;
- qui ont demandé à séjourner dans un État membre en qualité de chercheur (conformément à la directive 2005/71/CE);
- qui sont membres de la famille de citoyens de l'Union exerçant leur droit à la libre circulation à l'intérieur de la Communauté;
- qui bénéficient du statut de résident de longue durée dans un État membre (conformément à la directive 2003/109/CE);
- qui entrent dans un État membre en application d'engagements contenus dans un accord international facilitant l'entrée et le séjour temporaire de certaines catégories de personnes;
- dont l'expulsion a été suspendue pour des motifs de fait ou de droit.
Á noter que la directive est sans préjudice de tout accord futur entre la Communauté (ou la Communauté et ses États membres) et un ou plusieurs pays tiers qui dresserait une liste des professions à exclure du champ de la présente directive afin d'assurer un recrutement éthique, dans les secteurs qui souffrent d'une pénurie de main-d'œuvre dans des pays tiers.
Chapitre I – Conditions d’admission : pour être admis, un ressortissant de pays tiers devra :
- présenter un contrat de travail valide ou une offre d'emploi ferme d'un an au moins dans un État membre;
- satisfaire aux conditions auxquelles la législation nationale subordonne l'exercice par les citoyens de l'UE de la profession réglementée indiquée dans le contrat de travail;
- pour les professions non réglementées, présenter les documents attestant qu'il possède les qualifications professionnelles élevées pour l'activité ou le secteur mentionné dans le contrat de travail ou l'offre d'emploi;
- produire un document de voyage valide (les États membres peuvent exiger que la période de validité du document de voyage couvre au moins la durée initiale du permis de séjour);
- produire la preuve d'une assurance-maladie le couvrant lui-même et les membres de sa famille durant la période de son contrat de travail;
- ne pas être considéré comme une menace pour l'ordre public, la sécurité ou la santé publiques.
Outre ces conditions spécifiques, la proposition prévoit un critère « salarial » : le salaire mensuel brut prévu au contrat de travail ne devrait pas être inférieur à un seuil salarial national minimum défini par les États membres (pour les États membres qui ne fixent pas de salaire minimum, le seuil salarial national devra être au moins égal au triple du revenu minimum en deçà duquel leurs citoyens ont droit à une aide sociale).
Dérogation spécifique pour les « jeunes professionnels » (moins de 30 ans) : ces « jeunes professionnels » susceptibles de ne pas avoir suffisamment d'expérience pour pouvoir prétendre à des salaires élevés, devront remplir une condition complémentaire pour être admis au titre de travailleur hautement qualifié : avoir accompli des études supérieures dans un domaine en rapport avec l'activité dont le contrat de travail prévoit l'exercice. Le critère salarial est également assoupli pour les jeunes professionnels ayant étudié dans l'Union (deux tiers du seuil salarial national).
Volumes d'admission : la directive ne porte pas atteinte au pouvoir qu'ont les États membres de déterminer des volumes d'admission de ressortissants de pays tiers aux fins d'emplois hautement qualifiés (en d’autres termes, les États membres pourraient fixer des quotas d’entrée pour limiter le nombre potentiel d’employés hautement qualifiés admissibles).
Chapitre III – « Carte bleue européenne » : toute personne remplissant les conditions prévues à la directive et ayant fait l'objet d'une décision positive, pourra recevoir une « carte bleue européenne » d’une durée initiale de 2 ans. Celle-ci pourra être renouvelée pour 2 années supplémentaires. Si la période couverte par le contrat de travail est inférieure à 2 ans, la carte bleue européenne pourra être émise pour la durée du contrat de travail (plus de 3 mois en toute circonstance). Une période de chômage de 3 mois serait autorisée.
Accès au marché du travail : durant les 2 premières années de son séjour légal dans l'État membre concerné en tant que titulaire d'une carte bleue européenne, l'accès au marché du travail sera limité à l'exercice des activités prévues dans le contrat de travail initial. Toute modification des termes du contrat, ayant des conséquences pour les conditions d'admission ou tout changement de la relation de travail sera subordonné à l'autorisation préalable, par écrit, des autorités compétentes de l'État membre de résidence.
Format de la « carte bleue » : les États membres devront délivrer la carte bleue européenne en utilisant le format uniforme prévu par le règlement (CE) n° 1030/2002 (voir CNS/2001/0082). Ils devront notamment mentionner dans la rubrique «catégorie du titre de séjour» du format uniforme, le libellé «Carte bleue européenne».
Droits conférés par la « carte bleue » : la directive énonce les droits que confère la carte bleue européenne. Ainsi, durant sa période de validité, la carte bleue habilite son titulaire (et les membres de sa famille) à :
- entrer, ré-entrer et séjourner sur le territoire de l’État membre qui a délivré le permis unique;
- transiter par d’autres États membres.
