Conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi hautement qualifié
OBJECTIF : établir les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi hautement qualifié et prévoir la mise en place d’une « carte bleue » européenne.
ACTE LÉGISLATIF : Directive 2009/50/CE du Conseil établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié.
CONTENU : le Conseil a adopté une directive visant à faciliter les conditions d'entrée et de séjour dans l'UE des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi hautement qualifié.
Objectif général de la directive : la directive vise à résorber les pénuries de main-d’œuvre dans l’UE, en favorisant l’admission et la mobilité - aux fins d’un emploi hautement qualifié - des ressortissants de pays tiers pour des séjours de plus de 3 mois, de manière à rendre la Communauté plus attrayante pour ces travailleurs et soutenir la compétitivité et la croissance économique. Á cet effet, la directive crée une procédure accélérée pour la délivrance d'un permis spécial de séjour et de travail pour les ressortissants de pays tiers concernés, appelé "carte bleue européenne".
La carte bleue européenne permettra à ses titulaires d'accéder plus facilement au marché du travail et de bénéficier d'une série de droits socio-économiques, de conditions favorables pour le regroupement familial et de conditions de déplacements à l'intérieur de l'UE.
Champ d’application : la directive s’applique aux ressortissants de pays tiers qui demandent leur admission sur le territoire d'un État membre afin d'y occuper un emploi hautement qualifié.
Elle ne s’applique en revanche pas aux ressortissants de pays tiers:
- qui sont autorisés à séjourner dans un État membre en vertu d’une protection temporaire et qui attendent une décision sur leur statut;
- qui sont réfugiés ou en attente d’une décision sur leur demande de statut de réfugiés;
- qui ont demandé à séjourner dans un État membre en qualité de chercheur (conformément à la directive 2005/71/CE);
- qui sont membres de la famille de citoyens de l'Union exerçant leur droit à la libre circulation à l'intérieur de la Communauté;
- qui bénéficient du statut de résident de longue durée dans un État membre ;
- qui entrent dans un État membre en application d'engagements contenus dans un accord international facilitant l'entrée et le séjour temporaire de certaines catégories de personnes;
- qui ont été admis sur le territoire d’un État membre en tant que travailleurs saisonniers ;
- dont l'éloignement a été suspendu pour des motifs de fait ou de droit ;
- qui sont couverts par la directive 96/71/CE sur le détachement des travailleurs dans le cadre d’une prestation de services.
Á noter que la directive est sans préjudice de tout accord futur entre la Communauté (et/ou ses États membres) avec un ou plusieurs pays tiers en vue de dresser la liste des professions à exclure du champ d’application de la directive afin d'assurer un recrutement éthique, dans les secteurs qui souffrent notamment d'une pénurie de main-d'œuvre dans des pays en développement (santé, éducation).
Conditions d’admission : la directive détermine les critères communs que les État membres devront imposer aux demandeurs de la carte bleue, sans préjudice de conditions plus avantageuses prévues par les législations nationales. Peuvent ainsi obtenir une carte bleue, les ressortissants de pays tiers qui :
- présentent un contrat de travail valide ou une offre d'emploi ferme d'un an au moins dans un État membre;
- présentent un document qui prouve qu’ils satisfont aux conditions auxquelles la législation nationale subordonne l'exercice, par les citoyens de l'UE, de la profession réglementée indiquée dans le contrat de travail;
- pour les professions non réglementées, présentent les documents attestant qu'ils possèdent les qualifications professionnelles élevées pour l'activité ou le secteur mentionné dans le contrat de travail ou l'offre d'emploi;
- produisent un document de voyage valide – titre de séjour, visa de longue durée;
- produisent la preuve d'une assurance-maladie qui les couvre durant la période de leur contrat de travail;
- ne sont pas considérés comme une menace pour l'ordre public, la sécurité ou la santé publiques ;
- fournissent éventuellement leur adresse dans l’État membre dans lequel ils seront employés.
Outre ces conditions spécifiques, la directive prévoit un critère « salarial ». Le salaire annuel brut prévu au contrat de travail des titulaires de cartes bleues ne devra pas être inférieur à un seuil salarial national défini par les États membres et qui sera au moins égal à une fois et demie le salaire annuel brut moyen dans l’État membre concerné (des dérogations à ce seuil minimum sont toutefois prévues pour certaines professions spécifiques). En tout état de cause, les États membres devront tenir compte de conventions collectives ou des pratiques applicables aux secteurs professionnels visés par les emplois concernés.
Volumes d'admission : la directive ne porte pas atteinte au pouvoir qu'ont les États membres de déterminer des volumes d'admission de ressortissants de pays tiers aux fins d'emplois hautement qualifiés (en d’autres termes, ils pourront éventuellement fixer des quotas d’entrée pour limiter le nombre potentiel d’employés qualifiés admissibles). Ils pourront en outre ne pas accorder de titres de séjour à des fins d’emploi dans certaines professions, certains secteurs économiques ou régions déterminés.
Carte bleue européenne : tout ressortissant de pays tiers répondant aux conditions prévues à la directive et ayant fait l'objet d'une décision positive, pourra recevoir une « carte bleue européenne » d’une durée pouvant aller de 1 à 4 ans. Une carte bleue peut être délivrée ou renouvelée pour des périodes plus courtes afin de couvrir la durée du contrat de travail plus trois mois.
