Protection des personnes qui signalent des violations du droit de l'Union
OBJECTIF: renforcer la protection des lanceurs d'alerte à travers l'Union européenne.
ACTE PROPOSÉ: Directive du Parlement européen et du Conseil.
RÔLE DU PARLEMENT EUROPÉEN: le Parlement européen décide conformément à la procédure législative ordinaire sur un pied dégalité avec le Conseil.
CONTEXTE: les lanceurs d'alerte peuvent jouer un rôle important dans la mise au jour d'activités illicites qui portent préjudice à l'intérêt général et au bien-être des citoyens et de la société.
La protection des lanceurs dalerte telle quelle se présente actuellement dans lUnion européenne est fragmentée entre les États membres et inégale dun secteur à lautre. Cette fragmentation se traduit, dans de nombreuses situations, par une protection inadéquate des lanceurs dalerte contre les représailles : 85 % des personnes interrogées lors de la consultation publique de 2017 menée par la Commission estiment que les travailleurs signalent très rarement ou rarement leurs inquiétudes concernant les menaces ou les préjudices à lintérêt public par crainte de conséquences juridiques et financières.
Labsence de protection efficace des lanceurs dalerte soulève des préoccupations quant à ses effets négatifs sur la liberté dexpression et la liberté des médias, consacrées par larticle 11 de la charte des droits fondamentaux de lUE. Elle peut également nuire à lapplication du droit de lUnion. Pour ces raisons, il est de plus en plus reconnu quil est important dassurer une protection efficace des lanceurs dalerte afin de protéger lintérêt public tant au niveau européen quinternational.
Dans sa résolution du 24 octobre 2017, le Parlement européen a invité la Commission à présenter une proposition législative horizontale visant à garantir un niveau élevé de protection des lanceurs dalerte dans lUnion à tous les niveaux des secteurs public et privé, ainsi que dans les institutions nationales et européennes.
La proposition sinspire de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de lhomme sur le droit à la liberté dexpression consacré par larticle 10 de la Convention européenne des droits de lhomme (CEDH) et les principes développés sur cette base par le Conseil de lEurope en 2014 dans sa recommandation sur la protection des lanceurs dalerte.
ANALYSE DIMPACT: loption retenue est celle i) dune directive instaurant la protection des lanceurs dalerte dans des domaines spécifiques (y compris les intérêts financiers de lUnion) lorsquil est nécessaire de traiter le sous-signalement des infractions afin de renforcer lapplication du droit de lUnion, car les infractions portent gravement atteinte à lintérêt public, ii) complétée par une communication établissant un cadre politique au niveau de lUE, y compris des mesures de soutien aux autorités nationales.
Dans le seul domaine des marchés publics, les bénéfices sont estimés entre 5,8 et 9,6 milliards dEUR par an pour lUE dans son ensemble.
CONTENU: la proposition établit un ensemble de normes minimales communes offrant une protection contre les représailles aux lanceurs dalerte qui signalent des infractions portant sur une violation de la législation de l'UE concernant i) les marchés publics, ii) les services financiers, iii)le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, iv) la sécurité des produits, v) la sécurité des transports, vi) la protection de l'environnement, vii) la sûreté nucléaire, viii) la sécurité des denrées alimentaires et aliments pour animaux, ix) la santé et le bien-être des animaux, x) la santé publique, xi) la protection des consommateurs, xii) le respect de la vie privée, la protection des données et la sécurité des réseaux et systèmes d'information.
Elle s'applique également aux atteintes aux règles de l'UE en matière de concurrence, aux violations et abus de la réglementation applicable à la fiscalité des entreprises et aux préjudices portés aux intérêts financiers de l'UE.
Signalements internes et externes: la proposition oblige les États membres à veiller à ce que les entités juridiques des secteurs privé et public mettent en place des canaux de signalement internes et des procédures adéquats pour la réception et le suivi des signalements. Seraient concernées les entreprises de plus de 50 salariés ou dont le chiffre d'affaires annuel est supérieur à 10 millions EUR ainsi que toutes les administrations nationales ou régionales et les municipalités de villes de plus de 10.000 habitants.
La proposition exige que les canaux de signalement garantissent la confidentialité de lidentité de linformateur et que le service compétent pour recevoir le signalement apporte un suivi diligent et informe linformateur dans un délai raisonnable nexcédant pas trois mois après le signalement.
Les États membres seraient également tenus veiller à ce que les autorités compétentes soient dotées de canaux de signalement externes, de procédures pour la réception et le suivi des signalements et à ce quelles définissent des normes minimales applicables à ces canaux et procédures.
Protection des informateurs: en vue de décourager les signalements malveillants ou abusifs, la proposition exige que les informateurs aient des motifs raisonnables de croire que linformation signalée était vraie au moment du signalement.
Les informateurs seraient généralement tenus dutiliser dabord les canaux internes. Si ceux-ci ne fonctionnent pas, ils pourraient sadresser aux autorités compétentes et, en dernier ressort, au public et aux médias.
La proposition interdit les représailles, sous quelque forme que ce soit, et énonce dautres mesures que les États membres devraient prendre pour assurer la protection des informateurs, notamment:
- rendre facilement et gratuitement accessibles au public des informations indépendantes et des conseils sur les procédures et les recours disponibles en matière de protection contre les représailles;
- exonérer les informateurs de toute responsabilité en cas de non-respect des restrictions sur la révélation dinformations imposées par contrat ou par la loi;
- prévoir le renversement de la charge de la preuve dans les procédures judiciaires afin quen cas présumé de représailles, il appartienne à la personne qui prend des mesures contre un lanceur dalerte de prouver quil ne riposte pas à lacte de signalement;
- mettre à la disposition des informateurs des mesures correctives contre les représailles.
Les personnes impliquées dans les faits signalés par un lanceur d'alerte devraient bénéficier de la présomption d'innocence, du droit à un recours effectif et à un procès équitable et du droit de la défense.
La proposition prévoit enfin des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives qui sont nécessaires pour i) punir et décourager les actions visant à entraver les signalements, les mesures de représailles, les procédures vexatoires contre les informateurs et les violations du devoir de respecter la confidentialité de leur identité; et ii) pour décourager les dénonciations malveillantes et abusives.