Monnaie électronique: accès à l'activité des établissements de monnaie électronique, son exercice et la surveillance prudentielle de ces établissements

2008/0190(COD)

AVIS DE LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE sur une proposition de directive concernant l'accès à l'activité des établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements.

Le 30 octobre 2008, la Banque centrale européenne (BCE) a reçu une demande de consultation de la part du Conseil de l'Union européenne relative à la proposition de directive susmentionnée.

Observations générales : la BCE soutient la révision de la directive 2000/46/CE dans la mesure où cette révision reconnaît que la directive n'est pas totalement conforme aux attentes actuelles du marché en ce qui concerne l'émission de monnaie électronique. La BCE exprime néanmoins sa préoccupation quant à la proposition de modifier la définition légale des établissements de monnaie électronique, qui d'«établissements de crédit» deviendraient des «établissements financiers» au sens de la directive 2006/48/CE, ce qui pourrait avoir de vastes conséquences pour la conduite de la politique monétaire. De même, la directive proposée est préoccupante du point de vue de la surveillance, dans la mesure où elle allège le régime de surveillance applicable aux établissements de monnaie électronique tout en élargissant simultanément le champ de leurs activités.

La BCE formule une série de remarques particulières sur les points suivants :

1°) Nature juridique des établissements de monnaie électronique : eu égard au type d'activités que les établissements de monnaie électronique seront autorisés à entreprendre en vertu de la directive proposée, leur nature juridique restera équivalente à celle des établissements de crédit. Cette conclusion s'appuie sur l'analyse de la définition d'établissement de crédit figurant à la directive 2006/48/CE, selon laquelle on entend par «établissement de crédit»: «une entreprise dont l'activité consiste à recevoir du public des dépôts ou d'autres fonds remboursables et à octroyer des crédits pour son propre compte».  Cette définition se rapporte à la nature de l'activité exercée et non à la nature de l'entité qui exerce cette activité. À cet égard, il semble clair qu'indépendamment de la circonstance que les établissements de monnaie électronique cessent d'être des établissements de crédit en vertu de la directive proposée et de l'interdiction qui leur est faite par la directive proposée de recevoir des dépôts ou d'autres fonds remboursables, les établissements de monnaie électronique continueront de facto à recevoir de tels dépôts.

De plus, les établissements de monnaie électronique continueront à remplir les autres critères de l'activité des établissements de crédit. Par conséquent, d'un point de vue juridique, il semblerait qu'un établissement de monnaie électronique, tel qu'il est défini dans la directive proposée, aura des caractéristiques qui ressembleront encore plus qu'aujourd'hui à celles des établissements de crédit puisque l'activité de réception de dépôts demeure inchangée et que l'octroi de crédits sera à l'avenir autorisé de manière limitée.

Du point de vue d'une banque centrale, les établissements de monnaie électronique font partie du secteur émetteur de monnaie et il convient de veiller à ce qu'ils puissent exercer en permanence leurs activités aux mêmes conditions que les établissements de crédit, tels qu'ils sont définis dans la directive 2006/48/CE.

2°) Politique monétaire : la BCE estime que des considérations relevant de la politique monétaire plaident fortement en faveur du maintien de la qualification des établissements de monnaie électronique comme établissements de crédit, contrairement à ce qui est suggéré dans la directive proposée. À cet égard, la BCE estime que les préoccupations touchant à la politique monétaire l'emportent largement sur les raisons qui justifient la directive proposée, à savoir l'alignement du cadre réglementaire applicable aux établissements de monnaie électronique sur celui qui s'applique aux établissements de paiement tels que définis dans la directive 2007/64/CE, lesquels ne sont pas couverts par la définition de l'établissement de crédit.

