Procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale. Refonte
Le Conseil a adopté sa position en première lecture sur la refonte de la directive du Parlement européen et du Conseil relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale (refonte).
La position en première lecture se fonde sur un compromis intervenu entre le Parlement et le Conseil en vue de conclure un accord au stade de la position du Conseil en première lecture. Ce compromis adapte la directive 2005/85/CE pour ce qui concerne les principaux aspects suivants:
A. Formation : en vue d'améliorer la qualité de la procédure d'asile, la position du Conseil établit des exigences en matière de formation pour le personnel responsable de lexamen des demandes de protection internationale. À cette fin, les États membres devront prévoir une formation qui comporte les éléments figurant dans le règlement portant création d'un Bureau européen d'appui en matière d'asile, à l'exception de ceux relatifs aux conditions d'accueil. En outre, les personnes chargées d'interroger les demandeurs devront avoir acquis une connaissance générale des problèmes qui pourraient nuire à la capacité des demandeurs à être interrogés, par exemple des éléments donnant à penser qu'ils auraient pu être soumis à la torture.
Les exigences de formation s'appliquent aussi au personnel travaillant pour une autre autorité chargée de mener des entretiens lorsqu'un nombre élevé de ressortissants de pays tiers ou d'apatrides demandent simultanément une protection internationale. Enfin, le personnel des autorités susceptibles de recevoir des demandes de protection internationale, par exemple les membres de la police des frontières et le personnel des services d'immigration ou les agents des centres de rétention devront recevoir le niveau de formation nécessaire à l'accomplissement de leurs tâches et responsabilités.
B. Accès à la procédure : la position du Conseil fixe des normes visant à assurer un accès facile en temps voulu à la procédure d'asile tout en tenant compte des spécificités des systèmes nationaux. Afin qu'elles respectent effectivement leurs obligations et jouissent des droits correspondants, les demandes devront être enregistrées dans des délais spécifiques: au cas où la demande est présentée à l'autorité responsable de la détermination, le délai est de 3 jours ouvrables à compter de sa présentation; au cas où ce sont d'autres autorités compétentes, comme par exemple la police des frontières, le délai est de 6 jours ouvrables. Un délai plus long de 10 jours ouvrables est autorisé en cas d'afflux important et simultané de demandeurs.
Il est également important, pour assurer un accès effectif à la procédure, d'obliger les États membres à fournir aux ressortissants de pays tiers placés en centres de rétention ou présents à des points de passage frontaliers des informations sur la possibilité de présenter une demande de protection internationale lorsque des éléments donnent à penser que ces personnes souhaitent peut-être le faire. En outre, les États membres devront faire en sorte qu'une interprétation soit assurée dans les centres de rétention et les zones frontalières dans la mesure nécessaire pour faciliter l'accès à la procédure de protection internationale.
C. Procédure d'examen : la position du Conseil prévoit qu'une procédure d'examen d'une demande de protection internationale soit menée à son terme dans les 6 mois suivant le dépôt de la demande. En cas de questions complexes, de retard dû à un manque de coopération du demandeur ou si les demandeurs sont très nombreux, les États membres pourront prolonger ce délai d'une période ne pouvant excéder 9 mois supplémentaires. Enfin, une prolongation complémentaire d'une durée maximale de 3 mois sera autorisée à titre exceptionnel, dans des cas dûment justifiés, lorsque cela est nécessaire pour garantir un examen approprié et exhaustif.
Dautres dispositions dérogatoires en termes de délais sont prévues si la situation dans le pays dorigine est incertaine. En tout état de cause, les États membres sont tenus de conclure la procédure dans un délai maximal de 21 mois à compter du dépôt de la demande.
Conformément à l'objectif consistant à mettre en place des procédures d'asile plus harmonisées, les procédures d'examen accélérées et les procédures à la frontière ne pourront être utilisées que pour des raisons spécifiques; ne pourront relever de ces procédures que des demandes susceptibles d'être infondées ou qui suscitent des préoccupations graves liées à la sécurité nationale ou à lordre public.
