Un cadre juridique de l’Union pour enrayer et renverser la déforestation dont l’Union est responsable à l’échelle mondiale

2020/2006(INL)

Le Parlement européen a adopté par 377 voix pour, 75 contre et 243 abstentions, une résolution contenant des recommandations à la Commission sur un cadre juridique de l’Union pour enrayer et inverser la déforestation dont l’Union est responsable à l’échelle mondiale.

Nécessité de mesures obligatoires pour mettre fin à la déforestation

Rappelant que les forêts biologiquement diversifiées sont indispensables à la lutte contre le changement climatique, les députés ont souligné que la consommation de l'UE représentait environ 10% de la déforestation mondiale, l'huile de palme, la viande, le soja, le cacao, l'eucalyptus, le maïs, le bois, le cuir et le caoutchouc étant les principaux facteurs de déforestation et des violations des droits de l’homme qui en découlent.

Entre 2014 et 2018, le taux de perte du couvert boisé a augmenté de 43 %, soit une perte moyenne de 26,1 millions d’hectares par an, contre 18,3 millions d’hectares par an entre 2002 et 2013. Or, la préservation des forêts au niveau mondial et la prévention de leur dégradation sont des enjeux majeurs en termes de développement durable conditionnant la réalisation des objectifs du programme de développement durable à l’horizon 2030, de l’accord de Paris et du pacte vert.

Si les systèmes de certification et les labels par des tiers ont joué un rôle important en associant les entreprises et la société civile à une meilleure compréhension commune du problème de la déforestation, les députés ont toutefois observé qu’ils n’étaient pas efficaces pour empêcher les produits de base et autres produits présentant un risque pour les forêts et les écosystèmes de pénétrer le marché intérieur de l’Union.

Dans ce contexte, le Parlement a demandé à la Commission de présenter un cadre juridique européen pour mettre fin à la déforestation mondiale provoquée par l'UE et inverser la tendance.

Recommandations concernant le contenu de la proposition demandée

Les députés ont appelé à un nouveau cadre juridique de l'UE basé sur des exigences obligatoires de diligence et sur des exigences en matière d’établissement de rapports, de divulgation et de participation des tiers, ainsi que sur la responsabilité et les sanctions en cas de non-respect des obligations par toutes les entreprises qui mettent pour la première fois sur le marché de l’Union des produits de base ou des produits dérivés entraînant des risques pour les forêts et les écosystèmes.

Règles obligatoires fondées sur la diligence raisonnable

Le règlement proposé devrait imposer des obligations en matière de traçabilité aux négociants qui opèrent sur le marché de l’Union, notamment en ce qui concerne l’identification de l’origine des produits de base et des produits qui en sont issus lors de leur mise sur le marché intérieur de l’Union, afin de garantir des chaînes de valeur durables et sans déforestation.

Ces obligations devraient s’appliquer à tous les opérateurs, indépendamment de leur taille ou de leur lieu d’enregistrement, qui mettent sur le marché de l’Union des produits de base présentant un risque pour les forêts et les écosystèmes, sans donner lieu à des contraintes excessives pour les petits et moyens producteurs ni les empêcher d’accéder aux marchés et au commerce international par manque de capacité.

Le cadre juridique devrait :

- garantir la transparence et certitude en ce qui concerne: a) les produits de base visés par la proposition et leurs produits dérivés commercialisés sur le marché intérieur de l’Union, b) les pratiques d’approvisionnement et le financement de tous les opérateurs actifs sur le marché intérieur de l’Union, et c)  les pratiques de production;

- fournir des définitions de ce qui constitue la déforestation et la dégradation des forêts;

- prévoir un mécanisme d’alerte précoce à destination des entreprises afin de les alerter lorsqu’elles importent des produits depuis des zones présentant un risque de déforestation;

- être étendu aux écosystèmes riches en biodiversité et présentant un important stock de carbone, autres que les forêts, tels que les écosystèmes marins et côtiers, les zones humides, les tourbières ou les savanes, afin d’éviter que la pression ne soit déplacée vers ces paysages.

Déforestation et droits de l’homme

Le cadre juridique devrait couvrir la protection des droits de l’homme ainsi que des droits formels et coutumiers des peuples autochtones et des communautés locales à l’égard des terres et des ressources concernés par la récolte, l’extraction et la production de produits. Il devrait également instaurer des critères de durabilité juridiquement contraignants en ce qui concerne les droits de l’homme et la protection des forêts naturelles et des écosystèmes naturels contre la conversion et leur dégradation.

Les opérateurs devraient être conjointement et solidairement responsables de tout préjudice résultant de violations des droits de l’homme ou de dégradation des forêts naturelles ou des écosystèmes naturels, tel que visé par la proposition.

Échanges commerciaux et coopération internationale

Les députés ont souligné que la politique de l'UE en matière de commerce et d'investissement devrait comporter des chapitres sur le développement durable qui soient contraignants et applicables et qui respectent pleinement les engagements internationaux. Ils ont recommandé à la Commission, dans le contexte du principe «ne pas nuire» de mieux évaluer, et ce de manière régulière, l’impact des accords commerciaux et des accords d’investissement existants sur la déforestation.

Consultation et transparence

La nouvelles règles obligeraient les opérateurs : i) à consulter les parties prenantes dans la définition et dans la mise en œuvre des mesures de diligence raisonnable; ii) à établir chaque année des rapports publics à l’attention de l’autorité compétente sur leurs processus de diligence raisonnable, sur les risques recensés, ainsi que sur leur mise en œuvre et leurs résultats.

Enfin, le Parlement a estimé que les forêts anciennes et primaires devraient être considérées comme des biens communs mondiaux et être protégées à ce titre, et que leurs écosystèmes devraient se voir accorder un statut juridique.