Passation de marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux

2011/0439(COD)

OBJECTIF : moderniser la législation en vigueur sur les marchés publics, pour la rendre mieux adaptée à un contexte économique, social et politique en évolution.

ACTE PROPOSÉ : Directive du Parlement européen et du Conseil.

CONTEXTE : les marchés publics jouent un rôle important dans la performance économique globale de l’Union européenne. Les acheteurs publics européens dépensent environ 18% du PIB en achats de fournitures, travaux et services. Étant donné ce volume d’achats, l’instrument des marchés publics peut être un levier puissant pour la réalisation d’un marché unique favorisant une croissance intelligente, durable et inclusive.

Une analyse économique complète a montré que les directives actuelles sur les marchés publics avaient atteint leurs objectifs dans une très large mesure: la transparence s’est accrue, la concurrence s’est intensifiée, et l’abaissement des prix a permis des économies tangibles.

Le 27 janvier 2011, la Commission européenne a publié un livre vert sur la modernisation de la politique de l’UE en matière de marchés publics, sous-titré «Vers un marché européen des contrats publics plus performant». Dans leur très grande majorité, les parties prenantes ont plaidé pour une révision des directives sur les marchés publics, dans le sens d’une simplification des règles, d’un renforcement de leur efficacité et de leur efficience et d’une meilleure adaptation à un environnement économique, social et politique en évolution.

La proposition vise deux objectifs complémentaires:

  1. accroître l’efficacité de la dépense, de manière à ce que les procédures de passation de marché produisent le meilleur résultat possible en termes de rapport coût-avantages. Cela suppose notamment de simplifier et d’assouplir les règles en vigueur sur les marchés publics. Des procédures rationalisées et plus efficaces seront profitables à l’ensemble des opérateurs économiques et faciliteront la participation des PME et des soumissionnaires transnationaux;
  2. permettre aux acheteurs de mieux utiliser l’instrument de la passation de marchés au soutien d’objectifs sociétaux communs, par exemple protéger l’environnement, veiller à une meilleure utilisation des ressources et à une plus grande efficacité énergétique, lutter contre le changement climatique, promouvoir l’innovation, l’emploi et l’inclusion sociale et assurer les meilleures conditions possibles pour l’offre de services sociaux de grande qualité.

La présente initiative met en œuvre la stratégie Europe 2020 et certaines des initiatives phares annoncées dans celle-ci: une stratégie numérique pour l’Europe, une Union de l’innovation, une politique industrielle intégrée à l’ère de la mondialisation, Énergie 2020 et une Europe efficace dans l’utilisation des ressources. Elle met également en œuvre l’Acte pour le marché unique, et surtout sa douzième action-clé, à savoir un «cadre législatif des marchés publics révisé et modernisé».

La proposition va de pair avec la proposition de nouvelle directive sur les marchés publics. Les deux nouvelles directives remplaceront les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE et constitueront le cœur du cadre législatif de l’Union européenne sur les marchés publics.

ANALYSE D’IMPACT : l’analyse d’impact donne un aperçu des différentes options qui ont été envisagées pour chacun des cinq groupes de problèmes fondamentaux identifiés : i) organisation administrative, ii) champ d’application, iii) procédures, iv) utilisation stratégique des passations de marchés et v) accès aux marchés.

Sur la base d’une analyse des avantages et inconvénients respectivement présentés par les différentes options, un ensemble d’options a été privilégié, qui devrait permettre des synergies optimales entre les solutions retenues avec des économies à la clé, un type d’action neutralisant les coûts liés à un autre type d’action (par exemple, l’augmentation possible des exigences procédurales liée aux mesures d’utilisation stratégique des passations de marchés pourrait être neutralisée en partie par les économies permises par l’amélioration des procédures de passation). Ces options privilégiées forment la base de la présente proposition.

BASE JURIDIQUE : article 53, paragraphe 1, l’article 62 et l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

CONTENU : les principaux axes de la proposition sont les suivants :

1) Simplification et assouplissement des procédures de passation de marché :

Clarification du champ d’application:

