Instruction européenne en matière pénale. Initiative Belgique, Bulgarie, Estonie, Espagne, Autriche, Slovénie et Suède

2010/0817(COD)

OBJECTIF : créer un instrument unique d’obtention de preuves dénommé «décision d'enquête européenne» permettant à un État membre de faire réaliser une mesure d'enquête dans un autre État membre.

ACTE LÉGISLATIF : Directive 2014/41/UE du Parlement européen et du Conseil concernant la décision d'enquête européenne en matière pénale.

CONTENU : la présente directive concerne la mise en place d’une décision d'enquête européenne en matière pénale. Cette directive permet ainsi aux États membres d'exécuter des mesures d'enquête à la requête d'un autre État membre sur la base de la reconnaissance mutuelle.

Un instrument unique : la directive entend remplacer la mosaïque actuelle de dispositions juridiques applicables dans ce domaine par un nouvel instrument unique qui viserait à rendre la coopération juridique en matière d'enquêtes plus rapide et plus efficace.

Ce nouvel instrument instaure le principe d’une reconnaissance mutuelle automatique des décisions d'enquête et entend limiter les motifs de refus d'exécuter la décision d'un autre État membre de l'UE tout en offrant des voies de recours afin de protéger les droits de la défense des personnes concernées.

Principes: la décision d'enquête européenne est une décision judiciaire émise ou validée par une autorité judiciaire d'un État membre afin de faire exécuter une ou plusieurs mesures d'enquête spécifiques dans un autre État membre en vue d'obtenir des preuves conformément à la directive. Elle peut également être émise pour l'obtention de preuves qui sont déjà en possession des autorités compétentes de l'État d'exécution.

Dans le cadre des droits de la défense applicables conformément à la procédure pénale nationale, l'émission d'une décision d'enquête européenne pourrait être demandée par un suspect ou une personne poursuivie, ou par un avocat agissant en son nom.

Champ d'application: la décision d'enquête européenne pourrait être utilisée dans le cadre des procédures pénales, mais également dans des procédures engagées par des autorités administratives, en particulier si les faits ont une dimension pénale.

Les décisions d’enquêtes européennes auraient une portée horizontale et s'appliqueraient à toutes les mesures d'enquête visant à recueillir des preuves. Néanmoins, la création d’équipes communes d'enquête et l'obtention de preuves dans le cadre de telles équipes nécessitant des règles spécifiques, les instruments existant en la matière continueraient de s'appliquer (en particulier la décision-cadre 2002/465/JAI du Conseil).

Portée : les mesures d'enquête porteraient notamment sur:

  • les auditions de témoins,
  • l'obtention d'informations ou de preuves qui sont déjà en possession de l'autorité d'exécution,
  • moyennant certaines garanties supplémentaires, l'interception de télécommunications,
  • des informations relatives aux comptes bancaires et la surveillance de ceux-ci.

Une liste de domaines sur lesquels pourraient porter les enquêtes figure à l’annexe de la directive.

Conditions d'émission et de transmission d'une décision d'enquête européenne: l'autorité d'émission ne pourrait émettre une décision d'enquête européenne que si l'émission de la décision d'enquête européenne est nécessaire et proportionnée aux finalités des procédures (compte tenu des droits du suspect ou de la personne poursuivie) et si la ou les mesures d'enquête auraient pu être ordonnées dans les mêmes conditions dans le cadre d'une procédure nationale similaire.

Contenu et forme de la décision d'enquête européenne : la décision d'enquête européenne (telle que formalisée au formulaire figurant à l'annexe A de la directive) devrait être remplie, signée, et son contenu certifié exact et correct, par l'autorité d'émission. Á cet effet, un certain nombre de prescriptions seraient exigées, détaillées à la directive dont des dispositions linguistiques.

Exécution : les autorités de l'État d'émission présentes dans l'État d'exécution devraient être liées par le droit de l'État d'exécution pendant l'exécution de la décision d'enquête européenne. Elles ne devraient avoir aucun pouvoir répressif sur le territoire de l'État d'exécution, sauf si l'exercice de tels pouvoirs sur le territoire de l'État d'exécution est conforme au droit de l'État d'exécution et dans la mesure convenue entre l'autorité d'émission et l'autorité d'exécution.

Motifs de non-reconnaissance ou de non-exécution: plusieurs garanties sont prévues pour s'assurer qu'une décision d'enquête européenne ne soit pas exécutée si elle risque de nuire à des intérêts nationaux essentiels en matière de sécurité ou à une immunité au titre du droit de l'État d'exécution, par exemple des règles limitant la responsabilité pénale concernant la liberté de la presse.

D’autres cas de non-exécution sont prévus lorsque (entre autres):

  • l'exécution de la décision d'enquête européenne serait contraire au principe non bis in idem;
  • les faits pour lesquels la décision d'enquête européenne a été émise ne constituent pas une infraction au titre du droit de l'État d'exécution, à moins qu'ils ne concernent une infraction figurant dans les catégories d'infractions figurant à l'annexe D de la directive (actes de terrorisme, trafic d’êtres humains,…), si ces faits sont passibles dans l'État d'émission d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative de liberté d'un maximum d'au moins 3 ans.

