Décharge 2010: performance, gestion financière et contrôle des agences

2011/2232(DEC)

Le Parlement européen a adopté par 432 voix pour, 173 voix contre et 27 abstentions une résolution sur la décharge 2010: performance, gestion financière et contrôle des agences de l'Union.

Le Parlement rappelle que la présente résolution vise, pour chaque organisme de l’UE, à proposer une série d’observations horizontales accompagnant la décision de décharge. Il souligne en particulier que le nombre des agences a augmenté fortement au cours de la décennie écoulée, passant de 3 en 2000 à 24 en 2010. Qui plus est, les décisions prises au cours des dernières années par le Conseil relativement à l'établissement d'agences et aux crédits qui leur sont alloués sont à l'origine de dépenses élevées et de l'inefficacité du fonctionnement des agences en question. Le budget des agences décentralisées a ainsi augmenté sensiblement entre 2007 et 2010, passant de 1,055 milliard EUR pour 21 agences à 1,658 milliard EUR pour 24 agences.

Dans ce contexte, le Parlement, le Conseil et la Commission ont relancé le projet de définition d'un cadre commun pour les agences et créé en 2009 un groupe de travail interinstitutionnel sur cette question.

Au regard de la gestion et du fonctionnement des agences, le Parlement fait un certain nombre de recommandations générales qui peuvent se résumer comme suit :

I. Défis communs en matière de gestion financière :

- Gestion des ressources budgétaires (y compris reports et annulations) : d’une manière générale, le Parlement invite la Commission à fournir chaque année à l'autorité de décharge une information consolidée sur le financement annuel total de chaque agence provenant du budget de l'Union qui apporte des éclaircissements sur :

  • la contribution initiale de l'Union inscrite au budget pour l'agence;
  • le montant des ressources provenant des reports d'excédents;
  • la contribution totale de l'Union en faveur de l'agence;
  • le montant de la contribution de l'Association européenne de libre-échange (AELE);
  • le niveau des recettes des agences générées par leurs propres activités et le niveau des contributions apportées par les États membres et les tierces parties.

Ces informations doivent être publiées de manière comparable et transparente afin de permettre au Parlement et au public de comparer les contributions de l'Union en faveur de chaque agence au fil du temps. Le Parlement demande en outre à Commission d'arrêter d'augmenter le budget des agences, voire de considérer une réduction de la contribution de l'Union à leurs budgets, en particulier pour ce qui est des agences menant principalement des activités de recherche. Il demande notamment aux agences de réduire leurs dépenses courantes et frais généraux, entre autres en fusionnant les agences ayant des tâches similaires ou se chevauchant ou ayant des sites multiples, et de mettre en place des mécanismes mettant en lumière l'utilisation et la justification de chaque euro dépensé. Nombreuses sont celles en effet qui éprouvent des difficultés à épuiser leur budget en temps opportun et le Parlement se dit particulièrement préoccupé de ce que des montants sérieux du budget sont alloués en fin d'exercice, ce qui démontre que certains fonds sont utilisés de manière superflue.

Le Parlement constate également un important volume de reports et d'annulations de crédits opérationnels de plusieurs agences pour l'exercice 2010. Or, un niveau élevé de report et d'annulation est généralement révélateur d'une incapacité de l'agence à gérer une augmentation importante de son budget. Il exige donc que la capacité d'absorption et le temps nécessaire pour réaliser des missions complémentaires jouent un rôle plus important dans les décisions budgétaires. Il appelle également les agences à améliorer la gestion de leurs engagements et leur planification interne ainsi que leurs prévisions générales de recettes afin de réduire les taux de report et d'annulation ainsi que leurs dépenses.

Le Parlement appelle par ailleurs les agences à :

  • comparer leurs propres dépenses administratives à celles de leurs homologues lorsqu'elles préparent la planification de leurs ressources ;
  • en cas de déficit de recettes (pour les agences qui s’autofinancent en partie), créer un fonds de réserve limité en cas de nécessité ;
  • prévoir le principe d'une approche de budgétisation à base zéro lors de l'élaboration du budget des agences, ce qui implique de déterminer celui-ci sans référence aux sommes allouées par le passé et selon les besoins individuels de chaque agence;
  • réduire au minimum le nombre des paiements tardifs en prenant des mesures de correction.

- Insuffisances entachant les procédures de passation de marché : globalement, le Parlement appelle toutes les agences à renforcer leurs procédures de marchés et à assurer une information précise sur les procédures négociées qui devraient être utilisées dans des conditions rigoureusement déterminées.

