Criminalité organisée, corruption et blanchiment de capitaux: recommandations sur des actions et des initiatives à entreprendre

2013/2107(INI)

Le Parlement a adopté par 526 voix pour, 25 voix contre et 87 abstentions, une résolution sur la criminalité organisée, la corruption et le blanchiment de capitaux.

Le Parlement confirme la teneur de la précédente résolution adoptée le 11 juin 2013 portant sur le même thème, et se prononce de la même manière pour un cadre législatif homogène et cohérent en matière de lutte contre la criminalité organisée, la lutte contre la corruption et le blanchiment des capitaux. Il demande à la Commission de lancer un plan d'action européen de lutte dans ce domaine qui comporterait des mesures législatives et des actions positives permettant de lutter efficacement contre ces phénomènes criminels.

Il demande en particulier aux États membres de transposer rapidement et correctement, dans leurs ordres respectifs, tous les instruments normatifs européens et internationaux en vigueur dans ce domaine. Il invite à nouveau la Commission à proposer des normes juridiques communes pour renforcer l'intégration et la coopération entre les États membres et à présenter avant fin 2013 une proposition législative établissant une définition commune de la criminalité organisée, qui devrait porter, notamment, sur le délit de participation à une organisation criminelle transnationale. Il invite également la Commission à criminaliser les abus et l'exploitation de victimes de la traite des êtres humains.

Le Parlement souligne qu'un cadre réglementaire efficace devrait tenir dûment compte de l'interaction entre les dispositions de lutte contre la criminalité organisée, la corruption et le blanchiment d'argent et le droit fondamental à la protection des données à caractère personnel.

Se ralliant à l’essentiel des recommandations émises dans la résolution du 11 juin 2013 (se reporter au résumé du texte de la résolution), le Parlement fait une série de nouvelles propositions générales et spécifiques destinées à lutter contre le phénomène de la corruption et du blanchiment d’argent :

1)      une politique cohérente en matière de lutte contre la corruption : le Parlement appelle la Commission à prévoir une liste de recommandations concrètes pour chaque État membre et chaque institution de l'Union, mettant en évidence les exemples de meilleures pratiques dans la lutte contre la corruption. Un rapport à transmettre au Parlement européen devrait être publié à cet effet en 2015, afin de suivre, dans le temps, les progrès réalisés grâce aux efforts des États membres et des institutions de l'Union ;

2)      le renforcement du dispositif législatif avec par exemple l’élaboration d’une proposition d'harmonisation du droit pénal en matière de blanchiment et la mise en œuvre de toutes les mesures de reconnaissance d’exécution des mesures judiciaires ;

3)      le gel des avoirs : le Parlement réclame des mesures efficaces pour renforcer le cadre actuel en matière de confiscation des avoirs du crime et leur réutilisation à des fins sociales. Il évoque notamment une proposition législative visant à garantir la reconnaissance mutuelle des ordres de séquestre et de confiscation et l’instauration d’un modèle de confiscation en l'absence de condamnation. Á cet égard, la Plénière invite les États membres et la Commission à encourager la coopération internationale et à soutenir un programme européen visant à promouvoir l'échange et la diffusion de bonnes pratiques en vue d'une gestion efficace des biens confisqués. Elle appelle également au renforcement de la coopération administrative, policière et judiciaire en vue de retrouver, sur l'ensemble du territoire de l'Union, les avoirs d'origine criminelle, grâce au réseau des Assets Recovery Offices. Le Parlement demande en outre l’application du principe de «tolérance zéro» à l'égard de l'exploitation sexuelle et de l'exploitation de main-d'œuvre ;

4)      la coopération judiciaire et policière à l'échelle européenne et internationale : le Parlement demande aux États membres de créer des structures nationales dédiées aux enquêtes et à la lutte contre les organisations criminelles et mafieuses, avec la possibilité de concevoir, sous la coordination d'Europol, un "réseau opérationnel antimafia", caractérisé par sa souplesse et son caractère informel ; constatant par ailleurs que les réseaux mafieux s’exportaient au niveau mondial, le Parlement demande qu’une coopération renforcée s’engage au niveau international avec l’appui de l'ONU, de l'OCDE et du Conseil de l'Europe dans ce domaine ; des mesures ciblées pour lutter contre la cybercriminalité ont également été réclamées. La Plénière suggère par ailleurs la création de registres centralisés des comptes courants bancaires ;

5)      la lutte contre le terrorisme : le Parlement prend note des liens constatés, dans certaines circonstances, par les autorités judiciaires et les forces de police entre le crime organisé et le terrorisme, en rapport avec le financement des activités illégales des groupes terroristes par les revenus de trafics internationaux illicites. Il invite les États membres à renforcer les mesures de lutte contre ces activités. Il encourage également la formation conjointe des experts spécialisés dans l'analyse de la lutte contre la criminalité et de la lutte contre le terrorisme ;

6) non-corruptibilité des administrations : le Parlement recommande un renforcement des mécanismes destinés à accroître la transparence et l'intégrité et réduire la bureaucratie dans l'administration publique et les autres organismes publics, ce qui implique le plein accès aux informations relatives à tous les aspects de l'organisation et de l'activité administratives, y compris en garantissant aux citoyens le droit d'accès aux documents. Il appelle également à l’identification des systèmes de corruption dans l'administration publique, aux moyens d’opérations secrètes ainsi que des mesures dans le domaine des marchés publics, de sorte que les procédures de passation de marchés garantissent la transparence pleine et entière de la procédure de sélection. La Plénière demande également à la Commission de présenter une proposition de directive d'ici la fin de l'année 2014 sur les techniques communes d'enquête concernant la détection de formes graves de criminalité organisée, conformément à l'article 87, paragraphe 2, point c), du traité FUE;

7) une politique plus responsable : dans ce domaine, le Parlement réitère sa demande de prévoir l'interdiction de figurer sur des listes électorales pour quiconque fait état d'une condamnation définitive pour des délits de criminalité organisée, de blanchiment ou de corruption ; cette sanction devrait s'appliquer pendant une durée d'au moins 5 ans et impliquer, pendant le même laps de temps, l'impossibilité d'accéder à une charge gouvernementale. Il recommande en outre aux États membres d'instaurer des critères de déchéance des fonctions politiques et des postes de direction et d'administration à la suite d'une condamnation définitive.

