Décharge 2009: Agence européenne des médicaments (EMEA)
Le Parlement européen a adopté par 626 voix pour, 23 voix contre et une abstention, une décision qui vise à ajourner l'octroi de la décharge au directeur exécutif de l'Agence européenne des médicaments sur l'exécution du budget de l'Agence pour l'exercice 2009.
Constatant que la Cour des comptes avait réservé son avis sur la légalité et la régularité des opérations sous-jacentes, le Parlement reporte la clôture des comptes de l’Agence. Il a également adopté par 620 voix pour, 7 voix contre et 12 abstentions, une résolution dans laquelle il fait une série de recommandations (outre celles figurant dans le projet de résolution concernant la performance, la gestion financière et le contrôle des agences - voir DEC/2010/2271) qui accompagnent la décision d’ajournement de la décharge :
Considérations générales : le Parlement se déclare vivement préoccupé par les réponses de l'Agence à des questions d'importance, soulevées par la Cour des comptes et le service d'audit interne (IAS), portant sur: i) la gestion des procédures de passation de marchés; ii) le manque de respect des modalités d'exécution relatives à l'identification et à la gestion des conflits d'intérêts auxquels sont exposés son personnel et ses experts; iii) les critères utilisés pour le recrutement du personnel.
Ces lacunes sont susceptibles de donner lieu à :
- des erreurs persistantes dans la gestion des procédures de passation de marchés ;
- des risques potentiels en ce qui concerne l'indépendance des experts ou du personnel associés à l'évaluation des médicaments ;
- d'éventuelles insuffisances dans le recrutement du personnel ou des experts qui, non seulement, entraîneraient la disqualification de candidats compétents et/ou le recrutement de candidats moins qualifiés mais pourraient avoir des effets négatifs sur la qualité du travail d'évaluation scientifique de l'Agence.
Gestion budgétaire et financière : en ce qui concerne la gestion de l’Agence, le Parlement se prononce comme suit :
- Procédures de passation des marchés : le Parlement constate d’importantes erreurs dans les procédures de passation de marchés correspondant à une part substantielle du budget de l'Agence pour 2009. L'Agence n'a donc pas respecté différentes exigences de la réglementation pertinente en matière de marchés publics. Il rejette totalement les justifications de l'Agence et attend d’elle, qu’elle améliore la qualité de ses procédures de passation de marchés et élabore un plan pluriannuel de marchés assurant des contrôles techniques et procéduraux plus rigoureux. Il invite également l'Agence à faire en sorte que les résultats des procédures de marché soient vérifiés avant que les marchés ne soient passés ;
- Report de crédits : face à un report de crédits de 19,5 millions EUR (38% des engagements de l'Agence dont 14,8 millions pour des activités non encore mises en œuvre ou, dans certains cas, pour des marchandises non encore reçues), le Parlement souligne que cette situation est indicative des retards dans la mise en œuvre des activités financées par le budget de l'Agence. Il relève par ailleurs que cette situation n’est pas neuve ;
- Recettes provenant de redevances : le Parlement invite l'Agence à mieux coordonner ses services financiers et scientifiques afin de remédier aux retards importants, parfois inacceptables, avec lesquels sont émis les ordres de recouvrement ;
- Contrats de change : le Parlement attend de l'Agence qu'elle gère prudemment sa politique consistant à conclure des contrats de change à terme de manière à protéger une partie de son budget de fonctionnement contre les fluctuations du taux de change de la livre sterling. Ces transactions devraient notamment permettre d’éviter les pertes de change (comme celles de 900.000 EUR en 2009). Il demande également une amélioration dans la politique de gestion de la trésorerie de l’Agence.