En outre, lorsque la décision d'enquête européenne concerne une infraction en matière de taxes ou d'impôts, de douane et de change, l'autorité d'exécution ne pourrait refuser la reconnaissance ou l'exécution au motif que le droit de l'État d'exécution n'impose pas le même type de taxe ou de droits ou ne contient pas le même type de réglementation en matière de taxes, d'impôts, de douane ou de change, que l'État d'émission.

Autre type de mesure d’enquête possible: l'autorité d'exécution pourrait recourir à une mesure d'enquête autre que celle indiquée dans la décision d'enquête européenne si la mesure d'enquête choisie par l'autorité d'exécution permet d'obtenir le même résultat par des moyens moins intrusifs.

Recours: les États membres devraient veiller à ce que les parties intéressées disposent de voies de recours équivalentes à celles qui leur seraient ouvertes dans le cadre d'une procédure nationale similaire et à ce qu'elles en soient dûment informées. Un recours pourrait ainsi être formé tant dans l'État d'émission que dans l'État d'exécution.

Un recours ne pourrait toutefois pas suspendre l'exécution de la mesure d'enquête, à moins que cela ne soit prévu dans le cadre de procédures nationales similaires.

Délais d'exécution: les États membres devraient accuser réception d'une décision d'enquête européenne dans un délai de 30 jours et l’exécuter dans un délai de 90 jours.

La décision d’enquête devrait en tout état de cause être prise avec la même célérité et priorité que dans le cadre d'une procédure nationale similaire.

Dépenses inhérentes à la tenue d’une enquête européenne : sauf circonstances exceptionnelles, l'État d'exécution devrait supporter tous les coûts des mesures exécutées sur son territoire. Toutefois, l'exécution d'une décision d'enquête européenne pourrait entraîner des coûts exceptionnellement élevés pour l'État d'exécution (par exemple, en cas de vaste opération policière). Cette situation ne devrait pas faire obstacle à l'exécution de la décision d'enquête européenne et l'autorité d'émission ainsi que l'autorité d'exécution devraient chercher à établir quelles sont les dépenses qui devraient être considérées comme étant exceptionnellement élevées. La question des coûts pourrait faire l'objet de consultations entre les États membres. En dernier ressort, ces frais pourraient être supportés par l'État d'émission, sans que cette pratique ne soit utilisée de manière abusive.

Dispositions particulières relatives à certaines mesures d'enquête : une série de dispositions sont prévues pour:

  • le transfèrement temporaire d'une personne détenue dans l'État d'exécution aux fins de l'exécution d'une mesure d'enquête en vue de l'obtention de preuves requérant la présence de cette personne sur le territoire de l'État d'émission ou vice et versa (N.B. : une autorité d'émission pourrait également émettre une décision d'enquête européenne aux fins d'entendre un suspect ou une personne poursuivie par vidéoconférence ou par un autre moyen de transmission audiovisuelle);
  • la mise en place d’enquête européenne portant sur des preuves financières ou bancaires par exemple en vue d'obtenir des preuves concernant les comptes, de quelque nature qu'ils soient, détenus dans une banque ou un établissement financier non bancaire par la personne qui fait l'objet d'une procédure pénale. Des dispositions sont prévues pour déterminer quel type de renseignement relatif à un compte bancaire pourrait être récupéré;
  • la mise en place d’enquêtes discrètes menées par des agents intervenant en secret ou sous une identité fictive ou d’enquêtes impliquant l’obtention de preuves en temps réel (suivi d’opérations bancaires ou livraisons dans l’État d’exécution).

Interceptions téléphoniques : une décision d'enquête européenne pourrait être émise en vue de l'interception de télécommunications dans l'État membre dont l'assistance technique est nécessaire. Les possibilités de coopérer en matière d'interception de télécommunications ne devraient pas être limitées au contenu des télécommunications, mais pourraient aussi concerner la collecte de données relatives au trafic et à la localisation liées à ces télécommunications, ce qui permettrait aux autorités compétentes d'émettre une décision d'enquête européenne aux fins d'obtenir des données moins intrusives sur les télécommunications.

Mesures provisoires : une décision d'enquête européenne pourrait être émise afin de prendre toute mesure visant à empêcher provisoirement toute opération de destruction, de transformation, de déplacement, de transfert ou d'aliénation d'éléments de preuve. Dans ce contexte, l'autorité d'exécution devrait se prononcer dans les meilleurs délais et, si possible, dans les 24 heures à compter de la réception de la décision d'enquête européenne.

Rapport : au plus tard 5 ans après le 21 mai 2014, la Commission devrait présenter un rapport sur l’application de la directive, sur la base d'informations tant qualitatives que quantitatives comprenant, en particulier, l'évaluation de son incidence sur la coopération en matière pénale et sur la protection des personnes physiques, ainsi que l'exécution des dispositions relatives à l'interception des télécommunications. Ce rapport devrait être accompagné, si nécessaire, de propositions visant à modifier la directive.

Annexes : les annexes de la directive précisent le contenu du formulaire de demande d’enquête et listent les infractions susceptibles d’être à la source d’une décision d’enquête.

Dispositions territoriales : le Royaume-Uni participera à la décision d'enquête européenne en faisant usage de la possibilité de choisir de participer qui lui est offerte par le protocole n° 21 au traité de Lisbonne. L'Irlande et le Danemark n’y participent pas.

ENTRÉE EN VIGUEUR : 21.05.2014.

TRANSPOSITION : 22.05.2017.