Protection des consommateurs: actions en cessation en matière de protection des intérêts collectifs des consommateurs

1996/0025(COD)

La Commission a présenté un rapport concernant l'application de la directive 98/27/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs.

Selon la Commission, un apport important de la directive a été d'introduire dans chacun des États membres une procédure d'action en cessation visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs. Cette procédure est utilisée par les associations de consommateurs avec un certain succès pour les infractions nationales. En revanche, l'application de la directive aux infractions transfrontalières est décevante. Selon les informations dont dispose la Commission, seul l’Office of Fair Trading (OFT, autorité publique en charge de la protection des intérêts des consommateurs au Royaume-Uni) a utilisé le mécanisme mis en place par la directive.

Les raisons principales invoquées, tant par les États membres que par les parties intéressées, pour expliquer le faible nombre d'actions en cessation menées dans un autre État membre sont le coût d'une action en cessation, la complexité et la longueur de la procédure et la portée limitée de l'action en cessation. L'obstacle majeur qui explique que très peu d'actions en cessation aient été menées à l'encontre d'infractions intracommunautaires est le manque de ressources par rapport aux risques financiers encourus par les entités qualifiées susceptibles de mener de telles actions, mais aussi par rapport à l'expertise nécessaire face aux différentes procédures existant dans les États membres.

Coût : les trois quarts des associations de consommateurs interrogées invoquent le coût de l'action comme l’un des obstacles principaux pour agir en cessation, notamment en cas d'infraction intracommunautaire. De même, plusieurs États membres soulignent des difficultés pour les entités qualifiées à mener de telles actions en raison des risques financiers encourus. Si l’action est menée dans un autre État membre, la procédure entraînera également des frais de traduction et il existera des incertitudes quant aux coûts de justice pratiqués dans l'autre État membre (par exemple concernant les frais de citation ou de notification du jugement). Les associations invoquent aussi un risque de voir doubler leurs frais d'avocats et d'expertise.  Le risque financier est d'autant plus important lorsque l'action est menée dans un État membre où s'applique le principe selon lequel la partie perdante doit prendre en charge l’ensemble des coûts de procédure et notamment supporter les coûts de la partie gagnante (en particulier tout ou partie de ses frais d'avocat). Or, ce principe existe dans la plupart des États membres.

La complexité et la longueur des procédures : celle-ci découle avant tout de la diversité des procédures d’action en cessation d’un État membre à un autre, qui restent fortement soumises à l’emprise des procédures judiciaires ou administratives nationales. Les incertitudes existant quant à la loi applicable renforcent encore ce sentiment de complexité. Si la directive harmonise certains aspects de l’action en cessation dans les États membres, elle laisse une certaine latitude à ces derniers. Elle leur permet notamment de choisir une procédure d’action en cessation judiciaire ou administrative et leur laisse le choix d’adopter, ou non, une procédure de consultation préalable et d’en fixer les modalités. La directive permet aussi aux États membres d’adopter ou de maintenir, au plan national, des dispositions accordant une faculté d'agir plus étendue aux entités qualifiées ou à toute autre personne. L’analyse de la transposition de la directive a montré la diversité des choix faits par les États membres. Par ailleurs, en restant muette sur de nombreux aspects de la procédure d’action en cessation, comme les délais de prescription ou les délais et frais de procédure, la directive soumet fortement l’action en cessation aux procédures civiles, commerciales ou administratives nationales, lesquelles peuvent varier considérablement d'un État à l'autre.

L'effet limité des décisions : dans la plupart des États membres, la décision prise au terme d'une action en cessation a un effet relatif. La décision n'a de force contraignante que dans l'affaire en cause à l'encontre des parties à l'action, à savoir l’entité qualifiée qui a agi en cessation et l’entreprise qui a fait l’objet de l’action en cessation. En pratique, cela signifie que si une entreprise commet une infraction identique à celle pour laquelle une autre entreprise a été condamnée, une autre action en cessation devra être menée pour faire cesser cette infraction. L'action en cessation est par ailleurs limitée par la portée nationale de la décision prise. Des entreprises malhonnêtes qui violent sciemment la législation et qui ont été condamnées dans un État membre ont tendance à se délocaliser dans un autre État membre. Une nouvelle action en cessation dans cet autre État est alors nécessaire pour faire cesser les activités illégales de cette entreprise.

Conclusion : le rapport conclut que le règlement CPC apporte une réponse partielle aux difficultés soulevées par la mise en œuvre de la directive, et que son application devrait considérablement améliorer la lutte contre les infractions intracommunautaires. L'adoption du règlement Rome II devrait également avoir un certain effet. La Commission estime qu'il est préférable d'attendre de disposer de réactions plus détaillées concernant l'application des règlements CPC et Rome II avant de tirer des conclusions quant à la manière de procéder avec la directive. Par conséquent, la Commission est d’avis qu'il n'y a pas lieu à l'heure actuelle de proposer une quelconque modification ou abrogation de la directive mais qu'il convient au contraire de continuer à en examiner l'application. En particulier, elle estime qu'il n'y a pas lieu d'élargir le champ d'application de la directive aux intérêts collectifs des entreprises, ni de généraliser l'application de la consultation préalable.