Décharge 2009: Agence européenne des médicaments (EMEA)
En adoptant le rapport de Georgios STAVRAKAKIS (S&D, EL) sur la décharge à octroyer à l'Agence européenne des médicaments, la commission du contrôle budgétaire appelle le Parlement européen à ajourner sa décision concernant l'octroi de la décharge au directeur exécutif de l'Agence sur l'exécution de son budget pour l'exercice 2009.
Constatant que la Cour des comptes avait réservé son avis sur la légalité et la régularité des opérations sous-jacentes, les députés reportent la clôture des comptes de l’Agence. Ils font également une série de recommandations (outre celles figurant dans le projet de résolution concernant la performance, la gestion financière et le contrôle des agences - voir DEC/2010/2271) qui accompagnent la décision d’ajournement de la décharge :
Considérations générales : les députés relèvent tout d’abord d’importantes lacunes dans les réponses soulevées par la Cour des comptes telles que celles portant sur :
- la gestion des procédures de passation de marchés;
- l'absence de modalités d'exécution relatives à l'identification et à la gestion des conflits d'intérêts auxquels sont exposés son personnel et ses experts ;
- les critères utilisés pour le recrutement du personnel.
Ces lacunes sont susceptibles de donner lieu à :
- des erreurs persistantes dans la gestion des procédures de passation de marchés ;
- des risques potentiels en ce qui concerne l'indépendance des experts ou du personnel associés à l'évaluation des médicaments, ce qui peut avoir des répercussions négatives non seulement sur la réputation de l'Agence, mais aussi sur la santé publique;
- d'éventuelles insuffisances dans le recrutement du personnel ou des experts qui, non seulement, entraîneraient la disqualification de candidats compétents mais avoir aussi des effets défavorables sur la qualité du travail d'évaluation scientifique de l'Agence.
Gestion budgétaire et financière : en ce qui concerne la gestion de l’Agence, les députés se prononcent comme suit :
- Procédures de passation des marchés : les députés constatent d’importantes erreurs dans les procédures de passation de marchés correspondant à une part substantielle du budget de l'Agence pour 2009 (notamment, dans un certain nombre de procédures d'adjudication de contrats-cadres dans le domaine des technologies de l'information pour un montant de 30 millions EUR ou encore, pour deux autres procédures négociées avec un seul fournisseur pour une valeur de respectivement 5,3 millions EUR et 4 millions EUR). Ils précisent dès lors que l'Agence n'a, une fois encore, pas respecté différentes exigences de la réglementation pertinente en matière de marchés publics. Ils refusent totalement les justifications de l'Agence sur ce point et attendent d’elle, qu’elle améliore la qualité de ses procédures de passation de marchés et élabore un plan pluriannuel de marchés assurant des contrôles techniques et procéduraux plus rigoureux ;
- Report de crédits : face à un report de crédits de 19,5 millions EUR (38% des engagements de l'Agence dont 14,8 millions pour des activités non encore mises en œuvre ou, dans certains cas, pour des marchandises non encore reçues), les députés soulignent que cette situation est indicative des retards dans la mise en œuvre des activités financées par le budget de l'Agence. Ils relèvent par ailleurs que cette situation n’est pas neuve ;
- Recettes provenant de redevances : les députés invitent l'Agence à mieux coordonner ses services financiers et scientifiques afin de remédier aux retards importants, inacceptables, avec lesquels sont émis les ordres de recouvrement ;
- Contrats de change : les députés attendent de l'Agence qu'elle gère prudemment sa politique consistant à conclure des contrats de change à terme de manière à protéger une partie de son budget de fonctionnement contre les fluctuations du taux de change de la livre sterling. Ces transactions devraient notamment permettre d’éviter les pertes de change (comme celles de 900.000 EUR en 2009). Ils demandent également une amélioration dans la politique de gestion de la trésorerie de l’Agence ;
- Gestion des conflits d'intérêts : les députés jugent inacceptable que l'Agence n'applique pas les règles pertinentes de manière effective, ce qui fait qu'il n'y a aucune garantie que l'évaluation de médicaments à usage humain soit finalement réalisée par des experts indépendants. Les députés déplorent tout particulièrement le recrutement de l'ancien directeur exécutif de l'Agence par un organisme de conseil qui fournit ses services à des entreprises pharmaceutiques dans le contexte du développement de nouveaux médicaments et de la réduction du délai de mise sur le marché. Pour les députés, ce départ jette un doute sur l'indépendance réelle de l'Agence. Les députés attendent de l’Agence des informations sur cette question et qu'elle évalue de manière approfondie, avant d'affecter des chefs de projets à des produits, si les intérêts déclarés par les membres du personnel sont susceptibles d'influer sur leur impartialité et leur indépendance. Ils pressent en outre l'Agence de documenter et d'évaluer ses contrôles et d'archiver les décisions d'affectation en question, lesquelles doivent être rendues publiques sur son site web. Les députés soulignent encore que la réputation de l'Agence pourrait pâtir de voir ses évaluations remises en cause du fait d'éventuels conflits d'intérêts. Ils exigent de l'Agence qu’elle fournisse à l'autorité de décharge les éléments qu'elle a mis en place depuis sa création pour garantir l'indépendance des experts et s'interrogent sur le fait que les insuffisances à l'égard de l'évaluation de l'indépendance des experts n'apparaissent pas dans les rapports de la Cour des comptes depuis 2006;
