Politiques de l'Union européenne en faveur des défenseurs des droits de l'homme

2009/2199(INI)

Le Parlement européen a adopté une résolution sur la politique de l'UE en faveur des défenseurs des droits de l'homme.

Dans sa résolution, le Parlement rend hommage à la contribution précieuse des défenseurs des droits de l’homme dans le monde et appelle l’UE à donner la priorité à une mise en œuvre plus efficace des instruments et mécanismes existants pour une protection cohérente et systématique des défenseurs des droits de l’homme dans l’Union. Il recommande que le Haut représentant de l’Union pour la politique étrangère et de sécurité commune (Haut représentant) élabore des mesures et une méthode plus efficace et davantage axée sur les résultats dans ce domaine.

Le Parlement exhorte également l’UE et ses États membres à soutenir l’action des défenseurs des droits de l’homme et à développer de nouveaux mécanismes de soutien pour promouvoir leur action en créant un environnement favorable aux défenseurs des droits de l’homme et à leur protection. Cela doit s’assortir d’une politique visant également à la prévention et à la protection contre les attaques et menaces dont ils font l’objet ainsi que leurs familles.

Ne pas définir strictement la notion de « défenseur des droits de l’homme » : le Parlement souligne l'importance de ne pas définir trop précisément ce qu'il faut entendre par "défenseur des droits de l'homme", car cela pourrait rendre leur protection plus difficile. Il se félicite que la déclaration de l’ONU de 1998 ne donne pas de définition stricte à cet égard et appelle en ce sens le Conseil et la Commission à soutenir cette approche.

Renforcement institutionnel et innovations relevant du traité de Lisbonne : le Parlement rappelle que le traité de Lisbonne fait de la promotion et de la protection des droits de l'homme un des aspects centraux de l'action extérieure de l'Union. La promotion des droits de l’homme doit se refléter dans la structure du service européen d’action extérieure (SEAE) en affectant à ce service des ressources humaines suffisantes et prévoyant en son sein un guichet spécialement chargé des défenseurs des droits de l'homme. La Plénière souligne dans la foulée l’importance des clauses relatives aux droits de l’homme dans les politiques commerciales, les partenariats et les accords commerciaux conclus entre l’UE et des pays tiers. Elle propose une «évaluation de la situation relative aux droits de l’homme» des pays tiers qui nouent des relations commerciales avec l’UE.

Pour renforcer le rôle et l’efficacité des défenseurs des droits de l’homme, le Parlement réitère sa demande que soit désigné dans chaque pays un responsable politique hautement qualifié chargé des droits de l’homme et de la démocratie. Il estime que la nomination du Haut représentant et la création d’un SEAE sont de nature à renforcer considérablement la cohérence de l’Union dans ce domaine. Il se félicite, dans ce contexte, de la demande de la présidence espagnole de nommer un agent de liaison local commun aux missions de l’UE pour les défenseurs des droits de l’homme, chargé de coordonner les activités de l’Union. Il demande que le Parlement soit tenu au courant de ces nominations.

Vers une approche plus cohérente et systématique dans le cadre de la politique de l'UE en matière de droits de l'homme : face au manque de mise en œuvre des orientations de l’UE relatives aux défenseurs des droits de l’homme, le Parlement demande que des efforts accrus soient déployés pour que toutes les délégations dans les pays tiers se dotent de stratégies de mise en œuvre de ces orientations au niveau local avant la fin de 2010. Plusieurs initiatives sont également proposées pour renforcer la cohérence dans ce domaine :

