Système européen de surveillance des frontières (Eurosur)

2011/0427(COD)

OBJECTIF : créer un système européen de surveillance des frontières (EUROSUR).

ACTE PROPOSÉ : Règlement du Parlement européen et du Conseil.

CONTEXTE : la présente proposition met en place le cadre juridique nécessaire pour répondre à la demande du Conseil européen des 23 et 24 juin 2011 de poursuivre à titre prioritaire le développement du système européen de surveillance des frontières (EUROSUR) afin que celui-ci soit opérationnel en 2013, ce qui permettra aux autorités des États membres chargées de la surveillance des frontières ainsi qu'à l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne (FRONTEX), d’échanger des informations opérationnelles et d’améliorer leur coopération.

EUROSUR a pour objectif de renforcer le contrôle des frontières extérieures de l’espace Schengen. Il instaurera un mécanisme permettant aux autorités des États membres chargées de la surveillance des frontières, d’échanger des informations opérationnelles et de coopérer entre elles et avec l'Agence afin de réduire les pertes de vies humaines en mer et le nombre d’immigrants qui entrent clandestinement dans l’UE, et de renforcer la sécurité intérieure en prévenant la criminalité transfrontière, notamment la traite des êtres humains et le trafic de drogue.

Les travaux qui ont lieu actuellement en vue des essais et de la mise en place progressive d’EUROSUR se basent sur une feuille de route présentée en 2008 dans une communication de la Commission. Cette feuille de route a inspiré la présente proposition.

ANALYSE D’IMPACT : la Commission a envisagé 4 options comportant chacune des sous-options, selon que l'approche est :

  • Option 1 : totalement décentralisée - avec l’appui de Centres nationaux de coordination (CNC) ;
  • Option 2 : en partie centralisée - pour le réseau EUROSUR;
  • Option 3 : totalement centralisée et incluant un volet « coopération avec les pays tiers »;
  • Option 4 : application commune des outils de surveillance à l’échelle de l’UE.

L’option préférée est un mix de toutes les options et sous-options proposées :

  • concernant la mise en place des CNC, l’option 1.1 est préférée car elle ne requiert pas des États membres qu’ils restructurent leur administration nationale ; elle pourrait facilement être mise en œuvre ;
  • selon l’approche décentralisée pour la mise en place d’EUROSUR, l’option préférée pour le réseau EUROSUR est l’option 2.2 ;
  • compte tenu de la nécessité urgente de renforcer le contrôle aux frontières dans la région méditerranéenne, l’option 3.2 offre la meilleure solution quant à la manière de promouvoir la coopération avec les pays tiers voisins. Toutefois, la volonté des pays d’Afrique du Nord de coopérer est une condition préalable à la mise en œuvre de cette option ;
  • concernant l’application commune des outils de surveillance, l’option 4.2 est l’option qui apporte la plus grande valeur ajoutée.

BASE JURIDIQUE : article 77, par. 2, point d), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), en vertu duquel le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, adoptent toute mesure nécessaire pour l’établissement progressif d'un système intégré de gestion des frontières extérieures.

CONTENU : l’objectif de la proposition est de créer un cadre commun pour l'échange d'informations et la coopération entre les États membres et l'Agence FRONTEX, dans le cadre d’un «système européen de surveillance des frontières» (EUROSUR).

L’idée est d’améliorer la connaissance qu'ont les États membres et l'Agence de la situation aux frontières extérieures maritimes et terrestres ainsi que leur capacité de réaction dans le cadre de la prévention de la migration irrégulière et de la criminalité transfrontière.

Cadre commun : la mise en place d’EUROSUR sera rendue possible par la création d’un cadre commun définissant clairement les responsabilités et les compétences des centres nationaux de coordination (CNC) chargés de la surveillance des frontières dans les États membres et de l'Agence FRONTEX, qui forment ensemble l'ossature d’EUROSUR.

Ces centres, qui assureront une gestion efficace et efficiente des ressources et du personnel au niveau national, et l'Agence communiqueront par le biais du réseau de communication, qui devrait permettre d’échanger à la fois des informations sensibles non classifiées et des informations classifiées.

Ce cadre opérationnel comportera les éléments suivants : a) les CNC pour la surveillance des frontières; b) des tableaux de situation nationaux; c) un réseau de communication; d) un tableau de situation européen; e) un tableau commun du renseignement en amont des frontières; f) une application commune des outils de surveillance.

Des dispositions spécifiques sont prévues pour expliciter en particulier le rôle et les tâches de ces divers éléments.

La proposition détaille également les objectifs des :

  • tableaux de situation : la coopération et l’échange d’informations entre les CNC et l'Agence s'effectueront à l'aide de «tableaux de situation», qui seront élaborés aux niveaux national et européen de même que pour les zones situées en amont des frontières. Ces trois tableaux, dont les deux derniers seront gérés par l'Agence, auront une structure très semblable afin de faciliter la circulation des informations de l'un à l'autre. En règle générale, les tableaux de situation ne contiennent pas de données à caractère personnel mais permettent plutôt l’échange d’informations relatives à des incidents et des «objets» (détection et suivi de navires, par exemple). Dans certains cas exceptionnels, des données à caractère personnel pourront faire partie des informations que les États membres partageront avec l'Agence, pour autant que les conditions énoncées dans le règlement instituant FRONTEX soient respectées. Si des données à caractère personnel figurent dans le tableau de situation national relatif à des tronçons de frontière extérieure adjacents, elles ne peuvent être échangées qu'avec les États membres voisins, dans les conditions définies par le cadre juridique horizontal de l’UE relatif à la protection des données :
  • outils de surveillance : l'Agence fournira un service pour l’application commune des outils de surveillance. Ce dernier pourra être mis en œuvre avec l’aide des programmes spatiaux européens pertinents, en particulier le programme opérationnel de surveillance mondiale pour l'environnement et la sécurité (GMES). L’approche choisie pour EUROSUR consiste à utiliser au mieux, dans toute la mesure du possible, les informations, capacités et systèmes disponibles dans d’autres agences de l’UE. C’est la raison pour laquelle l'Agence devrait travailler en étroite collaboration avec le Centre satellitaire de l’UE et l’Agence européenne pour la sécurité maritime pour fournir le service relatif à l’application commune des outils de surveillance, ainsi qu’avec EUROPOL afin d’échanger des informations sur la criminalité transfrontière. En ce qui concerne les données sur le trafic maritime que doit fournir le système SafeSeaNet conformément à la directive 2002/59/CE, la Commission compte soumettre une proposition de modification de cette directive en 2013. Il est envisagé de rendre les informations pertinentes communiquées par SafeSeaNet également disponibles à d'autres fins que la sécurité et la sûreté maritimes et la protection du milieu marin, celles-ci faisant dès lors partie intégrante des outils de surveillance utilisés dans le cadre d'EUROSUR.