Garanties procédurales : les autorités compétentes devront se prononcer sur une demande de carte bleue au plus tard dans les 30 jours suivant la date de soumission de la demande. Dans les cas exceptionnels impliquant des demandes complexes, le délai peut être prolongé au maximum de 60 jours supplémentaires. Toute décision de rejet d’une demande de carte devra être dûment motivée, de façon à ce qu’une explication claire du refus opposé par les autorités nationales soit fournie. Toute décision de rejet ou retrait d’une demande ou de non-renouvellement d’une carte sera susceptible de faire l’objet d’un recours devant les juridictions de l’État membre concerné.
Refus : des dispositions sont prévues pour refuser une « carte bleue » : essentiellement si le titulaire ne remplit pas ou plus les conditions d’octroi ou que les documents présentés ont été obtenus par des moyens frauduleux ou sont falsifiés. Avant de prendre leur décision concernant une demande de carte bleue européenne, les États membres pourront en outre examiner la situation de leur marché du travail et appliquer des systèmes de contingentement de postes ou encore invoquer le principe de la préférence communautaire.
Chapitre IV - Socle de droits conférés par la proposition en termes d’égalité de traitement : la directive accorde un certain nombre de droits minimaux aux titulaires de la carte bleue. Ces personnes auront ainsi la garantie de bénéficier, au même titre que les travailleurs nationaux, de droits en matière de :
a conditions de travail, y compris en matière de salaire et de licenciement, ainsi qu’en matière de santé et de sécurité au travail;
b liberté d’association, d’affiliation et d’engagement dans une organisation de travailleurs ou d’employeurs ou toute organisation professionnelle;
c éducation et formation professionnelle (les États membres peuvent toutefois restreindre les droits en matière d’accès aux bourses d’études);
d reconnaissance des diplômes, certificats et autres titres professionnels;
e branches de la sécurité sociale, tels que définies dans le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté et dans le règlement (CE) n° 859/2003 du Conseil qui vise à étendre les dispositions du règlement (CEE) n° 1408/71 et du règlement (CEE) n° 574/72 aux ressortissants de pays tiers qui ne sont pas déjà couverts par ces dispositions uniquement en raison de leur nationalité;
f l'aide sociale, telle que définie par le droit national;
g paiement des droits acquis en matière de pension en cas de déménagement dans un pays tiers;
h avantages fiscaux;
i accès aux biens et aux services et obtention des biens et des services offerts au public, y compris les procédures d’accès au logement et l’assistance offerte par les services de l’emploi (ex. : banque de données EURES);
j le libre accès à l'ensemble du territoire de l'État membre concerné, dans les limites prévues pour des raisons de sécurité.
Restrictions de droits : les États membres peuvent toutefois restreindre l’égalité de traitement avec les travailleurs nationaux i) en matière de logement social, en prévoyant que les employés aient séjourné sur leur territoire pendant 3 ans au moins ; ii) en matière d’aide sociale.
Membres de la famille des employés : ces personnes ne seront pas autorisées à obtenir une « carte bleue » au même titre que l’employé. Pour favoriser l’attractivité européenne des employés qualifiés, la directive prévoit toutefois le principe d’un regroupement familial immédiat, y compris dans les cas de séjour temporaire, ainsi que l'accès des conjoints au marché du travail. La proposition dispose également que les éventuelles mesures nationales d'intégration ne pourront être appliquées qu'une fois les membres de la famille arrivés sur le territoire de l'Union européenne.
Liens de la « carte bleue » avec le statut CE de résident de longue durée : l'objectif de la proposition est d'encourager la mobilité géographique des travailleurs hautement qualifiés. Des dérogations à la directive 2003/109/CE (sur les résidents de longue durée – voir CNS/2001/0074) sont donc prévues pour ne pas pénaliser les travailleurs mobiles, en les autorisant à cumuler des périodes de séjour dans 2 (ou au maximum 3) États membres. Des dérogations relatives aux périodes d'absence de l'Union européenne sont également prévues mais dans des conditions strictes, afin de soutenir la politique relative aux migrations circulaires et de limiter un éventuel exode des cerveaux. Un nouveau permis de séjour est également prévu pour définir le statut spécifique de ce type de titulaires : le permis de séjour «Résident de longue durée CE/Titulaire de carte bleue européenne».
Chapitre V - Séjour dans d’autres États membres : après 2 années de séjour légal dans l’État membre qui a octroyé la carte bleue européenne, l'employé et les membres de sa famille seront autorisés à se rendre dans un autre État membre afin d’exercer éventuellement un autre emploi hautement qualifié. Cette possibilité est toutefois liée à toute une série de conditions spécifiques décrites à la proposition.
Chapitre VI - Dispositions finales et territoriales : la proposition fait obligation aux États membres de partager, par le biais du réseau établi par la décision 2006/688/CE du Conseil, les informations relatives aux éventuels quotas et aux statistiques annuelles concernant son application. Ces données permettront de réaliser un suivi du recrutement dans les pays en développement qui souffrent d'une pénurie de main-d'œuvre qualifiée.
Conformément aux dispositions pertinentes des traités, la proposition ne devrait pas s’appliquer au Royaume-Uni, à l’Irlande et au Danemark.