  • le concept fondamental de «passation de marchés» a été redéfini, afin de préciser le champ d’application et la finalité du droit relatif à la passation de marchés et de faciliter l’application des seuils. En outre, la définition de certaines notions clés (tels qu’organisme de droit public, marchés publics de travaux, marchés publics de services et marchés mixtes) a été révisée à la lumière de la jurisprudence de la Cour de Justice ;
  • la notion de droits spéciaux ou exclusifs est fondamentale pour la définition du champ d’application de la directive, dès lors que les entités qui ne sont ni des pouvoirs adjudicateurs ni des entreprises publiques au sens de la présente directive ne relèvent de celle-ci que dans la mesure où elles exercent l’une des activités couvertes sur la base de tels droits. Il est donc précisé que les droits octroyés par la voie d’une procédure ayant fait l'objet d’une publicité appropriée et selon des critères objectifs, conformément à la législation de l’Union notamment, ne constituent pas des droits spéciaux ou exclusifs aux fins de la directive ;
  • la distinction traditionnelle entre services dits «prioritaires» et «non prioritaires» (services «A» et «B») sera abolie. Toutefois, il est aussi apparu que le régime normal de passation des marchés n’était pas adapté aux services sociaux, qui appellent un ensemble de règles spécifiques;
  • le champ d’application, en termes de secteurs couverts, demeure largement inchangé. La passation de marchés aux fins de la prospection pétrolière et gazière a toutefois été retirée du champ d’application, à la suite du constat selon lequel ce secteur est soumis à une telle pression concurrentielle que la discipline de passation de marchés apportée par la directive n’est plus nécessaire.

Approche de la «boîte à outils»:

  • les régimes des États membres prévoiront les trois grandes formes de procédures qui existent déjà en vertu des directives actuelles: des procédures ouvertes, des procédures restreintes et des procédures négociées avec mise en concurrence préalable. Les États membres pourront également prévoir, soit comme procédure standard, soit à certaines conditions, des partenariats d’innovation, qui sont une nouvelle forme de procédure pour la passation de marchés à visée innovante ;
  • les entités adjudicatrices auront, en outre, à leur disposition un ensemble constitué de six techniques et outils spécifiques pour les passations de marchés par voie électronique ou de manière groupée: i) accords-cadres, ii) systèmes d’acquisition dynamiques, iii) enchères électroniques, iv) catalogues électroniques, v) centrales d’achat et vi) passation conjointe de marchés. Par rapport aux directives existantes, ces techniques et outils ont été améliorés et précisés, en vue de faciliter la passation de marchés en ligne.

Promotion de la passation de marchés en ligne:

·        la proposition prévoit la double obligation de transmettre les avis et de mettre les documents de marché à disposition par voie électronique et elle impose le passage au tout électronique, et notamment la soumission électronique des offres, pour toutes les procédures de passation de marché à l’issue d’une période transitoire de deux ans.

Modernisation des procédures :

·        les délais de participation et de soumission des offres ont été raccourcis. La distinction entre sélection des soumissionnaires et attribution du contrat a été assouplie, de manière à permettre aux entités adjudicatrices de décider de ce qui est le plus pratique en termes de déroulement de la procédure (par exemple, l’examen des critères d’attribution avant les critères de sélection) et de prendre en considération l’organisation et la qualité du personnel affecté à l’exécution du marché comme critère d’attribution ;

·        la procédure d’exemption des marchés attribués sur des marchés suffisamment concurrentiels (les actuelles «décisions article 30») a été simplifiée et rationalisée. Un certain nombre d’exemptions, en particulier les exemptions accordées pour les marchés passés à l’intérieur d’un même groupe ou par une coentreprise, importantes dans la pratique, ont aussi été revues et précisées ; une disposition spécifique sur la modification des marchés en cours d’exécution reprend les solutions de base développées par la jurisprudence et prévoit une approche pragmatique pour faire face à des circonstances imprévues imposant d’adapter un marché public en cours d’exécution.

2) Utilisation stratégique de la politique des marchés publics pour faire face à de nouveaux défis : les entités adjudicatrices doivent utiliser leur pouvoir d’achat pour cibler des produits et des services qui favorisent l’innovation, respectent l’environnement et permettent de lutter contre le changement climatique, tout en améliorant l’emploi, la santé publique et les conditions sociales.

