Conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi hautement qualifié
En adoptant le rapport de Mme Ewa KLAMT (PPE-DE, DE), en coopération renforcée avec la commission de l’emploi et des affaires sociales, la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures a approuvé, sous réserve d’amendements, la proposition de directive du Conseil établissant les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi hautement qualifié (directive dite de la « carte bleue européenne »).
Globalement, les députés ont cherché à préciser le champ d’application de la directive et les critères d’octroi de la carte bleue en définissant mieux leurs potentiels titulaires. Les amendements visent également à offrir plus de flexibilité aux États membres qui pourront toujours appliquer le principe de la préférence communautaire, même lorsque tous les critères requis pour l’octroi d’une carte bleue sont remplis par les ressortissants de pays tiers qui en font la demande. Parallèlement, une série d’amendements visent à éviter la « fuite des cerveaux » des pays tiers, vers l’Union européenne.
Les principaux amendements, adoptés suivant la procédure de consultation, sont les suivants :
Définitions : les députés réaffirment le principe selon lequel la carte bleue doit s’adresser aux ressortissants de pays tiers hautement qualifiés. Dans ce contexte, ils modifient les définitions de la proposition de telle manière que les titulaires d’une carte bleue puissent prouver qu’ils obtenu un diplôme sanctionnant un cycle d’étude de 3 ans au moins ou qu’ils bénéficient de "qualifications professionnelles élevées", à savoir une qualification sanctionnée par une expérience professionnelle d'au moins 5 ans, comparable à un diplôme de l'enseignement supérieur, avec une occupation à une fonction supérieure de 2 ans au minimum.
Champ d’application : pour les députés, la proposition devrait s'appliquer aux ressortissants de pays tiers qui demandent leur admission sur le territoire d'un État membre afin d'y occuper un emploi hautement qualifié mais aussi aux ressortissants de pays tiers séjournant déjà légalement dans un État membre dans le cadre d'autres régimes. Elle ne devrait en revanche pas s’appliquer aux demandeurs d’asile, aux demandeurs d’une protection internationale ou d’un régime de protection temporaire et qui attendent une décision définitive sur leur statut, aux personnes transférées temporairement par leur société dans un État membre, aux fournisseurs de services contractuels ou aux stagiaires de niveau postuniversitaire relevant des engagements conclus par la Communauté au titre de l’Accord général sur le commerce de services (AGCS), ni enfin aux saisonniers (qui feront l’objet d’une directive à part entière, prochainement).
Les députés précisent enfin que la carte bleue doit s’adresser aux ressortissants originaires de pays tiers avec lesquels l'Union a conclu préalablement des accords de coopération et de partenariat en matière de mobilité et d'immigration.
Autres conditions d’admission : pour obtenir la carte bleue, les ressortissants de pays tiers doivent en outre réunir les conditions suivantes :
- seuil salarial : les ressortissants de pays tiers éligibles doivent avoir trouvé une offre d’emploi ferme ou un contrat de travail dont la rémunération doit équivaloir, selon les députés, à au moins 1,7 fois le salaire brut moyen de l’État membre de résidence. Ce salaire doit en outre ne pas être inférieur à celui d'un travailleur comparable dans le pays d'accueil ;
- assurance-maladie : les titulaires d’une carte bleue doivent en outre prouver qu’ils possèdent une assurance-maladie pour eux et pour leur famille couvrant tous les risques contre lesquels sont normalement couverts les ressortissants de l'État membre concerné pendant les périodes durant lesquelles il ne bénéficiera, du fait de son contrat de travail, d'aucune prestation d'assurance maladie correspondante ;
- menace pour la sécurité et l’ordre publics : ils devront également démontrer qu’ils ne représentent, au vu d'éléments objectivement attestés, une menace pour l'ordre public, la sécurité ou la santé publiques.
Á noter que les députés suppriment la dérogation prévue dans la proposition pour les demandes de cartes bleues émanant d'un ressortissant de pays tiers âgé de moins de 30 ans (conformément à cette dérogation, la carte bleue aurait pu être octroyée à des personnes de moins de 30 ans ayant une expérience professionnelle moins importante ou ne leur permettant pas d’avoir un salaire élevé). En effet, les députés estiment que ce type de dérogation serait susceptible d’introduire une discrimination fondée sur l'âge.
