Gens de mer

2013/0390(COD)

OBJECTIF : modifier le texte de plusieurs directives européennes afin d’améliorer le niveau d’information, de consultation et de protection des travailleurs du secteur maritime (les «gens de mer»).

ACTE PROPOSÉ : Directive du Parlement européen et du Conseil.

RÔLE DU PARLEMENT EUROPÉEN : le Parlement européen décide conformément à la procédure législative ordinaire sur un pied d’égalité avec le Conseil.

CONTEXTE : les directives de l’Union européenne sur le droit du travail sont en règle générale applicables à tous les secteurs d’activité et à toutes les catégories de travailleurs. Néanmoins, les «gens de mer» sont exclus ou peuvent être exclus du champ d’application de six d’entre elles, sans aucune justification expresse.

Les directives concernées sont les suivantes:

  • directive 2008/94/CE relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur ;
  • directive 2009/38/CE concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen ;
  • directive 2002/14/CE établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs ;
  • directive 98/59/CE concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs ;
  • directive 2001/23/CE relative au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises ;
  • directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services.

En fonction de la situation à l’échelle nationale, les exclusions pourraient avoir des répercussions négatives sur un certain nombre de droits consacrés par la charte des droits fondamentaux de l’UE, notamment le droit à l’information et à la consultation des travailleurs au sein de l’entreprise et le droit à des conditions de travail justes et équitables.

La plupart des États membres n’ont eu recours aux exclusions que de manière limitée, voire pas du tout, créant une distorsion de concurrence entre États membres sur la manière de traiter ce type spécifique de travailleurs.

On constate par ailleurs une diminution constante du nombre de gens de mer ressortissants d’États membres de l’UE, en raison, notamment de l’impression qu’ont ces travailleurs d’être moins bien protégés que les autres salariés.

Par conséquent, l’objectif de la présente proposition est d’améliorer la protection des droits consacrés par la charte des droits fondamentaux de l’Union dans les domaines régis par le droit du travail de l’Union et d’assurer des conditions de concurrence égales dans l’UE.

ANALYSE D’IMPACT : la proposition a été évaluée en ce qui concerne la question des exclusions du droit du travail pour les travailleurs concernés.

En fonction de la directive à modifier, des options différentes ont été retenues :

  • suppression des exclusions pour les directives «insolvabilité de l’employeur» et «comité d’entreprise européen» ;
  • inclusion de dispositions spécifiques pour les directives «licenciements collectifs» et «transfert d’entreprises» ;
  • octroi d’une dérogation moyennant un niveau de protection équivalent des salariés visés pour la directive sur l’information et la consultation des travailleurs.

Concernant la directive sur le détachement de travailleurs, il a par contre été décidé de ne procéder à aucune modification.

BASE JURIDIQUE : la proposition apporte des modifications à cinq directives existantes, à savoir les directives 2008/94/CE, 2009/38/CE, 2002/14/CE, 98/59/CE et 2001/23/CE. Trois d’entre elles, à savoir les directives 2009/38/CE, 2002/14/CE et 2008/94/CE, ont été adoptées sur la base de l’article 153 du TFUE (anciennement article 137 CE). Les bases juridiques des directives 98/59/CE et 2001/23/CE étaient, respectivement, l’article 100 et l’article 94 du TCE, qui équivalent à l’article 115 du TFUE.

Même si les directives à modifier ont des bases juridiques différentes, il est clair que, du point de vue de leur contenu, elles visent toutes à soutenir et à compléter l’action des États membres dans les domaines visés à l’article 153, par. 1, du TFUE, en vue de favoriser la réalisation des objectifs de la politique sociale de l’Union.

L’article 153, par. 2, du TFUE est donc la base juridique sur laquelle peut se fonder une proposition unique visant à modifier les cinq directives susmentionnées.

CONTENU : la proposition vise à apporter des modifications à 5 directives en vigueur.

Les dispositions modificatrices peuvent se résumer comme suit :

Droit à l’information et à la consultation des travailleurs : la proposition reconnaît le droit inconditionnel à l’information et à la consultation des gens de mer dans toutes les directives qui autorisaient précédemment des exceptions et des dérogations à ce droit (directive sur le comité d’entreprise européen, directive sur l’information et la consultation des travailleurs, directive sur les licenciements collectifs, directive sur le transfert d’entreprises).

