Agence de l'Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol)

2013/0091(COD)

OBJECTIF : instituer une Agence de l'Union européenne pour la coopération et la formation des services répressifs, sur les fondements de l’Office européen de police (EUROPOL) et fusionner EUROPOL avec le Collège européen de police (le CEPOL).

ACTE PROPOSÉ : Règlement du Parlement européen et du Conseil.

RÔLE DU PARLEMENT EUROPÉEN : le Parlement européen décide conformément à la procédure législative ordinaire sur un pied d’égalité avec le Conseil.

CONTEXTE : EUROPOL était initialement un organe intergouvernemental régi par une convention conclue entre les États membres (1999). En vertu d’une décision du Conseil adoptée en 2009, EUROPOL est devenu une agence de l’Union européenne financée par le budget de l’Union. Sa mission est de soutenir l'action des services répressifs nationaux et leur coopération mutuelle aux fins de la prévention des formes graves de criminalité et du terrorisme et de la lutte contre ces phénomènes.

Le Collège européen de police (CEPOL) a été créé en 2005 en tant qu’agence de l’Union chargée des activités relatives à la formation des agents des services répressifs. Il a pour objectif de faciliter la coopération entre forces de police nationales par l'organisation de cours revêtant une dimension policière européenne.

Afin de réaliser des économies d’échelle et vu la proximité d’intérêts et de missions de ces deux agences communautaires, il a été jugé opportun de les fusionner. Cette approche a été évoquée par le Parlement européen, le Conseil et la Commission en juillet 2012 dans une déclaration commune qui expose les principes et les modalités de la gouvernance d’agences telles qu’EUROPOL et le CEPOL. La fusion de ces deux organes en une agence unique, établie au siège d’EUROPOL à La Haye (NL), générerait en effet des synergies et des gains d’efficience importants.

Parallèlement et face à l’augmentation sévère de la grande criminalité et de la criminalité organisée en Europe depuis une dizaine d’années, par exemple en matière de traite des êtres humains, de trafic de drogues, de trafic d'armes à feu, de criminalité financière et de cybercriminalité, il semble indispensable de soutenir plus avant la coopération entre États membres, et les contacts entre le personnel opérationnel et les formateurs des services répressifs. Cet aspect est en outre particulièrement important dans un contexte économique où les ressources financières sont limitées.

En conséquence, la présente proposition de règlement institue le cadre juridique nécessaire à la création d’un nouvel EUROPOL, qui succédera à l'agence EUROPOL créée par la décision 2009/371/JAI du Conseil et au Collège européen de police institué par la décision 2005/681/JAI du Conseil, et les remplacera.

ANALYSE D’IMPACT : la Commission a réalisé deux analyses d’impact des différentes options stratégiques possibles concernant EUROPOL et le CEPOL.

L’analyse d’impact relative à EUROPOL était fondée sur 2 objectifs stratégiques, à savoir :

  • faire en sorte que les États membres fournissent plus d'informations à EUROPOL ;
  • créer un environnement de traitement des données qui permette à EUROPOL de soutenir pleinement les États membres dans la prévention et la répression des formes graves de criminalité et du terrorisme.

L’analyse d’impact relative au CEPOL était également fondée sur 2 objectifs :

  • assurer une formation de meilleure qualité, mieux coordonnée et plus cohérente, à l’intention d’un large éventail d’agents des services répressifs ;
  • définir un cadre conforme à l’approche commune concernant les agences décentralisées.

Pour chacun de ces objectifs, plusieurs options ont été analysées décrites dans un document d’ensemble annexé à la proposition. Cette analyse de l’incidence globale des différentes options a permis de dégager l’option stratégique privilégiée dans la présente proposition.

BASE JURIDIQUE : article 87, par. 2, point b), et article 88 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

CONTENU : la présente proposition de règlement vise à instituer une Agence de l'UE pour la coopération et la formation des services répressifs et à abroger les décisions 2009/371/JAI et 2005/681/JAI.

Objectifs : la proposition comporte de nombreux objectifs:

  • mettre EUROPOL en conformité avec les exigences du traité de Lisbonne en définissant son cadre législatif et en instaurant un mécanisme de contrôle de ses activités par le Parlement européen, en association avec les parlements nationaux ;
  • mettre en place des programmes de formation et d’échange européens à l’intention de tous les professionnels des services répressifs, tant au niveau national qu’européen;
  • conférer à EUROPOL de nouvelles responsabilités de nature à fournir un soutien renforcé aux autorités répressives des États membres. Cela implique qu’EUROPOL reprenne les tâches actuellement assumées par le CEPOL dans le domaine de la formation des agents des services répressifs. Cela suppose aussi qu’EUROPOL ait la possibilité de mettre sur pied des centres de l'UE dotés d'une expertise spécialisée dans la lutte contre certaines formes de criminalité relevant de ses objectifs, notamment un centre européen de lutte contre la cybercriminalité;
  • assurer à EUROPOL un régime solide de protection des données, afin notamment de garantir que son contrôleur de la protection des données soit totalement indépendant;
  • améliorer la gouvernance d’EUROPOL dans un souci de plus grande efficacité.