II. DÉFIS COMMUNS EN MATIÈRE DE PERFORMANCE :

- Programme pluriannuel et programme de travail annuel : le Parlement demande aux agences d'élaborer des programmes stratégiques pluriannuels accompagnés d'orientations adaptées aux caractéristiques de leurs activités, pour clarifier les objectifs et les moyens pour les atteindre. En ce qui concerne l'élaboration de leur programme de travail annuel, les agences devraient s’assurer de la cohérence de leur planification, des procédures et des orientations satisfaisantes pour prévoir des ressources suffisantes. Une coopération étroite avec les commissions compétentes du Parlement est attendue dans ce cadre.

- Rapport d'activité annuel : le Parlement demande aux agences de normaliser la structure de leur rapport d'activité en l'alignant sur le schéma utilisé par les directions générales de la Commission et, par conséquent, de fournir une information détaillée et complète sur leurs activités. D’une manière générale, ce rapport devrait refléter le programme de travail des agences et comporter des diagrammes définissant, sous une forme concise, le temps passé par chaque agent sur un projet (ex. : diagrammes Gantt).

Le Parlement demande également que les agences :

  • présentent tous les deux ans une évaluation globale de leurs activités et de leur performance sur leur site web ;
  • fournissent à l'autorité de décharge, un rapport sur les mesures prises comme suite aux observations et recommandations formulées par l'autorité de décharge dans ses rapports antérieurs;
  • continuent de présenter une comparaison entre leurs activités menées d’une année sur l'autre.

III. DÉFIS COMMUNS EN MATIÈRE DE TRANSPARENCE :

- Sites web des agences : le Parlement invite les agences à fournir, sur leur site internet, les informations nécessaires pour assurer la transparence, en particulier la transparence financière des agences et à diffuser la liste des marchés passés au cours des trois dernières années. Les agences devraient également faire en sorte qu'elles exercent leurs fonctions en coordination avec les différentes parties prenantes et les institutions européennes et en particulier le Parlement.

- Conflits d’intérêts : sur la question des conflits d’intérêts, il demande tout d’abord que les agences adoptent des procédures efficaces qui règlent comme il se doit les allégations relatives à des conflits d'intérêts au sein de l'EASA, l'EEA et l'EFSA. Les agences devraient notamment aménager et évaluer avec soin leurs systèmes de contrôle afin de prévenir les conflits d'intérêts parmi les agents et experts exerçant leurs activités en leur sein. Les conseils d'administration devraient en outre adopter et appliquer des dispositions et des mécanismes de vérification rigoureux en ce qui concerne leurs membres afin d'assurer leur indépendance totale à l'égard d'intérêts privés. Le Parlement rejette également toute situation de "pantouflage" et propose la mise en place de périodes de "quarantaine" dans l'ensemble des agences avant la fin de l'année 2012.

D’une manière générale, le Parlement rappelle que les conflits d'intérêts sont source de corruption, de fraude, de mauvaise gestion des ressources financières et humaines, de favoritisme et qu'ils ont un effet défavorable sur l'impartialité des décisions et la qualité du travail et portent atteinte à la confiance des citoyens à l'égard des institutions de l'Union.

Le Parlement invite, par ailleurs :

  • le groupe de travail interinstitutionnel à s'atteler au problème des modalités de nomination des directeurs des agences afin de mettre sur pied une procédure franche et fiable;
  • les agences à se montrer plus actives dans le domaine du dépistage et de la prévention de la fraude et à communiquer convenablement et régulièrement sur ces activités.

IV. DÉFIS COMMUNS EN MATIÈRE DE GESTION FINANCIÈRE :

- Procédures de recrutement : le Parlement demande aux agences de faire le nécessaire pour accroître la légalité, la transparence et l'objectivité de leurs procédures de recrutement. Il signale, en particulier, que la Cour des comptes a relevé, à plusieurs reprises, diverses lacunes auxquelles il convient de mettre en terme dans la mesure où celles-ci limitent la possibilité dont disposent les agences à répondre aux éventuelles allégations de décisions arbitraires en matière de recrutement. Il indique que chaque année des collaborateurs, parmi lesquels des directeurs, tournent entre les agences. Il demande dès lors plus de transparence dans ce domaine en vue d’assurer plus d'indépendance et d'impartialité pour le personnel recruté. Il appelle en outre à éviter toute vacance de postes.

- Tâches sensibles confiées à du personnel intérimaire : une fois encore, le Parlement invite les agences à garantir que des tâches sensibles ne soient pas confiées au personnel intérimaire avec un risque accru d'accès à des informations sensibles ou à de conflits d'intérêts.