Principes : la proposition reconnaît d’autres droits, en tenant compte de la spécificité du secteur (suppression, dans certains cas spécifiques, des délais de réflexion dans la directive sur les licenciements collectifs ou du transfert du contrat/de la relation de travail dans la directive sur le transfert d’entreprises).

Modifications au texte des directives :

a) ré-inclusion des gens de mer dans le champ d’application de certaines directives :

  • suppression de l’article 1er, par. 3, point b), de la directive 2008/94/CE afin de supprimer la possibilité d’exclure les pêcheurs rémunérés à la part du champ d’application de la directive sur l’insolvabilité de l’employeur ;
  • suppression de l’article 1er, par. 7, de la directive 2009/38/CE afin de couvrir le personnel navigant de la marine marchande aux dispositions de la directive sur le comité d’entreprise européen.

b) nouveaux droits : modification de l’article 3, par. 3, de la directive 2002/14/CE afin de préciser que les États membres ne peuvent déroger aux dispositions générales de la directive que lorsqu’un niveau de protection équivalent est garanti et que les salariés concernés en bénéficient effectivement ;

c) licenciements collectifs : la directive 98/59/CE est modifiée comme suit :

  • ajout d’une définition du terme de «transfert», en faisant référence à la directive 2001/23/CE ;
  • suppression de l’article 1er, par. 2, point c), afin d’inclure les équipages de navires de mer dans le champ d’application de la directive sur les licenciements collectifs ;
  • modification visant à faire en sorte que la notification prévue à l’article 3, par. 1, de la directive soit toujours être adressée à l’autorité compétente de l’État du pavillon (ceci en raison de la possible coexistence de contrats de travail relevant de différentes législations nationales) ;
  • nouvelle disposition prévoyant que les États membres puissent accorder à l’autorité publique compétente la faculté de déroger, partiellement ou totalement, aux dispositions relatives au délai de réflexion lorsque le projet de licenciement collectif est effectué à la suite d’un transfert portant exclusivement sur un ou plusieurs navires ou lorsque l’employeur n’exploite qu’un seul navire. Si les États membres souhaitent avoir recours à cette dérogation, ils doivent consulter les partenaires sociaux lors de la transposition de cette disposition dans leur législation. Cette modification prévoit des mesures allégeant la procédure pour les sociétés n’exploitant qu’un seul navire.

Il convient de souligner que dans le cas d’une vente portant exclusivement sur un ou plusieurs navires ou d’un employeur exploitant un seul navire, l’obligation d’information et de consultation continue de s’appliquer.

La directive reste pleinement applicable dans tous les autres cas où le licenciement collectif des membres de l’équipage d’un navire est prévu.

d) transfert d’entreprises : abrogation de l’article 1er, par. 3, de la directive 2001/23/CE afin que la directive s’applique pleinement aux navires de mer immatriculés dans un État membre et/ou battant pavillon d’un État membre, quel que soit le lieu où ils se trouvent. Toutefois, compte tenu des caractéristiques spécifiques du secteur maritime, les États membres pourraient, après consultation des partenaires sociaux, déroger aux dispositions du chapitre II de la directive dans le cas de transferts concernant exclusivement un ou plusieurs navires de mer ou dans le cas du transfert d’une entreprise ou d’un établissement n’exploitant qu’un seul navire de mer. Par conséquent, dans le cas de transferts concernant exclusivement des navires ou d’une entreprise n’exploitant qu’un seul navire, il est prévu que les dispositions de la directive en matière d’information et de consultation, au moins, s’appliquent.

Les navires seraient pleinement couverts par le champ d’application de la directive lorsqu’ils constituent un des biens transférés.

Clause de non-régression : cette clause vise à préserver les droits des travailleurs entrant dans le champ d’application de la proposition, tels que reconnus par les États membres avant son entrée en vigueur.

Clause de réexamen : l’objectif de ce réexamen serait de suivre la mise en œuvre et l’application de la directive dans les États membres, sur deux questions en particulier:

  • le phénomène du dépavillonnement,
  • le niveau d’emploi des gens de mer de l’UE.

Période de transition : afin de tenir compte des différences existant entre les États membres en ce qui concerne la nature du secteur maritime et le degré d’inclusion des gens de mer dans le champ de la législation nationale du travail, il est prévu d’introduire une période de transition de 5 ans avant l’entrée en vigueur définitive du texte.