1) Mettre EUROPOL en conformité avec les exigences du traité de Lisbonne : le futur règlement prévoit que les activités d'EUROPOL soient soumises à un contrôle exercé par des représentants démocratiquement élus. Concrètement, le Parlement européen et les parlements nationaux seront informés d’une série de documents pertinents sur le fonctionnement de l’Agence tels que les rapports d’activité annuels, les comptes définitifs etc. et pour information, de documents stratégiques tels que des évaluations stratégiques sur la menace en Europe, etc.

Le Parlement européen pourra notamment :

  • accomplir les tâches liées à sa fonction budgétaire (consultation de l'état prévisionnel des recettes et dépenses et rapport sur la gestion budgétaire en vue de la décharge) ;
  • être consulté sur le programme de travail pluriannuel d’EUROPOL et être informé sur son programme de travail annuel ;
  • inviter le candidat au poste de directeur exécutif d'EUROPOL à une audition devant la commission parlementaire compétente ou à répondre à des questions sur ses performances.

Afin de permettre au Parlement européen d’exercer son contrôle tout en garantissant la confidentialité des informations opérationnelles, EUROPOL et le Parlement européen devront conclure un arrangement de travail sur l’accès aux informations classifiées de l’UE et aux informations sensibles non classifiées traitées directement par EUROPOL.

2) EUROPOL en tant que centre névralgique de l'échange d'informations entre les services répressifs des États membres : afin de renforcer la capacité d’EUROPOL dans le domaine du renseignement, la proposition cherche à accroître le volume d’informations communiquées à EUROPOL par les États membres, et ce en renforçant l'obligation incombant aux États membres de lui fournir des données pertinentes. La possibilité pour les services répressifs de bénéficier d’un concours financier aux fins des enquêtes transfrontières dans d’autres domaines que celui du faux-monnayage de l’euro constitue une mesure d’incitation. La proposition prévoit également l’instauration d’un mécanisme de rapport destiné à contrôler la fourniture de données par les États membres à EUROPOL.

Pour permettre à EUROPOL de mieux établir des liens entre les données en sa possession et ensuite de les analyser, l’architecture de traitement de l’agence est remaniée. Elle ne prédéfinit plus de bases ou de systèmes de données, mais adopte une approche fondée sur le respect de la vie privée dès la conception et une transparence totale à l’égard du délégué à la protection des données d’EUROPOL et du contrôleur européen de la protection des données (CEPD).

Protection des données : un niveau élevé de protection des données et des normes élevées en matière de sécurité des données sont assurés au moyen de garanties procédurales applicables à tout type particulier d’informations. Le règlement expose en détail les objectifs des activités de traitement de données (contrôles croisés, analyses stratégiques ou de nature générale, analyses opérationnelles dans des cas spécifiques), les sources d'information et les personnes autorisées à accéder aux données. Il énumère en outre, pour chaque activité spécifique de traitement de données, des catégories de données personnelles et de personnes concernées dont les données peuvent être collectées. EUROPOL sera ainsi en mesure d’adapter son architecture informatique aux défis futurs et aux besoins des services répressifs de l’Union. Une fois en place, EUROPOL sera à même d’établir des liens entre les données pertinentes et de les analyser, d'éviter les retards dans l'identification des tendances et pratiques criminelles et de réduire le stockage multiple de données. Simultanément, des normes élevées de protection des données seront garanties (voir ci-après). Le CEPD sera chargé d’en contrôler le respect.

3) Nouvelles responsabilités en matière de formation : afin d’assurer des synergies en matière de soutien de l’UE aux forces de police et de permettre la pleine mise en œuvre du programme européen de formation des services répressifs proposé parallèlement, le nouvel EUROPOL reprendra et développera les missions qui étaient auparavant accomplies par le CEPOL.

EUROPOL, par l’intermédiaire d’un nouveau département dénommé l’«Institut EUROPOL», sera chargé de soutenir, de développer, de dispenser et de coordonner la formation des agents des services répressifs au niveau stratégique, et pas seulement (ainsi que le prévoit la décision CEPOL actuelle) des hauts responsables des services de police.

La proposition détaille les types de formation qui seraient dispensés aux personnels des services répressifs concernés (notamment en matière de criminalité) ou en vue de renforcer la coopération policière ou d’assurer la préparation à la participation à des missions de police civile de l'UE dans des pays tiers.

Centre européen de lutte contre la cybercriminalité: EUROPOL pourra mettre sur pied des centres destinés à lutter contre des formes spécifiques de criminalité, tels qu’un Centre européen de lutte contre la cybercriminalité. Ce Centre apportera une valeur ajoutée à l’action des États membres. Il pourra (ainsi que d’autres à l’avenir) servir de points de convergence des informations, centraliser l’expertise, soutenir les enquêtes des États membres ou permettre aux enquêteurs européens de s'exprimer d'une seule voix.

4) Un régime solide de protection des données : la proposition renforce le régime de protection des données applicable aux activités d’EUROPOL ainsi que les garanties procédurales qui y sont attachées.