  • l’organisation de rencontres au moins une fois par an entre les défenseurs des droits de l'homme et les diplomates ainsi que l’organisation d’une réunion internationale des défenseurs des droits de l’homme, avec la participation des Nations unies, des secrétariats des conventions des droits de l’homme régionales et des ONG et régionales;
  • le renforcement des actions destinées spécifiquement aux femmes défenseurs des droits de l’homme et d’autres groupes particulièrement vulnérables tels que les journalistes et défenseurs œuvrant à la promotion des droits économiques, sociaux et culturels, des droits des enfants ainsi que des droits des minorités, des peuples indigènes, etc.
  • la prise en compte de l’aspect « défenseurs des droits de l’homme » dans les documents de stratégie nationaux/programmes indicatifs nationaux, les plans d’action PEV, les programmes d’action de l’EIDHR et l’instrument de stabilité ;
  • le suivi régulier des stratégies nationales spécifiques concernant les droits de l’homme et la démocratie ;
  • le renforcement de l’aspect « défense des droits de l’homme » dans les dialogues politiques engagés avec les pays tiers : le Parlement insiste sur l’idée qu’il faut sensibiliser les pays tiers à l’application des obligations et droits inscrits dans la déclaration des Nations unies relative aux défenseurs des droits de l’homme, en ce compris la liberté d’association et de réunion,…. et à l’obligation de protéger et de promouvoir le respect des défenseurs des droits de l’homme en créant des conditions favorables à leur travail;
  • l’intégration des entreprises aux dialogues en matière de droits de l’homme ;
  • le renforcement de la présence du Parlement européen notamment via ses délégations dans les pays tiers ou une plus grande implication du PE dans les dialogues bilatéraux en matière de droits de l’homme entre l’UE et les États tiers.

La Plénière insiste pour qu’en matière de financement domestique ou extérieur, on adopte des critères spécifiques en conservant un équilibre entre la transparence requise et la confidentialité nécessaire. Elle demande que des mesures soient prises pour que tout autre critère invoqué par les défenseurs des droits de l’homme soit également pris en compte, s’il est jugé essentiel pour la réalisation de leur projet.

Globalement, le Parlement estime qu’une approche européenne coordonnée et cohérente s’avère nécessaire dans ce domaine et qu'il y a lieu de laisser les États membres jouer un rôle complémentaire en ce qui concerne la protection des défenseurs des droits de l'homme.

Lutter contre le climat d’impunité : le Parlement condamne le climat d'impunité dont bénéficient les violations commises à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme dans de nombreux pays du monde et appelle le Conseil et  la Commission à aborder cette question lors des contacts bilatéraux, en invitant tous les États à faire en sorte que les auteurs de ces violations soient traduits en justice selon des procédures disciplinaires ou pénales indépendantes et efficaces. Il souligne au passage que la lutte contre le terrorisme ne doit pas être invoquée arbitrairement à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme.

Devant les moyens de plus en plus élaborés pour persécuter les défenseurs des droits de l'homme, non seulement les nouvelles technologies mais aussi des législations restreignant leurs activités, le Parlement appelle le Conseil et le Haut représentant à dénoncer et réprimander systématiquement les entreprises internationales qui fournissent des technologies de surveillance à des régimes oppressifs, facilitant la persécution et l’arrestation de défenseurs des droits de l’homme. L’évolution des nouvelles technologies et leur impact sur les défenseurs des droits de l’homme doivent en outre être évalués et les résultats intégrés aux programmes existants de l’UE sur les droits de l’homme et leurs défenseurs.

Le Parlement souligne également l’importance de la société civile et le fait qu’elle doit être indépendante et pleinement associée à la préparation de tous les dialogues relatifs aux droits de l'homme, que ce soit par des séminaires ou par d'autres moyens. Il estime qu’il faut continuer à aborder les cas particuliers lors des dialogues avec les pays tiers et si besoin est, publier des listes de noms pour renforcer l’effet des actions de l’UE (et à condition que la publication de ces noms ne mette pas les personnes concernées en péril).

Davantage de transparence et de visibilité à titre de mesure de protection : le Parlement invite le Conseil et la Commission à sensibiliser les défenseurs des droits de l’homme, le SEAE, les ambassades de l’UE et les ministères des affaires étrangères de l’UE à l’existence des orientations de l’Union en la matière. Il considère que les rencontres annuelles prévues dans ces orientations constitueraient un soutien considérable aux défenseurs des droits de l’homme et une manière d’accroître la crédibilité et la visibilité de l’action de l’UE. Il invite le Haut représentant ainsi que tous les commissaires chargés des relations extérieures à rencontrer systématiquement les défenseurs des droits de l'homme lorsqu'ils sont en déplacement officiel dans les pays tiers. Il demande notamment aux États membres et aux délégations de l'UE d'assurer chaque fois que cela est possible, la publicité des démarches et autres activités entreprises. Il invite également les missions de l’UE à assurer l’information en retour des défenseurs des droits de l’homme et/ou de leurs familles, ainsi que des ONG qui ont alerté l’UE sur un cas particulier. Le Parlement demande que le soutien aux défenseurs des droits de l'homme fasse entièrement partie du mandat des représentants spéciaux de l'UE. Il souligne que tant le Haut représentant que les représentants spéciaux auront à répondre de leur action dans ce domaine devant le Parlement européen.