V.        DÉFIS EN MATIÈRE DE SYSTÈMES DE CONTRÔLE INTERNE : d’une manière générale, le Parlement encourage les agences à améliorer encore leurs systèmes de contrôle interne de manière à étayer la déclaration d'assurance annuelle de leur directeur. Il constate également qu’elles ne sont pas tenues de mettre leurs rapports d'audit interne à la disposition de la commission du contrôle budgétaire et considère qu'il s'agit là d'une lacune de la législation. Il appelle donc à la modification de la législation en vigueur. Il demande également que les conseils d'administration des agences tiennent dûment compte des recommandations formulées par les Services d’audit interne (SAI) afin de combler sans délai les lacunes cernées.

VI. DÉFIS EN MATIÈRE DE SYSTÈMES DE CONTRÔLE EXTERNE :

- Audit de la Cour des comptes : le Parlement salue le travail considérable effectué par le SAI et la Cour des comptes pour contrôler les agences dans tous les domaines. Il demande notamment à la Cour de mieux informer l’autorité de décharge de certains documents. Il demande également à la Cour d'élaborer une procédure de classement des agences facilement accessible et transparente sur la base d'indicateurs majeurs en matière de bonne gestion financière et budgétaire, de faiblesse des coûts de gouvernance et d'efficacité opérationnelle.

Dans un amendement adopté en Plénière, le Parlement indique qu’à son grand regret, le rapport spécial de la Cour des comptes sur l'analyse comparative des coûts des agences de l'Union européenne qui devait être publié avant la fin de 2011 ne sera finalement pas publié.

- Externalisation des audits de la Cour des comptes concernant les agences : le Parlement considère que, si des auditeurs du secteur privé doivent être associés à l'audit externe des comptes des agences, la sélection et le recrutement de ces auditeurs doivent être effectués dans le respect des dispositions applicables. En tout état de cause, certains contrôles doivent continuer de relever de la pleine responsabilité de la Cour des comptes afin d’éviter tout conflit d'intérêts. Qui plus est, si l'on recourt à l'externalisation, le rapport des auditeurs indépendants doit être rendu public immédiatement à la fois par ceux-ci et par la Cour des comptes.

VII. GOUVERNANCE DES AGENCES :

- Conseil d'administration : le Parlement constate la taille importante des conseils d'administration de certaines agences, la nature et le fort renouvellement de leurs membres qui risquent d'en faire des organes décisionnels inefficaces. Il invite dès lors le groupe de travail interinstitutionnel sur les agences à se saisir de ce problème et à produire une réévaluation de la nature du statut de leurs membres. Il suggère notamment que l'on examine la possibilité de fusionner les conseils d'administration d'agences exerçant leurs activités dans des domaines connexes, afin de limiter les frais de réunions. D’une manière générale, il invite les agences à limiter le coût moyen de certaines réunions des conseils d’administration puisque certains coûts par membre se situeraient entre 1.017 et 6.175 EUR.

- Soutien administratif : le Parlement invite les agences à examiner les options suivantes lorsqu'elles envisageront la possibilité d'un soutien administratif aussi efficient que possible:

  • fusion d'agences de taille modeste afin de réaliser des économies et d'enrayer et/ou éviter les chevauchements d'objectifs ;
  • partage de services entre agences, pour des raisons de proximité géographique ou de secteurs politiques.

D’une manière plus générale encore, le Parlement demande au Conseil et à la Commission de tenir compte de la nécessité réelle de chaque agence et de celle d'économiser les deniers du contribuable en cette période de crise économique et financière et d'ignorer les intérêts de certains États membres qui souhaitent héberger une agence sur leur territoire pour des raisons sans rapport avec l'intérêt général de l'Union (à noter que la Plénière ne reprend pas la suggestion de sa commission au fond de fusionner le CEPOL et EUROPOL).

VIII. RÉFLEXION SUR LES AGENCES: UNE APPROCHE COMMUNE : enfin, le Parlement invite le groupe de travail interinstitutionnel à déterminer s'il existe des situations de double emploi et de chevauchement parmi les agences existantes et d'envisager la possibilité de fusionner certaines d'entre elles. Ce dernier devrait notamment se pencher sur la question de la dispersion géographique des agences, qui accroît leurs dépenses de manière significative et complique la coopération.

En guise de conclusion, le Parlement indique qu'en cette période de crise, la valeur ajoutée réelle des agences doit être analysée avec soin et sans délai afin d'éviter toute dépense qui ne soit absolument nécessaire et pour répondre convenablement aux besoins de l'Union et de ses citoyens.