Agenda social renouvelé

2008/2330(INI)

Le Parlement européen a adopté par 403 voix pour, 51 voix contre et 12 abstentions, une résolution sur l'Agenda social renouvelé.

Le Parlement rappelle tout d’abord que la crise financière et économique actuelle aura comme principale conséquence une forte hausse du chômage dans l’Union, laquelle touchera plus durement les personnes les plus vulnérables. Rappelant, par ailleurs, que l’emploi n’est pas toujours une garantie de sortie de la pauvreté pour de nombreuses personnes dans l’UE, le Parlement souligne que 16% des citoyens européens sont menacés de pauvreté (chiffres 2006) et que les enfants, les familles nombreuses, les parents isolés, les chômeurs, les personnes handicapées, les jeunes, les personnes âgées, les minorités ethniques et les migrants sont ceux qui risquent de payer le plus lourd tribut à la crise.

Dans ce contexte, le Parlement analyse les propositions faites par la Commission dans son Agenda social renouvelé et estime que 2 grandes catégories d’actions devraient être mises en œuvre : des actions prioritaires et des actions productives.

1) Actions prioritaires :

- Modèles sociaux européens : compte tenu de la récession économique, le Parlement invite le Conseil et la Commission à réaffirmer l’importance d’une Europe sociale forte, intégrant des politiques durables, effectives et efficaces dans le domaine social et en matière d’emploi. Il appelle la Commission à élaborer un Agenda pour la politique sociale ambitieux pour la période 2010-2015 et à :

  • proposer un plan politique cohérent en matière de travail décent conforme à la Charte des droits fondamentaux de l’UE;
  • combiner l'Agenda social renouvelé à d'autres initiatives telles que le pacte européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes, le pacte européen pour la jeunesse et l'Alliance européenne pour les familles.

Le Parlement s’inquiète de ce que les mesures proposées par la Commission ne sont pas suffisamment cohérentes pour avoir une incidence sur les niveaux actuels de pauvreté et d’exclusion dans l’UE ni pour relever les défis en matière de cohésion sociale. Il réclame dès lors des actions destinées à trouver un équilibre entre les libertés économiques et les droits sociaux, en particulier : i) une directive régissant les droits du travail fondamentaux applicables à tous les travailleurs (quel que soit leur statut professionnel) ; ii) la révision de la directive visant réduire l’écart des rémunérations entre les hommes et les femmes ; iii) une directive sur la négociation collective transfrontalière. Il estime également que la politique sociale devrait passer par des actions clés, comme la lutte contre la discrimination ainsi que la modernisation des modèles sociaux européens tout en renforçant leurs valeurs.

Alors que les États membres sont confrontés à une grave crise économique, le Parlement considère que ce n’est pas le moment de réduire les dépenses sociales, mais qu’il faut au contraire renforcer les réformes structurelles, soutenir les services sociaux d'intérêt général, en réaffirmant leur accès universel, leur qualité et leur viabilité. C’est pourquoi, le Parlement appelle la Commission à réaffirmer le rôle crucial du service public au sein de l'UE en proposant une directive-cadre sur les services d'intérêt général, garantissant leur sécurité juridique. Il souligne également la nécessité de moderniser les systèmes nationaux de sécurité sociale en vue d'éradiquer la pauvreté dans une perspective de long terme (en réformant les systèmes de pensions ou les services de santé notamment, par l’amélioration de leur accès et l’établissement d’un régime de taxation progressif en fonction du revenu des personnes).

Le Parlement constate en outre que certains États membres appliquent le principe du salaire minimum. Il suggère que d'autres États membres mettent cette expérience à profit et les appellent à prévoir des régimes tels que, par exemple, un salaire minimum et d'autres dispositions légales et contraignantes ou des conventions collectives conformes aux traditions nationales permettant aux travailleurs à temps plein de gagner leur vie de manière décente.

Des mesures sont en outre réclamées pour prendre en compte les conséquences sociales du réchauffement climatique.

- Politiques dans le domaine social et en matière d'emploi : si le Parlement se félicite des propositions destinées à mieux concilier travail et vie privée, des mesures s’imposent pour encourager l’ouverture des employeurs à la flexibilité du travail. Il invite dès lors la Commission à présenter une proposition portant sur une meilleure conciliation de la vie privée, de la vie de famille et de la vie professionnelle, en optimisant l’utilisation des TIC et en recourant aux nouvelles formes d’organisation du travail. Les États membres sont également appelés à assurer des régimes de revenu minimum garanti pour l'insertion sociale.

Pour lutter contre le décrochage scolaire, le Parlement réclame des programmes scolaires adaptés au marché du travail de demain, tenant compte des besoins de la société et de l'évolution technologique. Il appelle à la promotion du concept « d’écoles de la seconde chance » et de formes d’apprentissage informelles et non formelles. Il rejette notamment l’enseignement de mauvaise qualité et caractérisé par la ségrégation, qui a des effets négatifs irréversibles sur les groupes marginalisés (ex. : les Roms).

Des mesures sont également attendues pour renforcer l’apprentissage et la formation tout au long de la vie. Le Parlement souligne notamment la nécessité de perfectionner l’enseignement européen, en dynamisant le processus de compatibilité et de comparabilité des systèmes éducatifs des États membres et en renforçant les coopérations entre universités et entreprises.

Face à la crise, des mesures s’imposent également pour mieux associer les travailleurs aux processus de décision au sein des entreprises. Le Parlement réitère ainsi son appel à un renforcement du fonctionnement des conseils d’entreprise européens. D’autres pistes pourraient également être explorées, comme par exemple, la possibilité pour les personnes au chômage, de créer facilement leur entreprise, via des crédits à taux d'intérêt réduits, ou un forfait d'allocations de chômage qui, tout en atténuant les pertes de revenus, aideraient les chômeurs à trouver de nouveaux emplois. Le Parlement souligne également l’importance de l’économie sociale et du microcrédit pour aider à la réinsertion sociale et économique des chômeurs (notamment, ceux de longue durée).