La résolution souligne la nécessité d'élaborer et d'appuyer des propositions sur les manières d'utiliser le réseau du prix Sakharov lancé en décembre 2008 à l'occasion du 20ème anniversaire du prix afin d’aider les défenseurs des droits de l'homme. Le Parlement réitère au passage sa préoccupation concernant la violation des droits de l’homme dans le cas de certains lauréats du prix.

Vers une démarche plus coordonnée et plus axée sur les résultats en faveur des défenseurs des droits de l'homme : le Parlement considère que l'UE doit développer une approche holistique à l'égard des défenseurs des droits de l'homme pour accroître la crédibilité et l'efficacité de la politique européenne dans ce domaine. L’UE doit présenter clairement les sanctions possibles auxquelles s’exposent les États tiers qui commettent des infractions graves aux droits de l’homme. Pour développer une action axée sur les résultats, le Haut représentant de l’Union devrait évaluer régulièrement la mise en œuvre des orientations de l’UE concernant les défenseurs des droits de l’homme par les délégations dans les pays tiers, donner la priorité à certaines missions et effectuer le suivi de ces missions.

Plus généralement, le Parlement demande que le Conseil rende l’Europe plus accessible aux défenseurs des droits de l’homme qui ne peuvent rester dans leur pays. Il réitère sa demande adressée aux États membres d’élaborer une politique coordonnée en matière de délivrance de visas d'urgence pour les défenseurs des droits de l'homme et les membres de leurs familles. Le Parlement souligne la nécessité d’accompagner les visas d’urgence de mesures de protection temporaire et d’asile en Europe pour les défenseurs des droits de l’homme, éventuellement en accordant des ressources financières et un logement pour héberger des défenseurs des droits de l’homme, ainsi que des programmes d’accompagnement (activités relatives aux droits de l’homme, conférences dans des universités européennes, cours de langue, etc.). Il estime également qu’il faut donner aux nouvelles délégations de l’Union le pouvoir de formuler des recommandations aux États membres en matière de délivrance de visas d’urgence. Le Parlement se félicite au passage de l'initiative "villes asile" promue par la Présidence tchèque et du programme de protection et d'accueil mis en œuvre par le gouvernement espagnol depuis 2008. Il demande au Haut représentant de lui présenter un guide sur la manière de créer une ville asile, ainsi qu’une proposition cadre soutenant la mise en réseau de ces villes. Il demande également au Haut représentant de finaliser un programme européen de protection et d'asile pour la fin de 2010, pour l'appliquer en 2011. Il souligne par ailleurs que dans les situations où la vie ou la santé physique ou mentale d'un défenseur des droits de l'homme peut se trouver en danger, il conviendrait que les États membres et les délégations de l'UE soutiennent et développent d'autres instruments de protection et mécanismes d'urgence.

Le Parlement demande encore, que dans le contexte de la mise en œuvre du traité de Lisbonne, les institutions de l’UE mettent en place un mécanisme de coopération interinstitutionnelle sur les défenseurs des droits de l’homme. Il suggère que la création d’un tel mécanisme soit facilitée par la mise en place de guichets des défenseurs des droits de l’homme dans toutes les institutions et organes de l’UE, ce guichet travaillant en étroite coopération avec les chargés aux droits de l’Homme et à la démocratie des missions et délégations de l’Union. Il propose également la création d’un système d'alerte commun aux institutions de l'UE ainsi que la création de bases de données spécifiques ou de registres recensant les activités entreprises.

Enfin, le Parlement appelle la Commission à suivre et à contrôler régulièrement la mise en œuvre à court et à long terme des orientations de l’UE concernant les défenseurs des droits de l’homme et lui présente un rapport en la matière.