Procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale. Refonte

2009/0165(COD)

Dans sa communication sur la position du Conseil en première lecture sur l’adoption d’une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait du statut conféré par la protection internationale, la Commission indique qu’elle se rallie au texte du compromis issu des négociations entre les deux co-législateurs, ce dernier préservant les principaux objectifs de la proposition de la Commission et représentant un net progrès par rapport à la directive 2005/85/CE.

Même si la Commission regrette un petit nombre de modifications, elle peut néanmoins se rallier au compromis et recommander son adoption par le Parlement. En effet, le texte fait faire un véritable bond à l’harmonisation des garanties encadrant les procédures d’asile, grâce à l’introduction de règles claires, détaillées et contraignantes et à la suppression des clauses dérogatoires et de statu quo.

Analyse des principales nouvelles dispositions de la position commune:

Des garanties procédurales renforcées pour améliorer la qualité des procédures d’asile : la position du Conseil est conforme au principe dit du «frontloading» (principe consistant à améliorer les décisions prises en première instance afin de limiter le nombre de recours par la suite) et accorde un ensemble robuste de garanties aux demandeurs d’asile. Elle assure un accès rapide et aisé à la procédure d’asile. Les États membres devront informer activement les ressortissants de pays tiers présents aux points de passage frontaliers et dans les centres de rétention de la possibilité de demander une protection internationale, avant même qu'ils n'expriment une volonté en ce sens. Des possibilités élémentaires d’interprétation devront également être fournies en ces lieux pour y assurer l’accès à la procédure d’asile. Bien que les délais d’enregistrement d’une demande d'asile (même exprimée de manière très informelle) aient été rallongés par rapport à la proposition de la Commission, la position précise qu’une personne ayant exprimé sa volonté de demander une protection internationale est immédiatement considérée comme un demandeur jouissant des droits attachés à ce statut, indépendamment de l’enregistrement ou du dépôt formels de la demande.

Concernant la formation des personnels impliqués dans la procédure, le compromis du Conseil précise que les membres d’autorités autres que les autorités responsables de la détermination, qui conduisent des entretiens personnels pour apprécier la recevabilité des demandes, devront recevoir une formation de base sur les questions d’asile.

Un élément essentiel du «frontloading» proposé par la Commission résidait dans le délai global de 6 mois, extensible à 12, accordé pour achever l’examen d'une demande. Cet élément a été maintenu, même si la durée maximale a été rallongée. Par rapport à la proposition, la position du Conseil a cependant le mérite de mieux cadrer les possibilités de suspension de la procédure en cas de situation incertaine dans le pays d’origine qui ferait qu’il ne serait pas raisonnable de prendre la décision dans les délais normaux.

Demandeurs exigeant des procédures spéciales, dont mineurs non accompagnés : bien qu'elle regrette que la position du Conseil abaisse le niveau des garanties pour les mineurs non accompagnés, la Commission accepte néanmoins ce compromis car il assure un niveau de protection adéquat. La Commission proposait d’exempter les mineurs non accompagnés des procédures accélérées et à la frontière et de la non automaticité de l'effet suspensif des recours. En effet, ces mécanismes procéduraux réduisent nettement le temps disponible pour prouver la légitimité d’une demande, alors même que les mineurs requièrent un soutien spécial pour les aider à exprimer pleinement leurs besoins de protection internationale.

Concernant les procédures à la frontière, elles impliquent une détention qui, selon la Commission, ne devrait pas s'appliquer en règle générale aux mineurs non accompagnés. Enfin, la non automaticité de l’effet suspensif risquerait de compromettre l’accès des mineurs non accompagnés à un recours effectif, garanti par la Charte.

La position du Conseil autorise l'application des procédures accélérées aux mineurs non accompagnés, mais seulement dans des circonstances très précises, en particulier lorsque leur qualité de ressortissants d’un pays d’origine sûr est une indication objective du caractère probablement infondé de leur demande ou lorsqu’un examen exhaustif d’une première demande est de nature à justifier un examen accéléré de la demande ultérieure; les craintes légitimes d'atteinte à la sécurité nationale ou à l'ordre public constituent un troisième motif.

Les États membres seront autorisés à recourir à des procédures à la frontière dans 6 cas de figure. Aux 3 motifs déjà évoqués pour les procédures accélérées sont ajoutées 2 circonstances liées à la recevabilité (demandes subséquentes et possibilité d’application de la notion de pays d’origine sûr). Deux ajouts plus substantiels correspondent aux situations dans lesquelles le demandeur trompe les autorités en présentant des documents falsifiés ou bien détruit ou utilise de mauvaise foi un document d’identité ou de voyage. Considérés isolément, ces motifs n’auraient pas été jugés acceptables par la Commission car, d’une manière générale, on ne peut pas attendre de mineurs non accompagnés qu’ils comprennent pleinement la nécessité de coopérer avec les autorités chargées des questions d’asile. La position du Conseil précise toutefois que ces motifs ne peuvent être invoqués que s’il existe des raisons sérieuses de considérer que le demandeur cherche à dissimuler des éléments pertinents qui entraîneraient probablement une décision négative et elle prévoit en outre des garanties procédurales supplémentaires.

En ce qui concerne les règles applicables aux recours, la non-automaticité de l’effet suspensif est possible, mais seulement si des garanties supplémentaires solides sont fournies. En particulier, le demandeur disposera d’au moins une semaine ainsi que de l’aide juridique et de l’interprétation nécessaires pour préparer sa demande de maintien sur le territoire.

