Exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement. Règlement sur les exigences de fonds propres (CRR)
OBJECTIF : renforcer les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises dinvestissement qui concernent strictement le fonctionnement des marchés des services bancaires et financiers et visent à assurer la stabilité financière des opérateurs sur ces marchés ainsi qu'un niveau élevé de protection des investisseurs et des déposants.
ACTE PROPOSÉ : Règlement du Parlement européen et du Conseil.
CONTEXTE : la crise financière a mis en lumière les risques inacceptables inhérents à la réglementation actuelle des établissements financiers. Selon les estimations du FMI, entre 2007 et 2010, les pertes des établissements de crédit européens liées à la crise avoisineraient 1.000 milliards EUR, soit 8% du PIB de l'UE. Pour rétablir la stabilité du secteur bancaire et maintenir l'apport de crédit à l'économie réelle, l'UE et ses États membres ont adopté tout un ensemble de mesures sans précédent qui ont été financées, en dernier lieu, par le contribuable.
En octobre 2010, la Commission européenne avait ainsi approuvé pour 4.600 milliards EUR d'aides d'État en faveur détablissements financiers, dont plus de 2.000 milliards ont été effectivement versés en 2008 et 2009. Un tel niveau de soutien budgétaire aux établissements de crédit doit aller de pair avec une réforme vigoureuse de même ampleur destinée à combler les carences réglementaires révélées par la crise.
Priorités et défis : lune des priorités de la Commission, dans cette réforme de la réglementation européenne des services financiers, est de faire en sorte que le secteur bancaire puisse remplir sa mission première, à savoir financer l'économie réelle et fournir des services aux particuliers et aux entreprises dEurope. Á cette fin, la proposition vise à éliminer les lacunes de la réglementation dans les domaines suivants :
- Gestion du risque de liquidité : la crise a montré que les pratiques suivies en matière de gestion du risque de liquidité ne permettaient pas de prévenir tous les risques liés aux titrisations (octroi de crédits suivi de la revente des créances qui s'y rattachent), aux instruments financiers complexes et aux opérations de financement de gros montant basées sur des instruments de court terme.
- Définition des fonds propres : les établissements financiers ont abordé la crise avec des fonds propres insuffisants, tant en quantité qu'en qualité. Par rapport aux risques qu'ils encouraient, nombre d'entre eux ne possédaient pas suffisamment d'instruments de fonds propres de qualité supérieure, c'est-à-dire de fonds permettant effectivement à un établissement d'éponger ses pertes au fur et à mesure et de se maintenir en activité.
- Risque de crédit de la contrepartie : la crise a mis en lumière un certain nombre de carences dans la réglementation actuelle des risques de crédit de la contrepartie liés aux dérivés et aux opérations de pension et de financement sur titres. Elle a montré que les dispositions en vigueur n'assuraient pas une gestion adéquate et une capitalisation suffisante pour ce type de risque.
- Options, facultés et harmonisation (intégralité du règlement): en 2000, sept directives bancaires ont été remplacées par une directive unique, qui a fait l'objet en 2006 d'une refonte visant notamment à transposer dans l'UE les dispositions de l'accord de Bâle II. Les dispositions actuelles de cette directive comportent un nombre non négligeable d'options et de facultés. De plus, les États membres ont été autorisés à imposer des règles plus strictes que celles de la directive, ce qui s'est traduit par d'importantes divergences, ainsi que par un manque de clarté juridique et par des inégalités de traitement.
Action au niveau international : la déclaration du G-20 du 2 avril 2009 traduit la volonté de résoudre la crise par des efforts internationaux cohérents, destinés à améliorer les aspects qualitatifs et quantitatifs des fonds propres dans le système bancaire. En décembre 2010, le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (CBCB) a publié de nouvelles normes réglementaires internationales détaillées sur l'adéquation des fonds propres et la liquidité des établissements de crédit, dénommées «Bâle III». La présente proposition contient des éléments de laccord de «Bâle III», et harmonise les autres dispositions législatives existantes. Dans le même temps, la Commission a tout particulièrement veillé, lors de l'élaboration de la proposition, à ce que les principales spécificités européennes et questions propres à l'Europe soient traitées de manière appropriée.
