Politiques de l'Union européenne en faveur des défenseurs des droits de l'homme
En adoptant le rapport d’initiative de Mme Heidi HAUTALA (Verts/ALE, FI) sur la politique de l'UE en faveur des défenseurs des droits de l'homme, la commission des affaires étrangères rend hommage à la contribution précieuse des défenseurs des droits de l’homme à la défense et à la promotion des droits de l’homme, de l’état de droit, de la démocratie, ainsi qu’à la prévention des conflits, au prix de leur propre sécurité personnelle et de celle de leurs familles. Les députés appellent l’UE à donner la priorité à une mise en œuvre plus efficace des instruments et mécanismes existants pour une protection cohérente et systématique des défenseurs des droits de l’homme dans l’Union et recommande que le Haut représentant de l’Union pour la politique étrangère et de sécurité commune (Haut représentant) élabore des mesures et une méthode plus efficaces et davantage axée sur les résultats dans ce domaine, comme le propose les parlementaires avec le présent rapport.
Les députés exhortent également l’UE et ses États membres à soutenir l’action des défenseurs des droits de l’homme et à développer de nouveaux mécanismes de soutien pour promouvoir leur action en créant un environnement favorable aux défenseurs des droits de l’homme et à leur protection. Cela doit s’assortir d’une politique visant également à la prévention et à la protection contre les attaques et menaces dont ils font l’objet.
Ne pas définir strictement la notion de « défenseur des droits de l’homme » : les députés soulignent l'importance de ne pas définir trop précisément ce qu'il faut entendre par "défenseur des droits de l'homme", car cela pourrait rendre leur protection plus difficile. Ils se félicitent que la déclaration de l’ONU de 1998 ne donne pas de définition stricte à cet égard et appellent en ce sens le Conseil et la Commission à soutenir cette approche.
Renforcement institutionnel et innovations relevant du traité de Lisbonne : les députés rappellent que le traité de Lisbonne fait de la promotion et de la protection des droits de l'homme un des aspects centraux de l'action extérieure de l'Union. La promotion des droits de l’homme doit se refléter dans la structure du service européen d’action extérieure (SAE) en affectant à ce service des ressources humaines suffisantes et prévoyant en son sein un guichet spécialement chargé des défenseurs des droits de l'homme.
Pour renforcer le rôle et l’efficacité des défenseurs des droits de l’homme, les députés réitèrent leur demande que soit désigné dans chaque pays un responsable politique hautement qualifié chargé des droits de l’homme et de la démocratie. Les députés estiment parallèlement que la nomination du Haut représentant et la création d’un SAE sont de nature à renforcer considérablement la cohérence de l’Union dans ce domaine. Ils se félicitent, dans ce contexte, de la demande de la présidence espagnole de nommer un agent de liaison local commun aux missions de l’UE pour les défenseurs des droits de l’homme, chargé de coordonner les activités de l’Union. Ils demandent à cet égard que le Parlement soit tenu au courant de ces nominations.
Vers une approche plus cohérente et systématique dans le cadre de la politique de l'UE en matière de droits de l'homme : face au manque de mise en œuvre des orientations de l’UE relatives aux défenseurs des droits de l’homme, les députés demandent que des efforts accrus soient déployés pour que toutes les délégations dans les pays tiers se dotent de stratégies de mise en œuvre de ces orientations au niveau local avant la fin de 2010. Plusieurs initiatives sont également proposées pour renforcer la cohérence dans ce domaine :
- l’organisation de rencontres au moins une fois par an entre les défenseurs des droits de l'homme et les diplomates ainsi que l’organisation d’une réunion internationale des défenseurs des droits de l’homme, avec la participation des Nations unies, des secrétariats des conventions des droits de l’homme régionales et des ONG et régionales;
- le renforcement des actions destinées spécifiquement aux femmes défenseurs des droits de l’homme et d’autres groupes particulièrement vulnérables tels que les journalistes et défenseurs œuvrant à la promotion des droits économiques, sociaux et culturels, des droits des enfants ainsi que des droits des minorités, des peuples indigènes, etc.
