Protection des personnes qui signalent des violations du droit de l'Union

2018/0106(COD)

OBJECTIF: renforcer la protection des lanceurs d'alerte à travers l'Union européenne.

ACTE PROPOSÉ: Directive du Parlement européen et du Conseil.

RÔLE DU PARLEMENT EUROPÉEN: le Parlement européen décide conformément à la procédure législative ordinaire sur un pied d’égalité avec le Conseil.

CONTEXTE: les lanceurs d'alerte peuvent jouer un rôle important dans la mise au jour d'activités illicites qui portent préjudice à l'intérêt général et au bien-être des citoyens et de la société.

La protection des lanceurs d’alerte telle qu’elle se présente actuellement dans l’Union européenne est fragmentée entre les États membres et inégale d’un secteur à l’autre. Cette fragmentation se traduit, dans de nombreuses situations, par une protection inadéquate des lanceurs d’alerte contre les représailles : 85 % des personnes interrogées lors de la consultation publique de 2017 menée par la Commission estiment que les travailleurs signalent très rarement ou rarement leurs inquiétudes concernant les menaces ou les préjudices à l’intérêt public par crainte de conséquences juridiques et financières.

L’absence de protection efficace des lanceurs d’alerte soulève des préoccupations quant à ses effets négatifs sur la liberté d’expression et la liberté des médias, consacrées par l’article 11 de la charte des droits fondamentaux de l’UE. Elle peut également nuire à l’application du droit de l’Union. Pour ces raisons, il est de plus en plus reconnu qu’il est important d’assurer une protection efficace des lanceurs d’alerte afin de protéger l’intérêt public tant au niveau européen  qu’international.

Dans sa résolution du 24 octobre 2017, le Parlement européen a invité la Commission à présenter une proposition législative horizontale visant à garantir un niveau élevé de protection des lanceurs d’alerte dans l’Union à tous les niveaux des secteurs public et privé, ainsi que dans les institutions nationales et européennes.

La proposition s’inspire de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur le droit à la liberté d’expression consacré par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et les principes développés sur cette base par le Conseil de l’Europe en 2014 dans sa recommandation sur la protection des lanceurs d’alerte.

ANALYSE D’IMPACT: l’option retenue est celle i) d’une directive instaurant la protection des lanceurs d’alerte dans des domaines spécifiques (y compris les intérêts financiers de l’Union) lorsqu’il est nécessaire de traiter le sous-signalement des infractions afin de renforcer l’application du droit de l’Union, car les infractions portent gravement atteinte à l’intérêt public, ii) complétée par une communication établissant un cadre politique au niveau de l’UE, y compris des mesures de soutien aux autorités nationales.

Dans le seul domaine des marchés publics, les bénéfices sont estimés entre 5,8 et 9,6 milliards d’EUR par an pour l’UE dans son ensemble.

CONTENU: la proposition établit un ensemble de normes minimales communes offrant une protection contre les représailles aux lanceurs d’alerte qui signalent des infractions portant sur une violation de la législation de l'UE concernant i) les marchés publics, ii) les services financiers, iii)le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, iv) la sécurité des produits, v) la sécurité des transports, vi) la protection de l'environnement, vii) la sûreté nucléaire, viii) la sécurité des denrées alimentaires et aliments pour animaux, ix) la santé et le bien-être des animaux, x) la santé publique, xi) la protection des consommateurs, xii) le respect de la vie privée, la protection des données et la sécurité des réseaux et systèmes d'information.

Elle s'applique également aux atteintes aux règles de l'UE en matière de concurrence, aux violations et abus de la réglementation applicable à la fiscalité des entreprises et aux préjudices portés aux intérêts financiers de l'UE.

Signalements internes et externes: la proposition oblige les États membres à veiller à ce que les entités juridiques des secteurs privé et public mettent en place des canaux de signalement internes et des procédures adéquats pour la réception et le suivi des signalements. Seraient concernées les entreprises de plus de 50 salariés ou dont le chiffre d'affaires annuel est supérieur à 10 millions EUR ainsi que toutes les administrations nationales ou régionales et les municipalités de villes de plus de 10.000 habitants.

La proposition exige que les canaux de signalement garantissent la confidentialité de l’identité de l’informateur et que le service compétent pour recevoir le signalement apporte un suivi diligent et informe l’informateur dans un délai raisonnable n’excédant pas trois mois après le signalement.

Les États membres seraient également tenus veiller à ce que les autorités compétentes soient dotées de canaux de signalement externes, de procédures pour la réception et le suivi des signalements et à ce qu’elles définissent des normes minimales applicables à ces canaux et procédures.

Protection des informateurs: en vue de décourager les signalements malveillants ou abusifs, la proposition exige que les informateurs aient des motifs raisonnables de croire que l’information signalée était vraie au moment du signalement.

Les informateurs seraient généralement tenus d’utiliser d’abord les canaux internes. Si ceux-ci ne fonctionnent pas, ils pourraient s’adresser aux autorités compétentes et, en dernier ressort, au public et aux médias.

La proposition interdit les représailles, sous quelque forme que ce soit, et énonce d’autres mesures que les États membres devraient prendre pour assurer la protection des informateurs, notamment:

  • rendre facilement et gratuitement accessibles au public des informations indépendantes et des conseils sur les procédures et les recours disponibles en matière de protection contre les représailles;
  • exonérer les informateurs de toute responsabilité en cas de non-respect des restrictions sur la révélation d’informations imposées par contrat ou par la loi;
  • prévoir le renversement de la charge de la preuve dans les procédures judiciaires afin qu’en cas présumé de représailles, il appartienne à la personne qui prend des mesures contre un lanceur d’alerte de prouver qu’il ne riposte pas à l’acte de signalement;
  • mettre à la disposition des informateurs des mesures correctives contre les représailles.

Les personnes impliquées dans les faits signalés par un lanceur d'alerte devraient bénéficier de la présomption d'innocence, du droit à un recours effectif et à un procès équitable et du droit de la défense.

La proposition prévoit enfin des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives qui sont nécessaires pour i) punir et décourager les actions visant à entraver les signalements, les mesures de représailles, les procédures vexatoires contre les informateurs et les violations du devoir de respecter la confidentialité de leur identité; et ii) pour décourager les dénonciations malveillantes et abusives.