Créer un nouveau corpus législatif : la directive 2006/48/CE concernant laccès à lactivité des établissements de crédit et son exercice et la directive 2006/49/CE sur l'adéquation des fonds propres des entreprises d'investissement et des établissements de crédit ont été substantiellement modifiées à plusieurs reprises. De nombreuses dispositions de ces deux directives sont applicables à la fois aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement. Pour assurer l'application cohérente de ces dispositions, il est proposé de les fusionner pour créer un nouveau corpus législatif qui s'applique aux deux types d'établissements. Par souci de clarté, les dispositions des annexes de ces directives sont intégrées au dispositif de cette nouvelle législation. Celle-ci se composera de deux instruments juridiques distincts: une directive et le présent règlement. Ces deux instruments juridiques combinés formeront cadre juridique régissant laccès à lactivité des établissements de crédit et aux entreprises d'investissement et instituant le cadre de surveillance et les règles prudentielles applicables à ces établissements. Le présent règlement devra donc être lu conjointement avec la directive en question.
ANALYSE DIMPACT : au total, 27 options ont été examinées et comparées afin de déterminer les meilleures solutions à apporter aux divers problèmes constatés. Les options privilégiées sont les suivantes :
- Instaurer le Ratio de liquidité à court terme (LCR) adopté par le comité de Bâle, avec une période d'observation.
- Instaurer le Ratio de financement net stable (NFSR) adopté par le comité de Bâle, avec une période d'observation.
- Modifier les critères d'éligibilité et adapter la réglementation suivant l'approche de Bâle, avec des ajustements pour tenir compte des spécificités de l'UE.
- Renforcer l'exigence de couverture du Risque de crédit de la contrepartie (CCR) en réservant un traitement spécifique aux expositions à des contreparties centrales.
- Effectuer un suivi global du ratio de levier.
- Coussin de fonds propres mixte.
- Harmonisation maximale assortie d'exceptions.
- Limitation du champ d'application de la CRD et proposition de règlement.
Les bénéfices attendus de la proposition sont les suivants :
- un accroissement des actifs pondérés en fonction du risque de 24,5% pour les grands établissements de crédit et de 4,1% seulement pour les petits ;
- les nouveaux fonds propres supplémentaires requis par la nouvelle exigence et par le coussin de conservation sont estimés à 84 milliards EUR d'ici à 2015 et à 460 milliards EUR d'ici à 2019 ;
- pour l'UE, les avantages économiques à long terme sont clairs et devraient se traduire par un gain de croissance annuelle de son PIB allant de 0,3% à 2% ;
- la proposition réduira la probabilité d'une crise bancaire systémique dans sept États membres dans des proportions allant de 29% à 89%, si les établissements de crédit atteignaient un ratio total de fonds propres d'au moins 10,5%.
BASE JURIDIQUE : article 114, paragraphe 1, du TFUE, qui pose les bases juridiques d'un règlement instituant des dispositions uniformes sur le fonctionnement du marché intérieur.
CONTENU : la présente proposition sépare les exigences prudentielles des deux autres aspects régis par les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE, à savoir l'agrément et la surveillance continue; ces deux aspects sont repris dans une directive qui fait corps avec le présent règlement.
Les principales mesures proposées sont les suivantes :
Gestion du risque de liquidité.
- Afin de renforcer le profil de liquidité à court terme des établissements financiers, un ratio de liquidité à court terme (LCR - Liquidity Coverage Ratio) serait instauré en 2015 à l'issue d'une période d'observation et de réexamen. Les établissements devraient alors disposer d'un coussin d'actifs liquides de qualité «supérieure» au moins égal à leurs sorties nettes de liquidités et ce, sur une période de 30 jours. D'après la définition du LCR figurant dans l'accord de Bâle III, le respect de cette obligation dans l'UE devrait, en réduisant la fréquence des crises systémiques, entraîner un accroissement annuel net du PIB allant de 0,1% à 0,5%.