- L'affaire du Mediator : les députés font observer que la décision finale sur l'octroi ou le refus de la décharge ne peut être prise avant que le Parlement ait été pleinement informé sur les circonstances qui ont amené au retrait très tardif du Mediator (benfluorex), médicament prétendument amaigrissant. Ils attendent un rapport complet et détaillé de l'Agence indiquant pourquoi il a fallu 10 ans après que le 1er avertissement concernant les effets secondaires potentiellement dangereux de ce médicament a été communiqué à l'Agence avant que soit prise la décision finale de le retirer du marché en 2009. Ils demandent en outre à savoir si et comment les experts et le personnel s'occupant du "dossier du Mediator" ont fait l'objet d'un contrôle d'indépendance et comment les intérêts déclarés par ces personnes ont été vérifiés;
- Procédures sous-jacentes à la fourniture d'évaluations scientifiques de médicaments à usage humain : les députés soulignent qu’ils ne sont pas disposés à accepter de l'Agence que les informations fournies dans les dossiers des médicaments à usage humain soient incomplètes. Ils exigent donc de l’Agence plus de transparence en la matière ainsi que la mise sur pied d’une base de données recensant les experts européens ;
- Rôle de l'Agence et des autorités nationales compétentes : les députés invitent l'Agence à informer l'autorité de décharge des termes de son accord avec les États membres sur les rôles des autorités nationales compétentes et le transfert de missions au profit de ces dernières lorsque l'Agence est confrontée à des sujets tels que l'indépendance des comités, les experts et la procédure d'évaluation, et ce, depuis que cet accord est entré en vigueur. Ils estiment que l'Agence est responsable de l'application des procédures préexistantes sur l'identification et la gestion des conflits d'intérêts mettant en cause des experts jusqu'à ce que cet accord avec les États membres soit pleinement mis en œuvre. Les députés soulignent par ailleurs que le budget de l'Agence est financé par l'Union ainsi que par des redevances versées par l'industrie pharmaceutique pour l'obtention ou le maintien d'une autorisation de mise sur le marché de l'Union. Ils font toutefois observer que la contribution du budget de l'Union ne représente que 18,7% du budget global et qu'elle a diminué au fil des ans. Constatant le volume de crédits reportés sur l'exercice 2010 pour le titre II -Immeubles, matériel et dépenses diverses de fonctionnement, les députés encouragent l'Agence à mieux respecter le principe d'annualité ;
- Gestion des ressources humaines : les députés invitent l'Agence à garantir que des tâches sensibles ne soient pas confiées au personnel intérimaire qui a accès à des informations sensibles. Ils soulignent les risques d'infractions aux règles de sécurité que comportent l'accès du personnel intérimaire à des informations sensibles et sa méconnaissance des procédures à suivre. Ils appellent l'Agence à améliorer sa procédure de recrutement et à garantir que sa documentation est bien gérée. Ils lui demandent également de mieux documenter les procédures de recrutement afin d’éviter les décisions arbitraires en la matière. Ils estiment en outre que, dans la mesure où la concurrence est limitée, la procédure de recrutement peut ne pas aboutir au choix idéal et que les ressources humaines et financières risquent d'être utilisées d'une manière inefficace. Par ailleurs, les députés ne sont pas disposés à accepter que la déclaration d'assurance du directeur exécutif, en date du 13 mai 2010, ne contienne aucune réserve. Ils se demandent même si les obligations du directeur ont été remplies lors des exercices précédents ;
- Audit interne : les députés constatent que, sur les 32 recommandations formulées par le service d’audit interne (SAI), une, relative aux procédures d'exécution concernant les experts, est jugée "critique" et que douze, principalement relatives à la gestion des ressources humaines et à la gestion des conflits d'intérêts mettant en cause le personnel sont jugées "très importantes". Ils invitent dès lors l'Agence à informer sans délai l'autorité de décharge du contenu de ces recommandations;
- Mesures à prendre par l'Agence pour le 30 juin 2011 : les députés demandent enfin au directeur exécutif de l'Agence d'entreprendre une vérification approfondie de l'efficacité de l'utilisation des procédures existantes concernant l'identification et la gestion des conflits d'intérêts mettant en cause son personnel et ses experts et d'en communiquer les résultats à l'autorité de décharge d'ici le 30 juin 2011. Ils attendent en outre pour cette même date du conseil d'administration un plan d'action pour combler les lacunes des procédures de marché ainsi que des mesures en vue d’améliorer la gestion de l’Agence.