- la prise en compte de l’aspect « défenseurs des droits de l’homme » dans les documents de stratégie nationaux/programmes indicatifs nationaux, les plans d’action PEV, les programmes d’action de l’EIDHR et l’instrument de stabilité ;
- le suivi régulier des stratégies nationales spécifiques concernant les droits de l’homme et la démocratie ;
- le renforcement de l’aspect « défense des droits de l’homme » dans les dialogues politiques engagés avec les pays tiers mais aussi dans les négociations commerciales avec ces pays : les députés insistent notamment sur l’idée qu’il faut sensibiliser les pays tiers à l’application des obligations et droits inscrits dans la déclaration des Nations unies relative aux défenseurs des droits de l’homme, en ce compris la liberté d’association et de réunion,…. et à l’obligation de protéger et de promouvoir le respect des défenseurs des droits de l’homme en créant des conditions favorables à leur travail;
- l’octroi de financements domestiques ou extérieurs aux défenseurs des droits de l’homme, en toute transparence ;
- le renforcement de la présence du Parlement européen notamment via ses délégations dans les pays tiers ou une plus grande implication du PE dans les dialogues bilatéraux en matière de droits de l’homme entre l’UE et les États tiers.
Globalement, les députés estiment qu’une approche européenne coordonnée et cohérente s’avère nécessaire dans ce domaine et qu'il y a lieu de laisser les États membres jouer un rôle complémentaire en ce qui concerne la protection des défenseurs des droits de l'homme.
Les parlementaires condamnent par ailleurs le climat d'impunité dont bénéficient les violations commises à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme dans de nombreux pays du monde et appellent le Conseil et la Commission à aborder cette question lors des contacts bilatéraux, en invitant tous les États à faire en sorte que les auteurs de ces violations soient traduits en justice selon des procédures disciplinaires ou pénales indépendantes et efficaces. Ils soulignent au passage que la lutte contre le terrorisme ne doit pas être invoquée arbitrairement à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme.
Devant les moyens de plus en plus élaborés pour persécuter les défenseurs des droits de l'homme, non seulement les nouvelles technologies mais aussi des législations restreignant leurs activités, les députés appellent le Conseil et le Haut représentant à dénoncer et réprimander systématiquement les entreprises internationales qui fournissent des technologies de surveillance à des régimes oppressifs, facilitant la persécution et l’arrestation de défenseurs des droits de l’homme. L’évolution des nouvelles technologies et leur impact sur les défenseurs des droits de l’homme doivent en outre être évalués et les résultats intégrés aux programmes existants de l’UE sur les droits de l’homme et leurs défenseurs.
Les députés soulignent également l’importance de la société civile et le fait qu’elle doit être indépendante et pleinement associée à la préparation de tous les dialogues relatifs aux droits de l'homme, que ce soit par des séminaires ou par d'autres moyens. Les députés estiment qu’il faut continuer à aborder les cas particuliers lors des dialogues avec les pays tiers et si besoin est, publier des listes de noms pour renforcer l’effet des actions de l’UE (et à condition que la publication de ces noms ne mette pas les personnes concernées en péril).
Davantage de transparence et de visibilité à titre de mesure de protection : les députés invitent le Conseil et la Commission à sensibiliser les défenseurs des droits de l’homme, le SAE, les ambassades de l’UE et les ministères des affaires étrangères de l’UE à l’existence des orientations de l’Union en la matière. Ils considèrent que les rencontres annuelles prévues dans ces orientations constitueraient un soutien considérable aux défenseurs des droits de l’homme et une manière d’accroître la crédibilité et la visibilité de l’action de l’UE. Ils invitent le Haut représentant ainsi que tous les commissaires chargés des relations extérieures à rencontrer systématiquement les défenseurs des droits de l'homme lorsqu'ils sont en déplacement officiel dans les pays tiers. Ils demandent notamment aux États membres et aux délégations de l'UE d'assurer chaque fois que cela est possible, la publicité des démarches et autres activités entreprises. Ils invitent également les missions de l’UE à assurer l’information en retour des défenseurs des droits de l’homme et/ou de leurs familles, ainsi que des ONG qui ont alerté l’UE sur un cas particulier. Pour les députés, le soutien aux défenseurs des droits de l'homme devrait absolument faire partie du mandat des représentants spéciaux de l'UE. Ils soulignent que tant le Haut représentant que les représentants spéciaux auront à répondre de leur action dans ce domaine devant le Parlement européen. La commission parlementaire souligne au passage la nécessité d'élaborer et d'appuyer des propositions sur les manières d'utiliser le réseau du prix Sakharov lancé en décembre 2008 à l'occasion du 20ème anniversaire du prix afin d’aider les défenseurs des droits de l'homme. Ils répètent au passage leur préoccupation concernant la violation des droits de l’homme dans le cas de certains lauréats du prix.
