Recommandations pour la réforme des règles du Parlement européen en matière de transparence, d’intégrité, de responsabilité et de lutte contre la corruption

2023/2034(INI)

La commission spéciale sur l'ingérence étrangère dans les processus démocratiques de l'Union européenne, y compris la désinformation, et le renforcement de l'intégrité, de la transparence et de la responsabilité du Parlement européen a adopté le rapport conjoint de Vladimír BILČÍK (PPE, SK) et Nathalie LOISEAU (Renew Europe, FR) sur les recommandations pour la réforme des règles du Parlement européen en matière de transparence, d'intégrité, de responsabilité et de lutte contre la corruption.

Contexte

Les enquêtes en cours menées par les autorités belges ont mis à jour des soupçons d'un système extrêmement préoccupant de corruption, de blanchiment d'argent et de participation à une organisation criminelle impliquant, à ce jour, trois députés européens en exercice et un ancien député, ainsi qu'un assistant parlementaire accrédité. Ces soupçons portent sur l'influence du Qatar et du Maroc. En outre, il existe des allégations selon lesquelles d'autres États, tels que la Mauritanie, pourraient également être impliqués.

La confiance des citoyens dans l'intégrité et l'indépendance des institutions européennes est le fondement du système politique européen, qui est particulièrement vulnérable à l'approche des élections. Si des acteurs étrangers sapent la confiance des citoyens dans les institutions européennes, cela peut affecter le fonctionnement démocratique de l'UE. La corruption a des conséquences financières considérables et constitue une menace sérieuse pour la démocratie, l'État de droit et l'investissement public.

Observations générales

Les députés ont dénoncé les tentatives présumées du Qatar et du Maroc d'influencer les députés, les anciens députés et le personnel du Parlement par des actes de corruption, ce qui constitue une ingérence étrangère grave dans les processus démocratiques de l'UE. Ils se sont engagés à travailler à tous les niveaux pour renforcer les règles et la culture de l'intégrité, de la transparence et de la responsabilité au sein du Parlement et ont appelé à des mesures plus strictes pour traiter tous les conflits d'intérêts potentiels. La solidarité entre les États membres et les institutions de l'UE est nécessaire pour lutter efficacement contre ce type d'agissements.

Le rapport a insisté sur le fait que les failles potentielles dans les règles et procédures des institutions qui permettent des comportements illégaux doivent être systématiquement identifiées et comblées par des réformes et des capacités de contrôle efficaces; il  a souligné que certains mécanismes actuels doivent être revus dans le but de prévenir les conflits d'intérêts, d'améliorer la transparence et de prévenir, dissuader et détecter l'ingérence étrangère et la corruption.

Code de conduite

Le rapport demande une conclusion rapide de la révision du code de conduite des députés en vue d'introduire des règles sur les lanceurs d’alerte qui soient en phase avec les normes européennes établies dans la directive sur les lanceurs d’alerte. Les députés ont réitéré leur opinion selon laquelle une déclaration de patrimoine par les députés avant et après leur mandat fournirait des garanties supplémentaires dans la lutte contre la corruption.

Renforcer la culture de la sécurité au sein du Parlement

Les députés ont demandé une formation obligatoire, adéquate et régulière sur la sécurité, l'ingérence, les normes éthiques, la conformité et l'intégrité pour tous les députés et leurs cabinets ainsi que pour tout le personnel du Parlement, en vue de les sensibiliser au fait qu'ils sont des cibles potentielles d'acteurs étrangers étatiques et non étatiques.

En ce qui concerne les contractants privés, il convient d'accorder une attention particulière aux sociétés appartenant à des entreprises ou à des États non membres de l'UE, tels que la Russie et la Chine.

L'accès aux bâtiments du Parlement par les visiteurs, y compris les représentants de pays non membres de l'UE, les lobbyistes et les ONG, devrait être contrôlé de manière plus stricte.

Relations avec les pays et entités non membres de l'UE : missions officielles, voyages et groupes d'amitié

Les missions dans des pays non membres de l'UE peuvent être l'occasion d'exercer une influence indue sur les députés. Par conséquent, les députés ont rappelé que des séances d'information obligatoires et spécifiques sur la sécurité, axées sur les risques d'ingérence étrangère et adaptées au pays de destination, devraient être organisées à l'intention des députés avant toute mission.

Tout en rappelant l'importance des missions d'observation électorale pour fournir des informations pertinentes et émettre des recommandations spécifiques pour rendre le système électoral plus résistant et aider à contrer l'ingérence étrangère dans les processus électoraux, les députés considèrent que le Parlement devrait interdire l'observation non autorisée et non officielle d'élections par des députés individuels.