Les principales mesures suivantes sont prévues :

  • renforcement du régime autonome existant de protection des données d'EUROPOL : un plus large recours sera fait aux principes sous-jacents au règlement (CE) n° 45/2001 du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel. Les règles d'EUROPOL sur la protection des données seront alignées sur d'autres instruments de protection des données applicables dans le domaine de la coopération policière et judiciaire, tout en tenant compte de la nature particulière de l'action répressive ;
  • accès des États membres aux données à caractère personnel détenues par EUROPOL, sur la base d’un système de concordance/non-concordance (dit «hit/no hit»): une comparaison automatisée produit un «hit» anonyme si la donnée détenue par l'État membre demandeur correspond à une donnée détenue par EUROPOL. Les données concernées, qu'il s'agisse de données à caractère personnel ou relatives à une affaire, ne seraient communiquées qu'en réponse à une demande de suivi distincte ;
  • limitation du traitement de certaines données : le traitement de données à caractère personnel concernant des victimes, des témoins, des personnes autres que des suspects, ainsi que des mineurs serait interdit, à moins qu’il ne soit absolument nécessaire. Cette limitation s’applique également aux données qui révèlent l'origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques, ou l'appartenance syndicale, ou à la vie sexuelle (données personnelles dites «sensibles»). En outre, ces données sensibles ne pourraient être traitées que si elles complètent d’autres données à caractère personnel déjà traitées par EUROPOL. L’Agence serait tenue de fournir tous les 6 mois au CEPD un aperçu de l'ensemble des données personnelles sensibles. Enfin, aucune décision relative à une personne et produisant des effets juridiques ne pourra être adoptée sur la seule base d'un traitement automatisé de données personnelles sensibles, à moins que le droit de l'UE ou national, ou le CEPD, l'autorise ;
  • droit d’accès renforcé : pour augmenter la transparence, le droit d'accès des particuliers aux données à caractère personnel les concernant détenues par EUROPOL sera renforcé;
  • fixation de règles claires concernant le partage des responsabilités en matière de protection des données : EUROPOL devra examiner régulièrement la nécessité de conserver les données à caractère personnel ;
  • obligation de tenir un journal des connexions: pour mieux contrôler l'utilisation des données et connaître précisément l'identité de la personne qui les a traitées, le règlement interdit la modification des journaux de connexion ;
  • droit de recours : toute personne pourra saisir EUROPOL d’une demande d’indemnisation pour traitement illicite de données ou acte incompatible avec les dispositions du règlement ;
  • renforcement du rôle de l’autorité chargée du contrôle externe de la protection des données traitées : le CEPD sera compétent pour le contrôle des traitements de données à caractère personnel effectués par EUROPOL. Les autorités nationales de protection des données resteront néanmoins compétentes pour le contrôle de l'introduction et de l'extraction de données à caractère personnel par l'État membre concerné, ainsi que de toute communication de telles données par l'État membre concerné à EUROPOL ;
  • contrôle commun : la proposition introduit des éléments de «contrôle commun» en ce qui concerne les données transférées à et traitées par EUROPOL. Il est prévu que le CEPD et les autorités nationales de contrôle coopèrent, dans certaines matières, pour le contrôle du traitement des données, chaque entité agissant selon ses compétences.

5) Améliorer la gouvernance : la proposition améliore enfin la gouvernance d’EUROPOL en recherchant des gains d’efficience, en rationalisant les procédures – notamment en ce qui concerne le conseil d’administration et le directeur exécutif – et en conformant EUROPOL aux principes définis dans l’approche commune concernant les agences décentralisées de l’UE.

Des dispositions nouvelles sont ainsi prévues concernant :

  • la représentation de la Commission et des États membres au sein du conseil d'administration d’EUROPOL, afin de refléter le double mandat de la nouvelle agence ;
  • la création d’un comité scientifique au sein du conseil d’administration pour les aspects techniques de la formation (comité scientifique de la formation) ;
  • la définition des tâches et missions du conseil d’administration ;
  • l’institution d’un comité exécutif de taille réduite destiné à renforcer la surveillance de la gestion administrative et budgétaire, notamment en matière d'audits de l’Agence
  • les tâches et responsabilités du directeur exécutif totalement indépendant.

INCIDENCE BUDGÉTAIRE : la fusion complète du CEPOL et d'EUROPOL générera des synergies et des gains d'efficacité. Les économies ainsi réalisées sont estimées à 17,2 millions EUR sur la période 2015-2020, et à 14 équivalents temps plein (ETP).

Des informations techniques sur les ressources supplémentaires nécessaires aux nouvelles activités et missions d'EUROPOL sont détaillées à la proposition (12 ETP supplémentaires sont estimés nécessaires pour exercer les nouvelles tâches liées à la formation d'agents des services répressifs ce qui représente 10,1 millions EUR pour la période 2015-2020).

Au total, l'incidence budgétaire globale, pour la période 2015-2020, de la proposition se chiffre à 623 millions EUR pour l'agence fusionnée et à 1,5 million EUR pour le CEPD.