  • Calcul du coût du cycle de vie : les acheteurs auront la possibilité de fonder leurs décisions d’attribution sur le coût, sur l’ensemble de leur cycle de vie, des produits, services ou travaux à acheter.
  • Processus de production: les pouvoirs adjudicateurs peuvent faire référence à tous les facteurs directement liés au processus de production dans les spécifications techniques et les critères d’attribution, dès lors qu'ils se réfèrent à des aspects du processus de production qui ont un lien étroit avec les éléments particuliers à produire ou la fourniture des biens ou des services en question. Est donc exclue la formulation d’exigences telles que celles relatives à la responsabilité sociale de l’entreprise couvrant tout le fonctionnement du contractant.
  • Labels: les entités adjudicatrices peuvent exiger que les travaux, fournitures ou services faisant l’objet du marché portent des labels spécifiques certifiant qu’ils présentent certaines qualités environnementales, sociales ou autres, sous réserve d’accepter aussi des labels équivalents.
  • Sanction des violations du droit social, du droit du travail ou du droit de l’environnement: en vertu de la directive proposée, une entité adjudicatrice peut exclure des opérateurs économiques de la procédure si elle constate une infraction aux obligations consacrées par la législation de l’Union dans le domaine du droit social, du droit du travail ou du droit de l’environnement ou une infraction aux dispositions du droit international du travail.
  • Services à caractère social: de par leur nature, ces services n’ont qu’une dimension transfrontière très limitée. Les États membres devraient donc disposer d’un large pouvoir discrétionnaire dans l’organisation du choix du prestataire. La proposition tient compte de cette donnée en prévoyant un régime spécifique pour les marchés relatifs à ces services: un seuil plus élevé de 1.000.000 EUR est fixé, et seul le respect des principes fondamentaux de transparence et d’égalité de traitement est exigé.
  • Innovation: la directive proposée prévoit, à cet effet, le partenariat d’innovation, soit une nouvelle procédure spéciale pour le développement et l’achat subséquent de produits, travaux et services innovants, sous réserve que ceux-ci puissent être fournis aux niveaux de performance et au coût convenus.

3) Meilleur accès des PME et des start-up aux marchés :

  • Simplification des obligations d’information: il est prévu que les entités adjudicatrices pourront appliquer les critères de sélection prévus dans la directive proposée sur les marchés publics, auquel cas elles seront tenues d’appliquer les dispositions relatives, notamment, au plafonnement des exigences en matière de chiffre d’affaires minimal ainsi que les dispositions relatives, en particulier, à l’autocertification.
  • Meilleur accès aux accords-cadres: les directives actuelles ne fixent pas de limite à la durée des accords-cadres conclus dans les secteurs des services d’utilité publique, ce qui peut entraîner un verrouillage du marché. La proposition prévoit de limiter cette durée à quatre ans (sauf circonstances dûment justifiées).
  • Paiement direct des sous-traitants: les États membres peuvent, en outre, prévoir que les sous traitants sont autorisés à demander le paiement direct, par l’entité adjudicatrice, des fournitures, travaux et services qu’ils ont fournis au contractant principal dans le cadre de l’exécution du contrat.

4) Des procédures saines :

  • Conflits d’intérêts: la proposition contient une disposition spécifique sur les conflits d’intérêts, qui couvre les situations de conflits d’intérêts réels, potentiels ou perçus touchant des membres du personnel du pouvoir contractant ou du prestataire de services de passation de marché intervenant dans la procédure et des membres de la direction du pouvoir adjudicateur susceptibles d’influencer l’issue de la procédure même s’ils n’y sont pas formellement associés.
  • Conduite illicite: la proposition contient une disposition spécifique prévoyant que tout comportement illicite de la part de candidats ou de soumissionnaires, comme une tentative d’influencer indûment le processus décisionnel ou la conclusion, avec d’autres participants, d’un accord visant à manipuler l’issue de la procédure, entraîne l’exclusion de celle-ci.
  • Avantages indus: la proposition contient une disposition spécifique prévoyant des mesures de protection contre l’octroi d’une préférence indue aux participants qui ont conseillé l’entité adjudicatrice ou ont été associés à la préparation de la procédure.

5) Gouvernance :

  • Organes nationaux de contrôle: la proposition prévoit que les États membres chargent une autorité nationale unique de la mise en œuvre, du suivi et du contrôle des règles.
  • Centres de connaissances: la proposition prévoit d’imposer aux États membres de mettre en place des structures d’appui, offrant conseils économiques et juridiques, orientations, formation et assistance à la préparation et à la conduite des procédures de passation de marché. Pour renforcer la lutte contre la corruption et le favoritisme, les pouvoirs adjudicateurs auront l'obligation de transmettre le texte des marchés qu'ils passent à l'organe de contrôle, qui pourra ainsi analyser ces marchés afin d'y déceler d'éventuelles tendances suspectes, et de permettre aux personnes intéressées d'accéder à ces documents, dans la mesure où il n'est pas porté atteinte à des intérêts publics ou privés légitimes.
  • Coopération administrative: la proposition prévoit également une coopération effective, permettant aux organes nationaux de contrôle d’échanger informations et bonnes pratiques via le Système d’information du marché intérieur (IMI).

INCIDENCE BUDGÉTAIRE : la proposition n’a aucune incidence sur le budget de l’Union.

ACTES DÉLÉGUÉS : la proposition contient des dispositions habilitant la Commission à adopter des actes délégués conformément à l’article 290 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.