Capacité de réaction : une meilleure connaissance de la situation aux frontières extérieures n’a qu’une valeur limitée si elle ne s’accompagne pas d’une capacité renforcée des États membres de l’UE à réagir aux défis auxquels ils y sont confrontés. C’est pourquoi, les États membres doivent diviser leurs frontières extérieures en tronçons, auxquels - sur la base d’analyses des risques et du nombre d’incidents qui s’y produisent - sera attribué un niveau d’impact. En fonction du niveau d’impact attribué, les CNC et l'Agence prendront des mesures appropriées afin de réduire l’impact sur le tronçon de frontière concerné (plus ou moins grande surveillance des tronçons dangereux).

Coopération avec les pays tiers : les réseaux régionaux existants ou dont la création est prévue entre les États membres et les pays tiers voisins seront reliés à EUROSUR via les centres nationaux de coordination.

Mise en place : étant donné que les États membres et l'Agence ont déjà commencé à mettre en place ses différents éléments aux niveaux national et européen, EUROSUR devrait être opérationnel durant le deuxième semestre 2013. Le Centre commun de recherche de la Commission devrait fournir à FRONTEX un appui technique pour l'aider à poursuivre le développement technique d'EUROSUR.

Suivi et évaluation : FRONTEX devrait présenter un rapport sur le fonctionnement d'EUROSUR le 1er octobre 2015 au plus tard et ensuite tous les 2 ans. La Commission présentera quant à elle une évaluation globale  d'EUROSUR au Parlement européen et au Conseil le 1er octobre 2016 et ensuite tous les 4 ans.

Droits fondamentaux et respect des principes de protection des données : la présente proposition a été examinée attentivement pour s'assurer que ses dispositions sont entièrement compatibles avec les droits fondamentaux, et notamment le droit à la dignité humaine, l'interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, le droit à la liberté et à la sûreté, le droit à la protection des données à caractère personnel, le principe de non-refoulement, le principe de non-discrimination et les droits de l'enfant. Une attention particulière a été prêtée à l'article 4 et à l'article 19, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'UE, qui interdisent l'éloignement de personnes vers un État où il existe un risque sérieux qu'elles soient soumises à la peine de mort, à la torture ou à d'autres peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Le projet de règlement interdit également explicitement tout échange d’informations avec un pays tiers qui pourrait utiliser ces informations pour identifier des personnes ou des groupes de personnes exposés à un risque grave de torture, de peines ou de traitements inhumains ou dégradants, ou de toute autre violation des droits fondamentaux. Il prévoit en outre que les États membres et l'Agence accordent la priorité aux besoins spécifiques des enfants, des victimes de la traite des êtres humains, des personnes ayant besoin d’une assistance médicale urgente ou d’une protection internationale, des personnes en détresse en mer et de toute autre personne se trouvant dans une situation particulièrement vulnérable.

La protection des données à caractère personnel, revêt lui aussi une importance particulière puisque le partage des données peut inclure des données personnelles, auquel cas les règles relatives à la protection de ces données s'appliquent et doivent être pleinement respectées.

Dispositions territoriales : EUROSUR constituerait un développement des dispositions de l’acquis de Schengen auxquelles le Royaume-Uni et l’Irlande ne participent pas mais qui s’appliquent à quatre pays associés (Norvège, Islande, Suisse et Liechtenstein).

INCIDENCE BUDGÉTAIRE : les diverses composantes d'EUROSUR seront principalement mises en œuvre par FRONTEX et par les États membres (gestion partagée), sur la base de la feuille de route EUROSUR de 2008 :

  • pour l'établissement des CNC, les États membres recevront l'appui du Fonds pour les frontières extérieures en 2012-2013, puis de l’instrument de soutien financier dans le domaine des frontières extérieures et des visas, dans le cadre du Fonds pour la sécurité intérieure, de 2014 à 2020 ;
  • FRONTEX utilisera son propre budget pour mettre en place le réseau de communication et les autres composantes horizontales d'EUROSUR, telles que le tableau de situation européen et le tableau commun du renseignement en amont des frontières, avec le concours, en cas de besoin, d'une aide complémentaire du Fonds pour la sécurité intérieure (gestion centralisée directe ou indirecte) ;
  • un financement accordé dans le cadre du 7ème programme-cadre de recherche et développement viendra soutenir la mise en place du service envisagé pour l'application commune des outils de surveillance en 2012-2013 ;
  • les mesures prises dans les pays tiers voisins, bénéficieront, en 2012-2013, du soutien du programme thématique sur l'asile et la migration, qui fait partie de l’ICD.

La fiche d’impact prévoit une enveloppe indicative de 338,7 millions EUR de 2011 à 2020.