Le Parlement demande l’institution d’une "Journée européenne de la mémoire et de l'engagement pour commémorer les victimes innocentes de la criminalité organisée et de la lutte pour la justice et les libertés", à célébrer, à compter de 2014. Il fait en outre un certain nombre de recommandations pour rendre :

  • la justice pénale plus crédible : le Parlement recommande la prévision de peines de privation de liberté et de sanctions pécuniaires d'un montant élevé, pour toutes les infractions graves qui portent atteinte à la santé et à la sécurité des citoyens ; il encourage également des peines alternatives pour remplacer l'incarcération, comme des sanctions pécuniaires et des travaux d'intérêt général, si la loi le permet et compte tenu de la faible gravité du délit. De manière générale, toute peine devrait être proportionnée aux sommes blanchies ;
  • les entreprises plus saines : outre des mesures d'autoréglementation et de transparence, le Parlement réclame une liste européenne publique des entreprises qui ont été déclarées coupables de pratiques de corruption afin de les exclure des marchés publics européens ;
  • le système bancaire plus transparent : le Parlement réclame à nouveau une définition commune des paradis fiscaux et surtout l'abolition du secret bancaire. Ce problème devrait être définitivement réglé en abordant la question avec les États et territoires tiers, notamment ceux qui sont situés en Europe ou avec lesquels les États membres réalisent des opérations financières très nombreuses ou bien suspectes. La Plénière demande également aux États membres d'introduire l'obligation, pour toutes les entreprises multinationales, de remettre des rapports par pays sur les bénéfices réalisés et les taxes acquittées, en vue de mettre un terme à la planification fiscale agressive.

Pour ne pas que le crime «paie», le Parlement se prononce pour des mesures fortes et décisives sur le blanchiment d’argent. Il réclame en particulier un cadre législatif complet pour lutter contre le blanchiment d'argent lié aux jeux et aux paris, notamment dans le contexte des compétitions sportives et des combats d’animaux. Il regrette les divergences de vues sur la lutte contre la contrefaçon de l’euro et demande la mise en place d’un système de traçabilité des billets en euros, et la fin de l'impression de billets d'une valeur supérieure à environ 100 EUR.

D’autres mesures sont réclamées en matière fiscale au travers d'initiatives visant à lutter contre les paradis fiscaux. De même, le Parlement demande la diffusion d'une culture de la prévention et de la sécurité informatique ("cybersécurité"), selon une approche intégrée et multidisciplinaire fondé sur l'échange d'informations au niveau national et international.

Recommandations finales : outre les points évoqués plus haut, le Parlement fait une série de recommandations finales dont les éléments principaux peuvent se résumer comme suit :

  • un plan d'action européen pour la période 2014–2019 visant à éradiquer la criminalité organisée, la corruption et le blanchiment de capitaux, avec une feuille de route et des ressources adéquates, dans le respect des principes de subsidiarité et proportionnalité ;
  • une définition de la criminalité organisée (comprenant, entre autres, le délit de participation à une organisation à caractère mafieux), de la corruption et du blanchiment d'argent sur la base d'un rapport sur la mise en œuvre de la législation européenne pertinente ;
  • la réforme de la directive sur les abus de marchés ;
  • l’élimination des paradis fiscaux du territoire de l'UE, et l’adoption du principe de l'"origine de la richesse" conformément aux principes de l'OCDE ;
  • le plein accès aux informations relatives aux titulaires effectifs de sociétés, fondations et trusts ("beneficial ownership") ;
  • le principe de la responsabilité juridique des personnes morales, et notamment des holdings et des sociétés mères pour les actes de leurs filiales, dans le cas de délits financiers ;
  • l’éradication de la traite des êtres humains et du travail forcé ;
  • la prévision d’un délit de manipulation sportive ;
  • la prévision d’un délit pour la pratique de l'achat de voix (sur le plan électoral) ;
  • l’interdiction de figurer sur des listes électorales, d'inéligibilité ou d'occupation, et de déchéance de fonctions publiques à la suite de condamnations définitives pour des délits en matière de criminalité organisée, de corruption et de blanchiment d'argent ;
  • une fiscalité plus juste et plus homogène pour les entreprises ;
  • des accords de coopération judiciaire et policière entre les États membres et entre l'UE et les pays tiers ;
  • le renforcement de la lutte contre la criminalité environnementale et le trafic de drogue ;
  • l'exclusion des procédures d'adjudication des marchés publics dans toute l'Union européenne des opérateurs économiques condamnés de manière définitive pour des faits de criminalité organisée, de corruption et de blanchiment d'argent ;
  • la mise en place définitive d’un Parquet européen ;
  • la reconnaissance du rôle de journalisme d'investigation ;
  • le renforcement de la protection des témoins et des informateurs ;
  • etc.