Des règles plus strictes devraient être mises en place pour les voyages de fonctionnaires payés par des pays et des entités étrangers. Les députés ont suggéré de limiter le seuil des cadeaux aux députés à 100 euros.

Intégrité du travail parlementaire

Tout en rappelant l'importance des résolutions d'urgence dans le cadre de l'action du Parlement pour la protection des droits de l'homme dans le monde, les députés ont dénoncé toute tentative d'ingérence dans ces résolutions. Il convient de prévoir un délai approprié pour leur élaboration afin d'assurer une protection adéquate contre les influences extérieures. Il est recommandé que les résolutions votées par le Parlement soient accompagnées d'une annexe contenant une liste de personnes ou d'institutions rencontrées par les rapporteurs et les rapporteurs fictifs.

Les députés estiment qu'il devrait être obligatoire pour tous les députés de publier toutes les réunions prévues avec des tiers (représentants d'intérêts). Les députés et leurs bureaux devraient être tenus de déclarer les réunions avec les représentants diplomatiques des pays tiers ainsi qu'avec les représentants d'intérêts couverts par le registre de transparence de l'UE, des exceptions étant autorisées dans les cas où le fait de nommer des personnes ou des organisations mettrait en danger la vie ou la sécurité des individus.

La commission spéciale a insisté sur la nécessité de transparence, par le biais d'un enregistrement dans le registre de transparence de l'UE, concernant le financement reçu par les représentants d'intérêts, tels que les ONG, les groupes de réflexion et les services de conseil, qui souhaitent être associés au Parlement, en particulier lorsqu'ils demandent le soutien ou le parrainage des députés pour organiser des réunions dans les locaux du Parlement, lorsqu'ils sont invités à des auditions, à des échanges de vues ou à toute autre apparition prévue, ou lorsqu'ils participent à une étude ou à une recherche au nom du Parlement.

Les députés sont d'avis que les documents qui doivent être directement accessibles via le registre public du Parlement devraient inclure les documents législatifs préparatoires, tels que les documents du trilogue politique et technique, y compris toutes les versions du document commun à plusieurs colonnes mentionné dans le code de conduite pour les négociations dans le cadre de la procédure législative ordinaire.

Des mesures plus énergiques devraient être prises pour renforcer la protection des lanceurs d’alerte parmi les membres du personnel et les assistants parlementaires accrédités.

Coopération avec d'autres institutions européennes et nationales

Les députés ont réitéré l'appel à la mise en place rapide d'un organe d'éthique de l'UE indépendant et se sont engagés à conclure les négociations interinstitutionnelles d'ici la fin de l'année 2023. Le mandat de l'organe devrait inclure l'examen, au cas par cas, des intentions des députés et des anciens députés de travailler pour tout gouvernement non membre de l'UE ou toute entité contrôlée par un gouvernement non membre de l'UE pendant leur mandat ou après la fin de leur mandat. Les députés sont invités à respecter les valeurs et les normes du Parlement et à ne pas accepter d'emploi par des gouvernements autoritaires et non démocratiques ou des entités publiques apparentées après la fin de leur mandat.

Les règles applicables aux anciens députés exerçant des activités de lobbying relevant du registre de transparence devraient être clarifiées. Il est recommandé que l'organe d'éthique soit doté de pouvoirs d'investigation appropriés, y compris la capacité d'agir de sa propre initiative et le pouvoir de demander des documents administratifs, tout en respectant l'immunité des députés.

La commission spéciale a invité les États membres et toutes les institutions de l'UE à renforcer la coopération avec l'Office européen de lutte antifraude (OLAF), l'Agence de l'Union européenne pour la coopération en matière de justice pénale (Eurojust) et le Parquet européen, et a souligné la nécessité particulière d'accroître sa propre coopération avec ces organes. Le champ d'action du Parquet européen devrait être étendu à l'ensemble de l'Union, ce qui faciliterait sa coopération avec d'autres institutions et assurerait une meilleure poursuite des affaires dans les pays qui ne participent pas actuellement au Parquet européen.

Les institutions de l'UE sont invitées à travailler au renforcement des réglementations internes des États membres concernant l'utilisation, l'entretien et l'acquisition de logiciels espions et d'outils de surveillance, et à évaluer les logiciels espions et les outils de surveillance actuellement utilisés.

Enfin, les députés ont insisté pour que la liste des activités passibles de sanctions applicables aux députés soit révisée sur la base de ce rapport.