Lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique

2022/0066(COD)

La commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures et la commission des droits des femmes et de l’égalité des genres ont adopté le rapport présenté par Frances FITZGERALD (PPE, IE) et Evin INCIR (S&D, SE) sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.

Les commissions compétentes ont recommandé que la position du Parlement européen adoptée en première lecture dans le cadre de la procédure législative ordinaire modifie la proposition comme suit:

Objectifs

La directive proposée définit des règles visant à prévenir la violence à l’égard des femmes et la violence domestique et à lutter contre ces phénomènes. Elle devrait établir des règles minimales concernant les droits des victimes à la protection et au soutien ainsi que la prévention et l’intervention précoce.

La directive devrait prendre en considération le risque accru de violence auquel sont exposées les victimes qui font l’objet d’une discrimination intersectionnelle fondée à la fois sur le sexe ou le genre. Une attention particulière doit être accordée au risque d’intimidations, de représailles et de victimisation secondaire et répétée ainsi qu’à la nécessité de protéger la dignité et les droits des victimes, notamment leur intégrité physique et psychologique, leur vie privée et leur sécurité.

Comportements délictueux érigés en infractions pénales

Selon les députés, la directive devrait couvrir les infractions pénales telles que le viol, l’agression sexuelle, les mutilations génitales féminines, les mutilations génitales intersexuées, la stérilisation forcée, le mariage forcé, le harcèlement sexuel dans le monde du travail, le partage non consenti de matériels intimes ou manipulés, la traque furtive en ligne, le cyberharcèlement, la réception non sollicitée de contenu sexuellement explicite, l’incitation à la violence ou à la haine en ligne et les actes délictueux couverts par d’autres instruments de l’Union.

Le rapport a proposé d’élargir la liste des cybercrimes et cyberinfractions relevant du champ d’application de la proposition, afin de couvrir davantage de situations.

Notion de consentement

Les députés ont proposé d’élargir la définition du viol afin d’y inclure tout autre acte non consenti de nature sexuelle. Par «acte non consenti», il faut entendre un acte accompli sans que la femme ait donné son consentement volontairement ou dans une situation où la femme n’est pas en mesure de se forger une volonté libre en raison de son état physique ou mental, par exemple parce qu’elle est effrayée, intimidée, inconsciente, ivre, endormie, malade, blessée physiquement ou handicapée ou dans une autre situation de vulnérabilité particulière.

Il est souligné que le consentement doit pouvoir être retiré à tout moment au cours de l’acte. L’absence de consentement ne peut être réfutée par le silence de la femme, son absence de résistance verbale ou physique, son comportement sexuel passé ou sa relation actuelle ou passée avec l’auteur de l’infraction, y compris son statut marital ou tout autre statut de partenariat civil.

Sanctions

Les députés estiment que le comportent d’agression sexuelle devrait être passible d’une peine maximale d’au moins trois ans d’emprisonnement, et d’au moins cinq ans d’emprisonnement si l’infraction a été commise dans des circonstances aggravantes. Quant aux infractions de harcèlement sexuel dans le monde du travail, elles devraient être passibles d’une peine maximale d’au moins un an d’emprisonnement.

Circonstances aggravantes

Les députés ont élargi la liste des circonstances aggravantes. Celle-ci devrait notamment couvrir les situations dans lesquelles :

- l’infraction a été commise à l’encontre d’une personne rendue vulnérable du fait de circonstances particulières, telles qu’un statut de résident, une grossesse, une situation de dépendance, un état de détresse ou de handicap physique, mental, intellectuel ou sensoriel, d’une personne victime de la traite ou vivant en institution y compris dans les maisons de retraite, les foyers pour enfants, les centres d’accueil, les centres de rétention ou d’hébergement pour les demandeurs d’asile;

- l’infraction a été commise contre un représentant public, un journaliste ou un défenseur des droits de l’homme;

- l’intention du crime était de préserver ou de rétablir l’«honneur» d’une personne, d’une famille, d’une communauté;

- l’infraction visait à infliger aux victimes une punition du fait de leur orientation sexuelle, expression ou identité de genre, caractéristiques sexuelles, couleur de peau, religion, origine sociale ou convictions politiques.

Protection des victimes

Les victimes devraient avoir accès, lorsqu’elles signalent des infractions pénales et au cours des procédures judiciaires, à une assistance juridique gratuite et dispensée dans une langue qu’elles comprennent. Les autorités compétentes devraient prendre toutes les mesures nécessaires pour que tous les éléments de preuve soient obtenus dès que possible. La victime devrait être renvoyée vers une personne de contact spécialisée au sein de l’autorité compétente, qu’une plainte pénale soit déposée ou non.

Les députés souhaitent souligner l’importance de toujours reconnaître comme victimes les enfants qui ont été témoins de violences à l’égard des femmes et de violences domestiques et suggérer des améliorations spécifiques afin de veiller à ce que l’intérêt supérieur de l’enfant soit dûment pris en compte. À cette fin, les États membres devraient veiller à ce que les professionnels spécialisés dans la prise en charge et l’accompagnement des enfants soient présents afin de pouvoir les assister lors des procédures de signalement.

Enquêtes et poursuites

Les autorités compétentes devraient procéder rapidement et efficacement à l’enregistrement des allégations de violence à l’égard des femmes et veiller à ce qu’un registre administratif soit tenu dans tous les cas et à ce que les éléments de preuve soient conservés, indépendamment de la poursuite ou non de l’enquête. Les victimes doivent être informées de l’importance de recueillir des preuves le plus tôt possible.

Évaluation personnalisée destinée à identifier les besoins des victimes

L’évaluation personnalisée spécialisée devrait être entamée sans attendre dès le premier contact de la victime avec les autorités compétentes et être effectuée par des spécialistes en la matière. Parmi les circonstances nécessitant une attention particulière figurent le fait que la victime est enceinte, la dépendance de la victime à l’égard de l’auteur de l’infraction, le risque que la victime retourne chez l’auteur de l’infraction, sa récente séparation d’avec un suspect, le risque éventuel que des enfants soient utilisés pour exercer un contrôle sur la victime et les risques pour les victimes handicapées.

Ordonnances d’urgence d’interdiction, d’injonction et de protection, arrestation et détention

Les députés ont proposé des mesures renforcées pour garantir la sécurité des victimes au cours du processus, en insistant sur la nécessité de recourir à des ordonnances d’interdiction, d’injonction et de protection ainsi qu’à l’arrestation et à la détention comme moyen de préserver la sécurité des femmes et d’obtenir les preuves. Les autorités des États membres doivent également déployer davantage d’efforts pour sécuriser les preuves, tant en ligne que hors ligne, le plus tôt possible, et un suivi électronique, tel que des bracelets de cheville, devrait être utilisé pour s’assurer que les ordonnances d’interdiction, d’injonction et de protection sont respectées et peuvent faire l’objet d’un suivi.

Enfin, les États membres devraient faciliter les activités d’un coordinateur de l’Union pour la lutte contre la violence fondée sur le genre, chargé d’améliorer la coordination entre les institutions, organes et organismes de l’Union, les États membres et les acteurs internationaux, ainsi que la cohérence des mesures qu’ils prennent, dans le domaine de la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.