Marchés d'instruments financiers; produits dérivés négociés de gré à gré, contreparties centrales et référentiels centraux
AVIS DE LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE.
Le présent avis répond aux demandes de consultation de la part du Conseil de lUnion européenne portant sur :
- une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les marchés dinstruments financiers, abrogeant la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil (directive MIF),
- la présente proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les marchés dinstruments financiers et modifiant le règlement (EMIR) sur les produits dérivés négociés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux (règlement MIF),
- une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les opérations dinitiés et les manipulations de marché (abus de marché) (règlement MAR),
- une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux sanctions pénales applicables aux opérations dinitiés et aux manipulations de marché (directive MAD).
La BCE accueille favorablement les mesures proposées visant à améliorer la réglementation des marchés dinstruments financiers comme constituant une étape importante vers le renforcement de la protection des investisseurs et vers la mise en place dun système financier plus sain et plus sûr dans lUnion européenne. Elle formule les observations générales suivantes :
Règlement uniforme européen pour le secteur financier et rôle consultatif de la BCE : la BCE soutient lélaboration dun règlement uniforme européen pour tous les établissements financiers. Elle recommande de veiller à ce que la procédure législative ordinaire soit uniquement suivie pour les principes-cadres reflétant des choix politiques fondamentaux et les questions de fond, et que les règles techniques soient adoptées sous forme dactes délégués ou dactes dexécution, le cas échéant via lélaboration préalable de projets de normes de réglementation ou dexécution par les autorités européennes de surveillance (AES).
La BCE escompte être consultée en temps utile sur ces actes de lUnion proposés. De plus, elle recommande de garantir la cohérence intersectorielle de la législation de lUnion relative aux services financiers.
Pouvoirs des autorités compétentes, rôle de lAEMF et des autorités macroprudentielles : la BCE se félicite que le cadre proposé renforce et harmonise les pouvoirs des autorités chargées de la surveillance des entreprises dinvestissement et des marchés dinstruments financiers ainsi que lexercice de leur pouvoir denquête, mettant particulièrement laccent sur la coopération transfrontalière.
La BCE approuve le rôle majeur conféré à lAutorité européenne des marchés financiers (AEMF) dans le cadre proposé, et notamment en ce qui concerne la fonction de facilitation et de coordination ainsi que lévolution des normes techniques. Elle recommande :
- daméliorer encore la coopération et léchange dinformations au sein du système européen de surveillance financière, et entre les autorités de surveillance et les banques centrales du SEBC, y compris la BCE, lorsque ces informations sont pertinentes pour lexercice de leurs missions respectives ;
- de mettre en place et de renforcer des procédures de coopération adéquates avec les autorités macroprudentielles lorsquil convient dévaluer les menaces pour la stabilité du système financier. Cela pourrait se traduire par une coopération entre les autorités compétentes et les autorités nationales macroprudentielles ou, dans dautres cas, par une coopération de lAEMF avec le Comité européen du risque systémique (CERS).
En outre, afin dassurer la transparence et la cohérence des sanctions administratives adoptées dans lUnion, les États membres devraient notifier à la Commission et à lAEMF les règles nationales applicables et toute modification ultérieure les concernant.
Révision de la directive 2004/39/CE : la BCE formule les remarques particulières suivantes :
- Évolution de la structure de marché : la BCE soutient les propositions de la Commission visant à améliorer le cadre régissant la structure du marché à la lumière de linnovation financière et des derniers développements technologiques, et notamment lintroduction de propositions de réglementation concernant une nouvelle plate-forme de négociation, à savoir le système organisé de négociation (OTF) qui élargirait le champ dapplication du dispositif réglementaire de lUnion.
- Obligations de transparence et consolidation de données : la directive MIF proposée et le règlement MIF proposés prévoient des dispositions visant à améliorer la consolidation des données pour la transparence de linformation. Selon ces dispositions, des «fournisseurs de système consolidé de publication» (consolidated tape providers - CTP) collecteront des informations auprès des plates-formes de négociation et, pour les transactions exécutées en dehors des plates-formes de négociation, auprès des entreprises dinvestissement par lintermédiaire de dispositifs de publication agréés.
La BCE considère que seule la mise en place dun CTP unique peut garantir la transparence de façon satisfaisante et appropriée. Elle note que lexpérience acquise depuis la transposition de la directive 2004/39/CE a révélé une défaillance du marché relative à la consolidation des données qui justifierait de soumettre dès à présent des propositions législatives aux fins de traiter ces questions.
- Déclaration des transactions : la BCE souligne limportance de veiller à ce que les informations résultant de la déclaration des transactions soient facilement accessibles au niveau européen dans un système unique désigné par lAEMF, et ce le plus vite possible sans attendre une possible révision du règlement MIF proposé dans les deux années suivant son entrée en vigueur.