Vers une démarche plus coordonnée et plus axée sur les résultats en faveur des défenseurs des droits de l'homme : les députés considèrent que l'UE doit développer une approche holistique à l'égard des défenseurs des droits de l'homme pour accroître la crédibilité et l'efficacité de la politique européenne dans ce domaine. L’UE doit présenter clairement les sanctions possibles auxquelles s’exposent les États tiers qui commettent des infractions graves aux droits de l’homme. Ils demandent une fois encore au Conseil et à la Commission et en particulier au Haut représentant de donner effet à la clause relative aux droits de l'homme contenue dans les accords internationaux et de mettre en place un mécanisme pour assurer le respect effectif de cette clause. Pour développer une action axée sur les résultats, le Haut représentant de l’Union devrait évaluer régulièrement la mise en œuvre des orientations de l’UE concernant les défenseurs des droits de l’homme par les délégations dans les pays tiers, donner la priorité à certaines missions et effectuer le suivi de ces missions.
Plus généralement, les députés demandent que le Conseil rende l’Europe plus accessible aux défenseurs des droits de l’homme qui ne peuvent rester dans leur pays. Ils réitèrent leur demande adressée aux États membres d’élaborer une politique coordonnée en matière de délivrance de visas d'urgence pour les défenseurs des droits de l'homme et les membres de leurs familles. Pour les députés, donner aux nouvelles délégations de l’Union le pouvoir de formuler des recommandations aux États membres en matière de délivrance de visas d’urgence constituerait une avancée importante en la matière. Les visas d’urgence devraient en outre être accompagnés de mesures de protection temporaire et d’asile en Europe pour les défenseurs des droits de l’homme, éventuellement en leur accordant des ressources financières et un logement. Les députés se félicitent à cet égard de l'initiative "villes asile" promue par la Présidence tchèque et du programme de protection et d'accueil mis en œuvre par le gouvernement espagnol depuis 2008. Ils demandent au Haut représentant de présenter au Parlement européen un guide sur la manière de créer une ville asile, ainsi qu’une proposition cadre soutenant la mise en réseau de ces villes. Ils demandent également au Haut représentant de finaliser un programme européen de protection et d'asile pour la fin de 2010, pour l'appliquer en 2011. Ils soulignent par ailleurs que dans les situations où la vie ou la santé physique ou mentale d'un défenseur des droits de l'homme peut se trouver en danger, il conviendrait que les États membres et les délégations de l'UE soutiennent et développent d'autres instruments de protection et mécanismes d'urgence.
Les députés demandent encore, que dans le contexte de la mise en œuvre du traité de Lisbonne, les institutions de l’UE mettent en place un mécanisme de coopération interinstitutionnelle sur les défenseurs des droits de l’homme. Ils suggèrent que la création d’un tel mécanisme pourrait être facilitée par la mise en place de guichets des défenseurs des droits de l’homme dans toutes les institutions et organes de l’UE, ce guichet travaillant en étroite coopération avec les chargés aux droits de l’Homme et à la démocratie des missions et délégations de l’Union. Ils proposent également la création d’un système d'alerte commun aux institutions de l'UE ainsi que la création de bases de données spécifiques ou de registres recensant les activités entreprises.
Enfin, les députés appellent la Commission à suivre et à contrôler régulièrement la mise en œuvre à court et à long terme des orientations de l’UE concernant les défenseurs des droits de l’homme et à présenter un rapport à transmettre au Parlement européen.