Performance: le Parlement estime que l'évaluation de l'adéquation et de l'efficacité des systèmes mis en place afin de soutenir la fourniture, au sein de l'Agence, de conseils scientifiques quant aux médicaments à usage humain est un outil important de mesure des résultats obtenus par l'Agence. Il reconnaît que l'IAS a effectué des audits et qu'il a constaté des insuffisances critiques à cet égard, notamment dans les domaines suivants :
- Gestion des conflits d'intérêts : le Parlement juge inacceptable que l'Agence n'applique pas les règles pertinentes de manière effective, ce qui fait qu'il n'y a aucune garantie que l'évaluation de médicaments à usage humain soit finalement réalisée par des experts indépendants. Il déplore tout particulièrement le recrutement de l'ancien directeur exécutif de l'Agence par un organisme de conseil qui fournit ses services à des entreprises pharmaceutiques dans le contexte du développement de nouveaux médicaments et de la réduction du délai de mise sur le marché. Pour le Parlement, ce départ jette un doute sur l'indépendance réelle de l'Agence. Il refuse d’accepter que l'Agence ne respecte pas rigoureusement le code de conduite et l’appelle à fixer des principes et des orientations sur l'indépendance et la confidentialité, applicables à son conseil d'administration, aux membres des comités ainsi qu'aux experts et à son personnel. Il attend également de l'Agence qu'elle évalue de manière approfondie, avant d'affecter des chefs de projets à des produits, si les intérêts déclarés par les membres du personnel sont susceptibles d'influer sur leur impartialité et leur indépendance. Il presse, en outre, l'Agence de documenter et d'évaluer ses contrôles et d'archiver les décisions d'affectation en question, lesquelles doivent être rendues publiques sur son site internet. Le Parlement souligne encore que la réputation de l'Agence pourrait pâtir de voir ses évaluations remises en cause du fait d'éventuels conflits d'intérêts. Il exige de l'Agence qu’elle fournisse à l'autorité de décharge les éléments qu'elle a mis en place depuis sa création pour garantir l'indépendance des experts et s'interroge sur le fait que les insuffisances à l'égard de l'évaluation de l'indépendance des experts n'apparaissent pas dans les rapports de la Cour des comptes depuis 2006 ;
- L'affaire du Mediator : sur cette question, la Plénière demande dans un amendement à savoir si et comment les experts et le personnel s'occupant des médicaments du groupe du benfluorex ont fait l'objet d'un contrôle d'indépendance et comment les intérêts déclarés par ces personnes ont été vérifiés ;
- Procédures sous-jacentes à la fourniture d'évaluations scientifiques de médicaments à usage humain : le Parlement souligne qu’il n’est pas disposé à accepter de l'Agence que les informations fournies dans les dossiers des médicaments à usage humain soient incomplètes. Il exige donc d’elle plus de transparence en la matière ainsi que la mise sur pied d’une base de données recensant les experts européens ;
- Rôle de l'Agence et des autorités nationales compétentes : le Parlement invite l'Agence à informer l'autorité de décharge des termes de son accord avec les États membres sur les rôles des autorités nationales compétentes et le transfert de missions au profit de ces dernières lorsque l'Agence est confrontée à des sujets tels que l'indépendance des comités, les experts et la procédure d'évaluation, et ce, depuis que cet accord est entré en vigueur. Il estime que l'Agence est responsable de l'application des procédures préexistantes sur l'identification et la gestion des conflits d'intérêts mettant en cause des experts jusqu'à ce que cet accord avec les États membres soit pleinement mis en œuvre ;
- Gestion des ressources humaines : le Parlement invite l'Agence à garantir que des tâches sensibles ne soient pas confiées au personnel intérimaire qui a accès à des informations sensibles. Il souligne les risques d'infractions aux règles de sécurité que comportent l'accès du personnel intérimaire à des informations sensibles et sa méconnaissance des procédures à suivre. Il appelle l'Agence à améliorer sa procédure de recrutement et à garantir que sa documentation est bien gérée afin d’éviter des décisions arbitraires en la matière. Il souligne également qu'une documentation insuffisante des procédures de recrutement limite la capacité de l'Agence de répondre à d'éventuelles allégations de non respect de l'égalité de traitement des candidats ou/et de décisions arbitraires en matière de recrutement. Il estime en outre que, dans la mesure où la concurrence est limitée, la procédure de recrutement peut ne pas aboutir au choix idéal et que les ressources humaines et financières risquent d'être utilisées d'une manière inefficace.
Audit interne : le Parlement rejette la déclaration d'assurance du directeur exécutif, en date du 13 mai 2010, laquelle ne contient aucune réserve et, par conséquent, ne respecte pas l'engagement pris dans le code de conduite adopté par l'Agence, au vu des déclarations d'assurance de l'IAS et de la Cour des comptes. Il rappelle que le directeur exécutif a l'obligation d'inclure dans son rapport, un résumé du contenu des rapports de l'IAS à l'autorité de décharge et se demande si ces obligations ont été remplies lors des exercices précédents. Le Parlement appelle désormais l'Agence à transmettre à l'autorité de décharge, d'ici le 30 juin 2011, les rapports de l'IAS depuis 2007. Il constate également que, sur les 32 recommandations formulées par le service d’audit interne, une, relative aux procédures d'exécution concernant les experts, est jugée "critique" et que douze, principalement relatives à la gestion des ressources humaines et à la gestion des conflits d'intérêts mettant en cause le personnel sont jugées "très importantes". Il invite dès lors l'Agence à informer sans délai l'autorité de décharge du contenu de ces recommandations.
Mesures à prendre par l'Agence pour le 30 juin 2011 : le Parlement demande enfin au directeur exécutif de l'Agence d'entreprendre une vérification approfondie de l'efficacité de l'utilisation des procédures existantes concernant l'identification et la gestion des conflits d'intérêts mettant en cause son personnel et ses experts et d'en communiquer les résultats à l'autorité de décharge d'ici le 30 juin 2011.