Pour les autres catégories de personnes ayant des besoins particuliers, la position du Conseil contient l’obligation non équivoque de mettre en place un mécanisme d’identification efficace et de fournir un soutien adéquat dans le cadre de la procédure. De plus, les personnes dont les besoins particuliers signifient qu’elles ne peuvent pas faire l’objet de procédures rapides spéciales sont exclues de l’application des procédures accélérées et à la frontière et bénéficient, si leurs recours n'ont pas d’effet suspensif, des mêmes garanties supplémentaires que les mineurs non accompagnés. Les procédures d’asile continuent aussi à tenir compte de la problématique hommes-femmes: les demandeurs peuvent demander et obtenir des interprètes et interrogateurs du même sexe et la violence sexo-spécifique est prise en considération dans l’évaluation des besoins particuliers.

La question des besoins particuliers est intimement liée à l’usage de rapports ou examens médicaux dans le cadre de la procédure d’asile. Dans ce domaine également, la position du Conseil préserve les principaux objectifs de la proposition. La Commission regrette toutefois que le recours au protocole d’Istanbul relatif à l’identification et à la documentation des symptômes de tortures ait été rendu facultatif, alors même que l’Union encourage les pays tiers à promouvoir son application systématique pour la documentation des cas de torture.

Procédures accélérées et à la frontière et recours effectif : harmoniser l’emploi des procédures accélérées et à la frontière chaque fois que la directive 2005/85/CE autorise cet emploi était un des objectifs clés de la proposition. Il a été préservé et la position du Conseil contient une liste exhaustive des motifs d’utilisation de ces procédures. Le compromis ajoute 3 nouveaux motifs à la liste de la Commission: i) irrecevabilité des demandes subséquentes, ii) demandeurs qui refusent de laisser prendre leurs empreintes digitales aux fins du système EURODAC, iii) demandeurs qui sont entrés sur le territoire ou y ont prolongé leur séjour de manière irrégulière et qui, sans bonne raison, ont omis de se présenter aux autorités et/ou de déposer une demande d’asile aussi tôt que le permettaient les circonstances de leur entrée. C’est ce dernier motif supplémentaire qui a le plus d’impact. Il est néanmoins assorti de garanties solides assurant une protection adéquate du demandeur.

La proposition visait aussi à renforcer le droit à un recours juridictionnel effectif en posant le principe d’un effet suspensif automatique des recours, sauf exceptions limitées. Si ce principe a été maintenu dans la position du Conseil, les exceptions prévues sont toutefois plus nombreuses.

En ce qui concerne le retrait implicite, des garanties adaptées ont été incluses avant le stade du recours; la personne peut notamment réclamer la réouverture de son dossier, et il y a toujours la possibilité d’examiner la réclamation en tant que demande subséquente. En outre, dans le cas où un recours n'a pas d'effet suspensif automatique, il existe la possibilité de demander l’effet suspensif, et la personne doit être autorisée à demeurer sur le territoire le temps que sa demande soit traitée. Il n’y a donc pas de risque de reconduite sans aucun recours juridictionnel possible.

Enfin, s’alignant sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la Commission avait proposé d’assortir d’un effet suspensif automatique les recours contre des décisions négatives prises dans le cadre d'une procédure à la frontière. Le Conseil, dans sa position, a préféré les assortir des mêmes garanties que celles bénéficiant aux mineurs non accompagnés. Dans les cas manifestement infondés, ces garanties peuvent atténuer les conséquences négatives de la non-automaticité de l’effet suspensif. Elles prévoient notamment qu’aucun éloignement ne peut intervenir tant que la décision sur la demande d’effet suspensif n’est pas rendue, ce qui assure le respect des obligations en matière de droits fondamentaux découlant de la jurisprudence des juridictions européennes.

Lutte contre les abus : en vue d’assurer l’équilibre entre les objectifs de protection des demandeurs d’asile véritables et de répression des demandes abusives et répétées, la Commission avait proposé d'autoriser les États membres à éloigner un demandeur après une 2ème demande subséquente (donc une 3ème demande), sous réserve que le principe de non-refoulement soit respecté. La position du Conseil reprend les objectifs de la proposition, mais ajoute un cas supplémentaire dans lequel un demandeur peut se voir retirer son droit à rester sur le territoire, à savoir le cas où une première demande subséquente, irrecevable, n’avait été introduite que dans le but de faire échec à une reconduite imminente. Le Conseil a fait valoir que cette disposition était indispensable pour contrer les demandes subséquentes abusives de dernière minute. En tout état de cause, la position du Conseil précise bien que les dérogations au droit de demeurer sur le territoire de l'État membre doivent être appliquées dans le respect du principe de non-refoulement.

Enfin, la position du Conseil modifie aussi la proposition de la Commission en ce qui concerne les règles de retrait ou d’abandon implicite de la demande. L’objectif de la proposition était d’harmoniser les règles applicables dans ces situations, et en particulier d’éviter le risque de rejet d’une demande qui n’aurait pas été au préalable examinée au fond. La position du Conseil conserve cet objectif dans la mesure où elle précise qu’une demande ne peut pas être rejetée sans un examen approprié de sa substance. La Commission regrette néanmoins l’inclusion de la disposition qui n’admet la réouverture du dossier d’un demandeur que si celui-ci s’est manifesté après la clôture de l’examen de sa demande.