La BCE accueille favorablement le fait que la directive proposée maintient dans une large mesure l'obligation de remboursabilité prévue à la directive 2000/46/CE. Du point de

vue d'une banque centrale, la remboursabilité est une question fondamentale. Par conséquent, les établissements de monnaie électronique doivent être juridiquement tenus de rembourser la monnaie électronique au moyen de monnaie banque centrale à la valeur nominale, à la demande du détenteur de la monnaie électronique. Du point de vue de la politique monétaire, l'exigence de remboursabilité est nécessaire, notamment, pour préserver la fonction d'unité de compte de la monnaie, pour maintenir la stabilité des prix en évitant l'émission incontrôlée de monnaie électronique ainsi que pour préserver la capacité de contrôler les conditions de liquidité et les taux d'intérêt à court terme fixés par la BCE.

La BCE remarque en outre que la directive proposée prévoit que le détenteur de monnaie électronique peut demander à tout moment le remboursement de «la valeur monétaire de la monnaie électronique [que les émetteurs de monnaie électronique] détiennent». Cette disposition ne correspond pas exactement à ce que prévoit la directive 2000/46/CE. Pour des raisons de clarté juridique et afin de garantir une transposition cohérente de la disposition dans la législation nationale des États membres, la BCE suggère de modifier la directive proposée, pour garantir que le détenteur de monnaie électronique soit libre de choisir le mode de remboursement qu'il préfère.

3°) Cadre prudentiel :

  • la BCE estime qu'en dehors du droit qu'ont les établissements de monnaie électronique et les établissements de crédit d'émettre de la monnaie électronique, la distinction entre les établissements de monnaie électronique et les établissements de paiement n'est pas claire;
  • la modification proposée de la définition des établissements de monnaie électronique ne réduirait pas les risques liés à leurs activités. En revanche, l'analyse d'impact jointe à la directive proposée n'étudie pas les risques qui pourraient être liés à l'élargissement du champ des activités que les établissements de monnaie électronique sont habilités à exercer ;
  • la BCE estime que la disproportion alléguée entre les obligations en matière de protection des fonds et les risques effectifs liés aux activités des établissements de monnaie électronique n'a toujours pas été clairement démontrée. Elle souligne la nécessité d'approfondir l'examen des risques potentiels liés à la nouvelle «nature juridique» des établissements de monnaie électronique afin de garantir que ces établissements font l'objet d'un traitement réglementaire et prudentiel approprié ;
  • la nature relativement restrictive de la directive 2000/46/CE en ce qui concerne les options laissées aux émetteurs de monnaie électronique pour réaliser un bénéfice par l'émission de monnaie électronique a été assouplie dans la directive proposée. La modification proposée pourrait, à l'avenir, s'avérer positive pour la croissance du secteur. Il convient néanmoins de tenir compte des risques de liquidité et de défaillance importants auxquels un établissement de monnaie électronique pourrait se trouver confronté s'il était habilité à effectuer des placements dans n'importe quel type d'avoirs. À cet égard, une solution bien équilibrée pourrait être obtenue en élaborant un régime de limitation des placements plus souple que celui qui est actuellement prévu par la directive 2000/46/CE ;
  • enfin, la directive proposée relève les seuils d'application des obligations d'identification et de vigilance à l'égard de la clientèle prévus par la directive 2005/60/CE relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. Toutefois, ces seuils ne correspondent pas aux seuils prévus par la directive 2007/64/CE. Un relèvement important des seuils actuels faciliterait l'anonymat des opérations de paiement et se traduirait par une augmentation des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme liés à l'émission de monnaie électronique, notamment par l'acquisition de nombreuses cartes prépayées.

Autres remarques : sous réserve de certaines conditions, la directive proposée exclut les opérateurs de téléphonie mobile du champ d'application. Pour des raisons de clarté juridique, la BCE recommande qu’un considérant de la directive proposée contienne des indications permettant de déterminer si l'achat, par exemple, de sonneries téléphoniques ou de prévisions météorologiques est couvert par l'exemption. Elle recommande également de modifier la définition  - rédigée en termes très généraux - de la monnaie électronique afin de préciser que les fonds reçus peuvent uniquement être utilisés afin d'effectuer des transferts électroniques de fonds entre le détenteur de la monnaie électronique et les bénéficiaires de ses paiements.