D. Information en cas de dérogations : au cas où un État membre, en raison du nombre élevé de personnes présentant simultanément une demande, déroge aux délais d'enregistrement de la demande et de conclusion de l'examen de la demande ou autorise des autorités autres que l'autorité responsable de la détermination à mener des entretiens concernant l'asile, il doit en informer la Commission. Ces informations doivent être fournies, au moins une fois par an, dès que les motifs justifiant l'application de ces mesures exceptionnelles ont cessé dexister.
E. Enregistrement de lentretien et rapport le concernant : la position du Conseil prévoit un vaste ensemble de règles sur l'enregistrement des entretiens portant sur l'asile et le rapport les concernant. La position du Conseil prévoit que les États membres sont tenus de préparer un rapport détaillé et factuel contenant toutes les informations essentielles ou une transcription. En outre, ils peuvent prévoir un enregistrement audio ou audiovisuel. Les États membres doivent aussi veiller à ce que le demandeur soit pleinement informé du contenu du rapport ou des éléments essentiels de la transcription.
F. Informations juridiques et assistance juridique et représentation : la position du Conseil prévoit que les États membres doivent veiller à ce que, sur demande et dans certaines conditions, des informations juridiques et procédurales soient fournies gratuitement aux demandeurs dans les procédures en premier ressort. Ce point comprend, au moins, la mise à disposition d'informations relatives à la procédure en fonction de la situation particulière du demandeur. En outre, en cas de décision négative en premier ressort, les États membres doivent, sur demande, communiquer aux demandeurs des informations précisant les motifs de cette décision et expliquant les possibilités de recours. De surcroît, les États membres peuvent prévoir que les informations juridiques et procédurales soient fournies par l'intermédiaire d'organisations non gouvernementales, de professionnels des pouvoirs publics ou des services spécialisés de l'État.
Par ailleurs, les États membres devront veiller à ce que, dans certaines conditions et en pleine conformité avec les autres instruments en matière d'asile, l'assistance judiciaire et la représentation gratuites soient accordées sur demande dans le cadre des procédures de recours. Celle-ci comprend au moins la préparation des documents de procédure nécessaires et la participation à l'audience devant une juridiction de première instance pour le compte du demandeur.
G. Demandeurs nécessitant des garanties procédurales spéciales : la position du Conseil vise à permettre aux demandeurs nécessitant des garanties procédurales spéciales de bénéficier des droits et de se conformer aux obligations prévues par la directive tout au long de la procédure d'asile. Lorsqu'il a été établi que les demandeurs nécessitent des garanties procédurales spéciales, un soutien adéquat devra leur être accordé. Lorsqu'un tel soutien adéquat ne peut être fourni dans le cadre des procédures accélérées ou à la frontière, notamment lorsque les États membres estiment qu'un demandeur nécessite des garanties procédurales spéciales parce qu'il a été victime de torture, de viol ou d'une autre forme grave de violence morale, physique ou sexuelle, ils ne sont pas autorisés à appliquer ces procédures ou doivent cesser de les appliquer.
H. Mineurs : la position du Conseil prévoit des garanties spécifiques pour les mineurs et les mineurs non accompagnés tout en évitant d'éventuels abus. Elle précise les conditions qui s'appliquent aux mineurs qui souhaitent présenter une demande en leur propre nom. Les entretiens avec les mineurs doivent être menés d'une manière adaptée aux enfants.
En ce qui concerne les mineurs non accompagnés, la position du Conseil établit un ensemble de garanties en liaison avec le représentant. Les États membres sont également tenus de fournir gratuitement aux mineurs non accompagnés des informations juridiques et procédurales pour les procédures de retrait de la protection internationale. Ainsi, les mineurs non accompagnés et leur représentant bénéficient d'une forme de soutien juridique dans le cadre de toutes les procédures de la directive (premier ressort, recours, retrait).
Si, au cours de la procédure d'asile, ils constatent qu'une personne est un mineur non accompagné, les États membres peuvent appliquer certaines procédures pour traiter la demande en tenant compte de lorigine du demandeur sil émane dun pays dorigine sûr.