- format de la « carte bleue » : les États membres devront délivrer la carte bleue européenne en utilisant le format uniforme prévu par le règlement (CE) n° 1030/2002. Ils devront notamment mentionner dans la rubrique «catégorie du titre de séjour» du format uniforme, le libellé «Carte bleue européenne». Pendant sa période de validité, la carte bleue habilite son titulaire à : a) entrer, rentrer et séjourner sur le territoire de l’État membre qui a délivré la carte bleue ; et b) bénéficier de droits que lui reconnaît la présente directive (voir ci-après) ;
- garanties procédurales : les autorités compétentes devront se prononcer sur une demande de carte bleue au plus tard dans les 90 jours suivant la date de soumission de la demande. Toute décision de rejet ou retrait d’une demande ou de non-renouvellement d’une carte sera susceptible de faire l’objet d’un recours devant les juridictions de l’État membre concerné ;
- demandes d’admission : il reviendra aux États membres de décider si la demande de carte bleue doit être présentée par le ressortissant de pays tiers et/ou par son employeur. En principe, la demande est toujours examinée, que le ressortissant de pays tiers réside hors du territoire de l’État membre sur lequel il souhaite être admis ou qu’il y séjourne déjà en tant que titulaire d’un autre titre de séjour ou d’un visa national de longue durée ;
- motifs de refus : des dispositions sont prévues pour refuser une carte bleue (essentiellement si le titulaire ne remplit pas ou plus les conditions d’octroi ou que les documents présentés ont été obtenus par des moyens frauduleux ou sont falsifiés). Le refus pourrait également se justifier pour des raisons éthiques (par ex. : pour éviter la « fuite des cerveaux » du pays d’origine) ou si l’employeur a été sanctionné pour emploi illégal ;
- préférence communautaire : avant de prendre leur décision concernant une demande de carte bleue européenne ou de renouvellement, les États membres pourront examiner la situation de leur marché du travail et appliquer des systèmes de contingentement de postes ou encore invoquer le principe de la préférence communautaire ou de préférence de ressortissants de pays tiers déjà installés sur leur territoire.
Socle de droits conférés par la directive en termes d’égalité de traitement : les titulaires d'une carte bleue européenne bénéficieront de l'égalité de traitement avec les ressortissants de l'État membre qui a délivré la carte bleue en ce qui concerne:
- les conditions de travail, y compris les exigences en matière de salaire et de licenciement;
- la liberté d'association;
- l'enseignement, la formation et la reconnaissance des qualifications;
- un certain nombre de dispositions des législations nationales concernant la sécurité sociale et les retraites;
- l'accès aux biens et aux services, y compris les procédures d'obtention d'un logement, les services d'information et de conseil; et
- le libre accès à l'ensemble du territoire de l'État membre concerné, dans les limites prévues par la législation nationale.
Il est toutefois précisé que durant les 2 premières années de son emploi légal en tant que titulaire d’une carte bleue, un ressortissant de pays tiers pourra avoir accès au marché du travail strictement limité à l’exercice à son contrat de travail initial. Après ces 2 années, les États membres pourront octroyer aux personnes concernées l’égalité de traitement avec les nationaux n ce qui concerne l’accès aux emplois hautement qualifiés.
Á noter encore que le chômage ne constitue pas en soi une raison pour retirer une carte bleue. Toutefois, la directive prévoit un certain nombre de restrictions à l’égalité de traitement dans certains domaines (comme notamment, en matière d’éducation,…). En outre, afin d’éviter d’éventuelles utilisations abusives du système, la mobilité professionnelle des travailleurs hautement qualifiés issus de pays tiers sera limitée pendant les 2 premières années de leur emploi légal dans un État membre.
Membres de la famille des employés : ces personnes ne seront pas autorisées à obtenir une « carte bleue » au même titre que l’employé. Toutefois, pour favoriser l’attractivité européenne des employés qualifiés, la directive prévoit le principe d’un regroupement familial.
Autres dispositions liées : la directive prévoit un certain nombre de dispositions spécifiques visant à lier le titulaire d’une carte bleue européenne au statut CE de résident de longue durée de sorte que les titulaires de la carte bleue qui remplissent les conditions d’obtention d’un statut de résident de longue durée — CE puissent l’obtenir, moyennant certaines conditions.
Séjour dans d’autres États membres : après 18 mois de séjour légal dans un premier État membre en tant que titulaire d'une carte bleue européenne, un ressortissant de pays tiers et les membres de sa famille pourront, à certaines conditions, se rendre dans un autre État membre aux fins d'un emploi hautement qualifié.
Rapports : tous les 3 ans, et pour la première fois le 19 juin 2014, la Commission devra faire rapport au Parlement européen et au Conseil sur l’application de la directive, et proposer, le cas échéant, les modifications nécessaires. La Commission évaluera en particulier la pertinence du seuil salarial prévu à la directive et étudier son impact en termes de « fuites des cerveaux ».
Modalités d’application : chaque année, et pour la première fois le 19 juin 2013, les États membres devront transmettre à la Commission des statistiques sur le nombre de ressortissants de pays tiers auxquels ils ont accordé une carte bleue et, dans la mesure du possible, les volumes de ressortissants de pays tiers dont la carte bleue européenne a été renouvelée ou retirée durant l’année civile écoulée, en mentionnant leur nationalité et, dans la mesure du possible, leur activité professionnelle.
Dispositions territoriales : conformément aux dispositions pertinentes des traités, la directive ne s’applique pas au Royaume-Uni, à l’Irlande et au Danemark.
ENTRÉE EN VIGUEUR : 19.06.2009.
TRANSPOSITION : 19.06.2011.