Préférence communautaire: au-delà du respect de l’ensemble de ces conditions d’admission, les députés estiment que les États membres doivent pouvoir rester totalement libres d’admettre ou non des ressortissants de pays tiers hautement qualifiés. Ces derniers doivent donc pouvoir tenir dûment compte de leurs besoins de main-d'œuvre aux niveaux national et régional, en accordant la préférence aux citoyens de l'UE ou aux ressortissants de pays tiers déjà présents sur le territoire de l'UE, et en contrôlant ainsi l'accès à leur marché national du travail. Les autorités nationales pourraient également refuser d’accueillir les titulaires d’une carte bleue attribuée par un autre État membre, pour lui préférer une solution nationale ou communautaire.
Validité de la carte bleue : pour les députés, la carte bleue aurait une durée de validité trop courte dans la proposition de la Commission. Ils suggèrent dès lors de la porter à 3 ans au lieu de 2 et qu’elle soit renouvelable pour une durée supplémentaire de 2 ans. Si la période couverte par le contrat de travail du titulaire est inférieure à 3 ans, la carte bleue devrait avoir la durée de validité du contrat de travail lui-même, plus 6 mois (et non 3), afin, entre autre, de lui permettre de retrouver un travail en cas de perte d’emploi.
Éviter la fuite des cerveaux… : les députés introduisent une nouvelle disposition destinée à éviter les pénuries de travailleurs hautement qualifiés dans les pays tiers. L’objectif de cette mesure est d’appeler les États membres à s’abstenir de recruter massivement des personnes hautement qualifiées dans les secteurs clés du développement des pays tiers que sont la santé ou l'éducation. Les députés encouragent également la mobilité circulaire des travailleurs hautement qualifiés, ainsi que la participation ultérieure de ces mêmes travailleurs migrants à des activités de formation ou de recherche ou à des activités techniques dans leur pays d'origine. Parallèlement, les députés encouragent les États membres à conclure des accords de coopération avec les pays tiers afin de protéger leur développement. Ces accords doivent prévoir des politiques et des principes de recrutement éthique et doivent être étayés par des mécanismes, des lignes directrices et d'autres outils facilitant les migrations circulaires et temporaires (de manière à permettre aux immigrants hautement qualifiés de retourner dans leur pays d'origine) ou renforçant leur niveau de formation.
…mais rendre l’Union européenne plus attractive pour les ressortissants de pays tiers qualifiés : sachant que l’UE reste largement peu attractive dans la "course aux cerveaux" par rapport à d’autres grandes zones du monde, comme les États-Unis, le Canada ou l'Australie (environ 5,5% seulement des migrants hautement qualifiés viennent dans l'Union, alors que près de 54% choisissent les États-Unis ou le Canada), les députés ont voulu également assouplir certaines mesures d’octroi ou de rejet des cartes bleues. Ils proposent ainsi que les États membres s'engagent, en principe, à établir les documents et les visas nécessaires dans des délais rapides ou, à tout le moins, dans un délai raisonnable avant que le demandeur commence à travailler sur la base de sa carte bleue. Ils proposent également que les titulaires de cartes bleues puissent rester sur le territoire des États membres aussi longtemps qu'ils se forment en vue d'approfondir leurs compétences professionnelles. Plusieurs autres amendements visent également à favoriser l’égalité de traitement avec les travailleurs nationaux.
Installation dans un 2ème État membre : les députés clarifient le principe de réinstallation dans un autre État membre, pour un titulaire de carte bleue. Ils prévoient ainsi qu’après 36 mois de séjour légal dans un 1er État membre en tant que titulaire d'une carte bleue européenne, un ressortissant de pays tiers puisse, tout en résidant dans ce 1er État, exercer un emploi hautement qualifié dans un 2ème État membre. Les modalités détaillées de cette migration "alternante" seraient régies par la proposition de directive sur le permis unique qui fait l’objet d’un examen parlementaire parallèle. Par ailleurs, les députés assouplissent les conditions d’une potentielle installation dans un 2ème État membre, en laissant la possibilité aux États membres de déroger positivement au seuil de rémunération visé à l'article 5, par. 2 de la proposition sur le seuil salarial (l’idée est de tenir compte des différences de barème salarial national).
Statut de résident de longue durée : enfin, les députés estiment qu’il faut porter à 3 ans et non à 2, la durée de résidence sur le territoire de l'État membre concerné avant d'obtenir le statut de résident de longue durée.