Des dispositions spécifiques sont également prévues pour se prémunir contre les abus des mineurs non accompagnés (par exemple, si ce dernier a induit les autorités en erreur en présentant de faux documents ou sil a détruit sciemment ses pièces d'identité pour éviter une décision négative).
Étant donné que les procédures à la frontière comportent toujours une certaine forme de rétention, il est précisé que les mineurs non accompagnés ne puissent être maintenus en rétention que dans des circonstances exceptionnelles, qui doivent être évaluées en tenant dûment compte de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Les États membres peuvent en outre déclarer irrecevable la demande d'un mineur non accompagné originaire d'un pays tiers sûr, qui n'est pas un État membre, pour autant que l'intérêt supérieur du mineur l'exige. Ils peuvent également décider de ne pas accorder l'assistance judiciaire et la représentation gratuites à un mineur non accompagné lorsque le recours na pas de perspective de succès.
I. Procédures dasile tenant compte des spécificités hommes-femmes : la position du Conseil prend en considération le fait que les procédures d'asile doivent tenir compte des spécificités hommes-femmes. À cet égard, les États membres doivent faire en sorte, dans la mesure du possible, que l'entretien avec le demandeur soit mené par une personne du même sexe et que l'interprétation soit assurée par une personne du même sexe si le demandeur concerné en fait la demande. En outre, sans préjudice de toute fouille effectuée pour des raisons de sécurité, une fouille sur la personne du demandeur dans le cadre de l'application de la directive est effectuée par une personne du même sexe, dans le plein respect des principes de dignité humaine et d'intégrité physique et mentale.
J. Demandes ultérieures : la position du Conseil clarifie les règles procédurales concernant les demandes ultérieures. Contrairement à la diversité des procédures que permet d'appliquer à ces demandes la directive 2005/85/CE, la position du Conseil prévoit qu'une demande ultérieure est considérée comme irrecevable lorsque, lors d'un examen préliminaire, aucun nouvel élément ou aucune nouvelle donnée ne sont apparus ou n'ont été présentés par le demandeur.
Les demandeurs qui présentent des demandes ultérieures dans le seul but de retarder leur expulsion du territoire de l'État membre surchargent indûment les systèmes d'asile nationaux. Par conséquent, des règles effectives sont nécessaires en matière de demandes ultérieures. Toutefois, il est précisé que les États membres restent à tout moment liés par le principe de non-refoulement, qui veut qu'une personne ne peut être renvoyée dans un pays où elle pourrait être en danger.
K. Retrait implicite d'une demande/renonciation implicite à une demande : la position du Conseil expose que, dans certaines conditions, les États membres peuvent présumer qu'un demandeur a implicitement retiré sa demande de protection internationale ou renoncé à celle-ci. Les États membres peuvent faire une telle hypothèse dans deux cas en particulier: premièrement, lorsqu'il est établi que le demandeur n'a pas répondu aux demandes l'invitant à fournir des informations essentielles pour sa demande ou ne s'est pas présenté à un entretien personnel, sauf si le demandeur apporte la preuve, dans un délai raisonnable, que cette absence était indépendante de sa volonté; et deuxièmement, si le demandeur a fui ou quitté sans autorisation le lieu où il vivait ou était placé en rétention. Dans ce contexte, la position du Conseil prévoit un ensemble de règles en ce qui concerne la réouverture d'une demande implicitement retirée.
Au cas où la personne se présente à nouveau aux autorités dans un délai d'au moins 9 mois, les États membres ne sont pas autorisés à traiter la demande rouverte ou la nouvelle demande en qualité de demande ultérieure.
L. Recours effectif : la position du Conseil établit un ensemble de règles concernant le droit de rester sur le territoire dans l'attente de l'issue d'un recours: est ainsi pleinement garanti le droit à un recours effectif tout en étant reconnue la nécessité de disposer de régimes d'asile efficaces qui permettent de prévenir les abus. Dans ce contexte, en règle générale, les États membres doivent autoriser les demandeurs à rester sur leur territoire jusqu'à l'expiration du délai prévu pour l'exercice de leur droit à un recours effectif ou, si ce droit a été exercé dans le délai prévu, dans l'attente de l'issue du recours.