En ce qui concerne les femmes, le Parlement juge particulièrement important de soutenir celles d’entre elles qui vont devenir mères, en leur versant des allocations correspondant à la période de l’éducation de leurs enfants ou en créant pour elles un cadre favorable à leur réintégration sur le marché du travail.

Le Parlement demande encore la promotion d’un lien plus puissant entre flexicurité et renforcement du dialogue social, dans le respect des usages et pratiques nationaux. Reconnaissant, par ailleurs, que les États membres sont seuls compétents en matière de politique salariale, le Parlement appelle les partenaires sociaux à débattre de nouvelles méthodologies en matière de politiques salariales qui pourraient comporter une participation financière des travailleurs plus importante aux recettes de l’entreprise. Le débat devrait également porter sur la question du «salaire décent», de façon à garantir des salaires minimaux nettement plus élevés que le niveau de revenu suffisant et permettre ainsi aux personnes de sortir de la pauvreté et de tirer des bénéfices de leur travail.

- Immigration : le Parlement attire l’attention sur l’impact négatif que peut avoir l’immigration sur le processus de développement des pays d’origine, en termes de fuites des cerveaux. Il faut donc procéder au « recrutement éthique » dans les pays tiers, en particulier concernant les professionnels des soins de santé. Le Parlement souligne également que l'impact à long terme de l'immigration sur l'évolution démographique est incertain, sachant qu'il dépend de la volatilité des flux migratoires, de la réunification familiale et des taux de fécondité. Il souligne, par ailleurs, l’impact favorable sur les systèmes de sécurité sociale des États membres, des immigrants légaux. L’immigration légale doit également aller de paire avec l’intégration, sur la base de l’égalité des chances. Le Parlement considère en outre que le renforcement de la mise en œuvre des législations du travail existantes, dans le respect du droit national et communautaire et des conventions de l’OIT, doit être une priorité pour les institutions communautaires et les États membres, de même que la mise en  œuvre de la législation anti-discrimination.

- L'UE au niveau extérieur : le Parlement estime que, dans ses relations extérieures, l'UE devrait jouer un rôle plus proactif en promouvant des normes fondamentales en matière sociale et environnementale. Il milite également pour la fixation d’un agenda du travail décent apte à promouvoir le respect des conventions de l’OIT. Par ailleurs, le Parlement estime que l’UE devrait tendre vers un processus de mondialisation qui soit plus intégrateur sur le plan social et plus viable sur les plans économique et environnemental. La Commission est également appelée à promouvoir activement le concept de responsabilité sociale des entreprises.

- Fonds structurels : le Parlement se prononce en faveur du renforcement du potentiel des Fonds structurels par la simplification, l’assouplissement et l’amélioration des procédures afin d’aider les États membres à optimiser les résultats des politiques dans le domaine social et en matière d’emploi. L’agenda social renouvelé devrait ainsi clairement mentionner que les Fonds structurels et de cohésion de l’UE doivent permettre d’améliorer l’employabilité des personnes, mais aussi à renforcer les infrastructures sociales. Le Parlement demande également que l’on accorde une attention particulière aux régions les plus touchées par la mondialisation, ainsi qu'aux régions des nouveaux États membres qui se trouvent dans un processus de convergence sociale.

2) Actions productives :

- Dialogue social et dialogue civil : le Parlement demande que le dialogue social soit renforcé afin de favoriser les politiques de sécurité et de santé au travail et, d’une manière générale, d’améliorer la qualité de vie au travail. Pour permettre à chacun de s’exprimer dans ce contexte, le Parlement demande à la Commission de savoir comment les travailleurs temporaires, à temps partiel ou contrat à durée déterminée, pourraient être associés au dialogue social. Il demande également plus de visibilité pour les résultats du dialogue social ainsi qu’un vaste débat entre les acteurs européens, les autorités publiques nationales, les employeurs et les travailleurs, ainsi que la société civile, sur l’agenda social après 2010.

Le dialogue devrait également être favorisé entre le Parlement et la société civile (laquelle devrait être consultée dès le départ aux processus de décision). Le Parlement souligne tout le prix qu’il attache au processus de consultation pour donner le pouvoir aux citoyens de contribuer directement au processus politique au niveau de l’UE. Il invite dès lors la Commission à prendre des mesures supplémentaires de sensibilisation aux futures consultations de l’UE via les médias et d’autres forums appropriés. Pour le Parlement, il est également urgent que les institutions européennes, les partenaires sociaux nationaux et la société civile concluent un «pacte social» comportant des actions sociales, avec des objectifs contraignants et des indicateurs réalistes.

- Droit de l'UE : le Parlement demande parallèlement une amélioration du processus législatif européen, dans le cadre duquel il importe de préciser pourquoi des actions sont nécessaires au niveau de l’UE, de veiller à la qualité du contenu et de présenter une forte et indépendante évaluation d’impact concernant les conséquences sociales, économiques et sur l’environnement. Dans ce contexte, le Parlement souhaite que l’on accorde la priorité à une coopération efficace entre les États membres et que l’on associe étroitement la société civile au processus législatif afin de rapprocher les citoyens de l’UE.

- Méthode ouverte de coordination (MOC) : le Parlement estime enfin qu’il faudrait plus étroitement corréler les politiques économique et sociale au niveau de l’UE à leur impact sur l’éradication de la pauvreté et l’exclusion sociale. Il faut notamment que la Charte des droits sociaux fondamentaux devienne juridiquement contraignante et que la méthode ouverte de coordination (MOC) soit renforcée.