- Exemptions pour les opérations des banques centrales des obligations dinformation et de déclaration : la BCE recommande fortement que les opérations des banques centrales du SEBC bénéficient de lexemption des obligations de transparence. Les opérations auxquelles une banque centrale du SEBC est contrepartie devraient également exemptées des obligations de déclaration.
- Marchés des petites et moyennes entreprises : eu égard aux récentes difficultés rencontrées par les PME pour avoir accès au financement, et étant présumé quelles rencontreront de nouveau de telles difficultés en périodes de tensions sur les marchés, la BCE est davis que la création dune plate-forme de négociation spécialement adaptée aux PME est incontestablement opportune.
- Négociation des instruments dérivés de gré à gré normalisés : la BCE approuve les dispositions qui viennent à lappui de lexigence que les instruments dérivés de gré à gré éligibles soient négociés sur des marchés réglementés, des MTF et des OTF, et qui confient à lAEMF la mission de déterminer la portée précise de cette obligation en tenant compte des liquidités. En vue de compléter cette approche et afin de respecter la recommandation du Conseil de stabilité financière, la BCE estime que le contrôle régulier de la négociation des contrats non normalisés en dehors dun marché réglementé, dun MTF ou dun OTF devrait intervenir au niveau de lUnion.
- Exigences renforcées pour le trading algorithmique, y compris le trading haute fréquence :
- la BCE est davis que le dispositif réglementaire devrait clarifier que la notion dentreprise dinvestissement couvre toutes les entités effectuant du trading algorithmique à titre professionnel, lesquelles relèveraient ainsi du champ dapplication de la directive MIF et seraient soumises à la surveillance et au contrôle de leurs activités par les autorités compétentes ;
- pour faciliter la surveillance inter-marchés ainsi que pour éviter et déceler les abus de marché, la BCE estime que des identifiants uniques devraient être développés pour identifier les transactions générées par trading algorithmique au sein dune même plate-forme de négociation et entre plates-formes de négociation ;
- si la BCE estime que la Commission devrait être habilitée à fixer un plafond pour la proportion dordres non exécutés par rapport aux transactions, la BCE considère quil nest pas nécessaire de fixer une limite minimale pour la proportion dordres non exécutés par rapport aux transactions.
- Limites et déclarations de positions concernant les instruments dérivés sur matières premières : la BCE souligne limportance de traiter de façon appropriée le risque darbitrage réglementaire et de distorsion de concurrence, non seulement dans les États membres mais aussi vis-à-vis dautres principales places financières. En conséquence, elle plaide pour une approche commune dans ce domaine, par exemple en conférant à lAEMF une mission visant tant lélaboration de principes communs au niveau de lUnion que la coordination des mesures adoptées par les autorités nationales compétentes.
En outre, si la BCE approuve ladoption de limites de positions, elle préconise de clarifier davantage certains aspects. Cela vaut notamment pour la définition dun seuil approprié, la période pendant laquelle ces limites devraient sappliquer et lutilisation des contrats de produits dérivés par les participants au marché.
- Protection des investisseurs et cadre de surveillance : la BCE est favorable à ce que lAEMF soit habilitée à temporairement interdire ou restreindre la commercialisation, la distribution ou la vente de certains instruments financiers, ou dun type dactivité ou de pratique financière. Elle recommande dassurer une coordination appropriée avec le CERS sur ces questions. La BCE :
- souligne la nécessité de i) clarifier la définition de «dépôts structurés», ii) préciser le dispositif de règles protectrices des consommateurs applicable aux produits financiers, et iii) veiller à une approche cohérente pour les diverses initiatives législatives dans lUnion sur ces questions, comme par exemple la révision de la directive 94/19/CE relative aux systèmes de garantie des dépôts, ainsi que les travaux en cours relatifs aux produits dinvestissement de détail ;
- souligne en outre limportance délaborer et de mettre en uvre, en étroite coopération entre les AES, le cadre réglementaire et prudentiel relatif à la protection des investisseurs, par exemple en matière de pratiques de vente croisée ;
- estime quil pourrait être utile de demander aux États membres délaborer des critères pour clarifier quelles catégories dentités seraient éligibles pour être traitées comme des clients professionnels.
- Entreprises de pays tiers : la BCE relève que pour éviter toute distorsion de marché, il est nécessaire de garantir que les activités des entreprises de pays tiers respectent un niveau de protection des investisseurs et des normes réglementaires équivalents à ceux prévalant pour les entreprises de lUE/EEE.
Selon la BCE, un niveau de protection effectivement équivalant pour les investisseurs de détail requiert que les accords de coopération avec le pays tiers veillent à ce que lexigence concernant la suffisance du capital initial protège effectivement les investisseurs, étant donné que seule lentreprise du pays tiers, et non la succursale, est détentrice de droits et dobligations, et engage au final sa responsabilité envers les investisseurs.