Cependant, dans un nombre limité de cas, un État membre peut prévoir qu'un tel effet suspensif automatique ne s'applique pas. Dans ces cas, les États membres doivent prévoir qu'une juridiction soit compétente pour décider, sur requête du demandeur concerné ou bien de sa propre initiative, si le demandeur est autorisé à rester sur le territoire de l'État membre.
M. Dans les procédures à la frontière, l'effet suspensif non automatique ne peut s'appliquer que pour autant que, premièrement, le demandeur bénéficie de l'interprétation et de l'assistance judiciaire nécessaires et se voie accorder au moins une semaine pour préparer sa demande et présenter à la juridiction les arguments qui justifient que lui soit accordé le droit de rester sur le territoire dans l'attente de l'issue du recours et, deuxièmement, dans le cadre de l'examen de la demande de rester sur le territoire, la juridiction examine en fait et en droit la décision négative de l'autorité responsable de la détermination. Lorsque l'effet suspensif non automatique est appliqué, le demandeur est autorisé à rester sur le territoire dans l'attente de l'issue de la procédure visant à décider si le demandeur peut ou non rester sur le territoire. Dans tous les cas, le principe de non-refoulement s'applique.
N. Pays tiers sûrs : la position du Conseil autorise les États membres à appliquer les concepts de pays d'origine sûr, de pays tiers sûr et de pays tiers européen sûr, tout en reconnaissant qu'il faudra peut-être procéder à une nouvelle harmonisation à l'avenir. À cet effet, les États membres devraient prendre en compte notamment les lignes directrices et les manuels opérationnels établis par le Bureau européen d'appui en matière d'asile et le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et procéder à des examens réguliers de la situation dans ces pays tiers. En outre, il est souligné qu'il importe d'échanger des informations de sources pertinentes et de procéder à des examens réguliers de l'application par les États membres du concept de pays tiers sûr avec les États membres et en y associant le Parlement.
La position du Conseil clarifie les conditions d'application de ces concepts en prévoyant que les États membres doivent autoriser les demandeurs à contester l'application du concept de pays tiers européen sûr au motif que le pays n'est pas sûr dans leur cas particulier.
O. Autres aspects importants : d'autres aspects importants figurent dans la position du Conseil en première lecture sur laquelle le Conseil et le Parlement européen sont parvenus à un compromis:
- extradition : un État membre peut prévoir une exception au droit d'un demandeur d'une protection internationale à rester sur le territoire jusqu'à ce qu'une décision soit prise en premier ressort sur sa demande si une personne est, le cas échéant, livrée à ou extradée vers, soit un autre État membre en vertu des obligations découlant d'un mandat d'arrêt européen ou pour d'autres raisons, soit un pays tiers, soit une cour ou un tribunal pénal(e) international(e) ;
- autorité responsable de la détermination et autres autorités compétentes : les États membres peuvent prévoir qu'une autorité autre que l'autorité responsable de la détermination est responsable lorsqu'il s'agit de traiter les cas conformément au règlement de Dublin ou d'octroyer ou de refuser l'autorisation d'entrée dans le cadre d'une procédure à la frontière, sous réserve des conditions prévues dans ce cadre et sur la base de l'avis motivé de l'autorité responsable de la détermination ;
- examen médical : la position du Conseil comprend des règles concernant les examens médicaux visant à assurer que les signes susceptibles de provenir de persécutions ou d'atteintes graves que le demandeur a subies dans le passé soient inclus dans l'évaluation de la demande de protection internationale. Ces règles comprennent notamment des dispositions indiquant les conditions dans lesquelles l'examen doit être payé sur des fonds publics ou est aux frais du demandeur ;
- considérations liées à la sécurité nationale : dans le cadre des recours, en cas de considérations liées à la sécurité nationale et en vue d'assurer l'égalité des armes, les États membres doivent donner accès aux informations ou aux sources dont disposent les juridictions de recours et dont la confidentialité est requise pour des raisons de sécurité nationale et mettre en place dans leur droit national des procédures garantissant le respect des droits de la défense du demandeur.