Conséquences institutionnelles des négociations d’élargissement de l’Union

2025/2041(INI)

Le Parlement a adopté par 310 voix pour, 277 contre et 53 abstentions, une résolution sur les conséquences institutionnelles des négociations d’élargissement de l’Union.

Neuf des dix pays qui aspirent actuellement à adhérer à l’Union européenne sont officiellement candidats, et le sont pour certains d’entre eux depuis de nombreuses années. Les pays candidats se trouvent à différents stades du processus et des négociations d’adhésion. La Géorgie a unilatéralement suspendu les négociations d’adhésion à l’Union européenne le 28 novembre 2024.

Le coût d’une Union élargie non réformée

Le Parlement est d’avis que l’élargissement de l’Union représente un investissement géostratégique à long terme et souligne que la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine ainsi que d’autres défis géopolitiques accentuent l’urgence de poursuivre le processus d’élargissement.

Les députés constatent que l’expérience acquise montre que chaque nouvelle vague d’élargissement entraîne de nouveaux défis et rappellent que chaque élargissement de l’histoire du projet européen a été précédé ou accompagné par les réformes institutionnelles internes nécessaires.

La résolution souligne que si le recours à l’unanimité au sein du Conseil, y compris pour les étapes intermédiaires du processus d’élargissement, garantit la prise en compte des préoccupations de tous les États membres, elle peut ralentir le processus d’élargissement. Elle rappelle que le traité permet déjà d’utiliser la majorité qualifiée sans modifier les traités. Face à la structure et à la gouvernance dépassées du budget de l’Union, ainsi que la possible redistribution lors de l’allocation des fonds agricoles et de cohésion, l’élargissement de l’Union donne l’occasion de recalibrer les principales politiques de l’Union en la matière.

Le Parlement affirme que l’approfondissement, l’élargissement et l’unification de l’Union doivent aller de pair et que des réformes institutionnelles et financières sont nécessaires pour intégrer de nouveaux membres sans déstabiliser les économies des autres États membres. Il reconnaît que les solutions ad hoc peuvent aider, mais qu’elles ne remplacent pas des réformes structurelles durables et démocratiques.

La résolution souligne que les réformes du cadre institutionnel de l’Union avant l’élargissement devraient répondre aux objectifs visant à améliorer l’efficacité de l’Union, et à la rendre plus puissante sur la scène mondiale, plus démocratique, légitime et responsable.

Défi de l’efficacité

Le Parlement souligne que, afin d’améliorer l’efficacité de l’Union élargie, il conviendrait d’adapter la composition des institutions de l’Union et d’améliorer leur fonctionnement ainsi que leur efficacité. Il suggère que le processus d’élargissement soit soutenu par une participation précoce et étroite des pays candidats au fonctionnement des institutions de l’Union, par exemple grâce au statut d’observateur.

Les députés notent que les réformes institutionnelles préalables à l’élargissement doivent tenir compte des conséquences de l’élargissement sur la composition du Parlement, laquelle devrait être examinée en même temps que le système de vote au Conseil. La composition actuelle de la Commission doit également tenir compte de l’élargissement et présenter un équilibre sur les plans géographique et démographique ainsi qu’entre les femmes et les hommes.

Le Parlement reconnaît la nécessité d’envisager la révision du fonctionnement et du processus décisionnel du Conseil et insiste sur le fait que la majorité qualifiée doit être redéfinie afin d’améliorer l’équilibre entre les grands et les petits États et de maintenir des seuils plus élevés pour les décisions les plus importantes et les plus délicates sur le plan politique. Il est proposé de renforcer et de réformer la procédure prévue à l’article 7 du traité UE en mettant fin à la règle de l’unanimité pour les décisions du Conseil européen.

Le défi des pouvoirs et des ressources

Le Parlement demande une nouvelle fois la révision de la gouvernance du cadre financier pluriannuel (CFP), notamment en attribuant des pouvoirs colégislatifs à part entière sur le volet des dépenses du budget de l’Union, y compris l’adoption du CFP. Il se dit convaincu que la clause actuelle de révision obligatoire en cas d’élargissement doit être maintenue dans le prochain CFP et souligne que le prochain CFP devra également mettre en place des mesures de transition et d’introduction progressive appropriées pour les grands domaines de dépenses, tels que la cohésion et l’agriculture. Les députés plaident pour un budget à long terme rénové qui doit s’éloigner de la limite historique restrictive de 1% du revenu national brut agrégé que l’Union s’est imposée à elle-même.

Le défi de la démocratie

Les députés soulignent l’importance d’affermir la légitimité démocratique des politiques de l’Union en renforçant les droits en matière de prise de décision et de contrôle ainsi que la position du Parlement européen en le plaçant sur un pied d’égalité avec le Conseil, en lui accordant le droit d’initiative législative et en renforçant la dimension européenne des élections. Soulignant le rôle clé que jouent les parlements des pays candidats dans le processus d’adhésion à l’Union, la résolution met en avant l’importance d’une coopération parlementaire et d’une recherche de consensus en ce qui concerne les questions relatives à l’adhésion à l’Union.

Moyens de mise en œuvre des réformes institutionnelles préalables à l’élargissement

Les députés soulignent que les réformes institutionnelles préalables à l’élargissement peuvent être mises en œuvre via les flexibilités existantes des traités incluant les clauses «passerelles», la coopération renforcée, les abstentions constructives et la coopération structurée permanente (CSP).

Des solutions d’intégration progressive, des dérogations temporaires et des périodes de transition peuvent être négociées pour certains domaines d’action dans le cadre des procédures d’adhésion. L’intégration différenciée devrait toutefois rester dans le cadre des traités et préserver l’unité institutionnelle.

Les mécanismes actuels permettent de progresser vers une union européenne de la défense sans réforme exhaustive, la CSP permettant à un groupe d’États membres de progresser vers la création d’un système de défense européen. La Commission et le Conseil sont invités à élaborer une feuille de route réaliste pour ces réformes.