- Pour prévenir les problèmes d'asymétrie des échéances entre actifs et passifs, la Commission envisage de proposer, à l'issue d'une période d'observation et de réexamen, l'instauration en 2018 d'un ratio de financement stable net (NSFR - Net Stable Funding ratio).
Définition des fonds propres.
- La proposition approfondit les modifications apportées dans la directive CRD2 en vue de renforcer les critères d'éligibilité des instruments de fonds propres. Elle harmonise en outre les ajustements à opérer au niveau de la comptabilisation des actions pour déterminer le montant de fonds propres qu'il est prudent de reconnaître à des fins réglementaires. Cette nouvelle définition harmonisée devrait accroître sensiblement le montant de fonds propres réglementaires que les établissements seraient tenus de détenir.
- Les nouvelles exigences de fonds propres réglementaires en continuité d'exploitation (fonds propres de catégorie 1 et fonds propres de base de catégorie 1) seraient progressivement mises en uvre entre 2013 et 2015. Les nouveaux ajustements prudentiels seraient aussi mis en place progressivement par paliers de 20% par an à compter de 2014, de manière à atteindre 100% en 2018.
- Des clauses dantériorité sur 10 ans s'appliqueraient aussi à certains instruments de fonds propres, afin de permettre un passage sans heurts aux nouvelles règles.
Risque de crédit de la contrepartie.
- Les exigences relatives à la gestion et à la capitalisation du risque de crédit de la contrepartie seront renforcées. Les établissements seront soumis à une exigence supplémentaire de fonds propres pour les risques de pertes liés une détérioration de la qualité de crédit de leurs contreparties.
- Les pondérations pour risque applicables aux expositions à l'égard d'établissements financiers seront augmentées par rapport aux expositions à l'égard du secteur non financier.
- La proposition renforce aussi l'incitation à recourir aux contreparties centrales pour la compensation d'instruments de gré à gré.
Ratio de levier : pour éviter le développement excessif de leffet de levier dans les bilans des établissements de crédit et des entreprises d'investissement et réduire ainsi la procyclicité des prêts, la Commission propose également dinstaurer un ratio de levier indépendant du risque. Ce ratio viendra s'ajouter aux instruments de surveillance prudentielle des établissements. Ses effets seront observés de près dans la perspective de son intégration, en 2018, à une mesure contraignante (premier pilier), sous réserve d'un réexamen et d'un étalonnage appropriés, dans le respect des accords internationaux.
Vers un code réglementaire unique (intégralité du règlement): la proposition harmonise des approches prudentielles nationales divergentes en supprimant la quasi-totalité des options et facultés prévues. Certains domaines bien précis, présentant des divergences liées aux impératifs d'évaluation du risque, aux spécificités des marchés ou des produits ou aux législations nationales, sont exemptés de manière à laisser aux États membres la possibilité d'adopter des règles plus strictes.
INCIDENCE BUDGÉTAIRE : l'ABE est appelée à jouer un rôle important dans la réalisation des objectifs du présent règlement, puisque les mesures proposées lui confient la définition de plus de 50 normes techniques contraignantes dans différents domaines pour assurer l'application uniforme, dans toute l'UE, de dispositions très techniques, et pour que les mesures proposées donnent les résultats voulus. Pour assumer cette charge de travail considérable, l'ABE aurait besoin de ressources plus importantes que celles dont elle a déjà été dotée au départ par le règlement (UE) n° 1093/2010. Des précisions à ce sujet sont données dans la fiche financière législative jointe à la proposition.
ACTES DÉLÉGUÉS : la proposition contient des dispositions habilitant la Commission à adopter des actes délégués conformément à larticle 290 du traité sur le fonctionnement de lUnion européenne.