Lutter contre la répression transnationale des défenseurs des droits de l’homme

2025/2048(INI)

Le Parlement européen a adopté par 512 voix pour, 76 contre et 52 abstentions, une résolution sur la lutte contre la répression transnationale des défenseurs des droits de l’homme.

Répression transnationale contre les défenseurs des droits de l’homme: tendances et menaces croissantes

La résolution définit la répression transnationale comme l’ensemble des attaques, menaces et pressions exercées par des États ou leurs intermédiaires contre des dissidents, journalistes, défenseurs des droits de l’homme et membres de la diaspora au-delà de leurs frontières. Ces pratiques incluent des méthodes physiques (assassinats, enlèvements, violences, rapatriements forcés), des abus d’outils juridiques (extraditions, notices rouges, pressions consulaires) et des techniques non physiques, notamment la surveillance numérique, l’intimidation et le chantage.

Les députés condamnent fermement toutes ces formes de répression, les jugeant contraires aux droits humains et à la souveraineté des États d’accueil, et insistent sur la nécessité d’une définition commune et d’un cadre juridique solide aux niveaux multilatéral, régional et national pour lutter contre ce phénomène.

Le Parlement se déclare préoccupé par l’escalade de la répression transnationale qui prend des formes de plus en plus insidieuses: torture, campagnes de diffamation, gel d’avoirs, exécutions extrajudiciaires, cybermenaces ou pressions visant les membres de la famille. Il condamne les régimes autoritaires qui recourent de plus en plus à la répression transnationale numérique au moyen de l’utilisation de technologies d’intelligence artificielle, de logiciels espions et de divulgations malveillantes de données personnelles. Il condamne également les pressions juridiques et diplomatiques - y compris par l’usage de notices rouges d’Interpol émises pour des motifs politiques.

La résolution estime que la répression transnationale constitue une menace directe pour la souveraineté et la sécurité des États, nécessitant une réponse coordonnée au niveau de l’Union européenne. Elle s’inquiète du rétrécissement de l’espace civique ainsi que des mesures qui réduisent au silence les exilés. Elle souligne également que certaines catégories - notamment les femmes, minorités raciales, religieuses, sexuelles ou socio-économiques - sont disproportionnellement touchées.

Intégration de la répression transnationale dans les politiques de l’Union

Le Parlement invite la Commission, les États membres et le service européen pour l’action extérieure (SEAE) à:

- traiter de manière systématique la répression transnationale dans les clauses relatives aux droits de l’homme des accords de l’Union, le cas échéant, ainsi que dans les dialogues sur les droits de l’homme avec les pays tiers;

- aider les défenseurs des droits de l’homme et les autres personnes visées, au moyen de programmes dédiés leur permettant de poursuivre leur travail en exil tout en demeurant à l’abri des représailles et des agressions;

- intégrer la répression transnationale dans le plan d’action de l’Union en faveur des droits de l’homme et de la démocratie pour l’après-2027 et dans les lignes directrices de l’Union européenne concernant les défenseurs des droits de l’homme.

Les députés insistent sur la nécessité urgente de combler, tant au niveau national qu’au niveau de l’Union, les lacunes de protection auxquelles sont confrontés les défenseurs des droits de l’homme lorsqu’ils sont la cible d’actes de répression transnationale.

Améliorer la coordination du suivi et de la collecte des données

Le Parlement invite le SEAE et les États membres, en coopération avec les institutions compétentes, telles qu’Europol, à coordonner leurs efforts et à mettre en place des mécanismes accessibles d’information, de collecte de données, de suivi et de signalement, afin d’améliorer la documentation des cas de répression transnationale sur leurs territoires et de faciliter une réaction et des enquêtes rapides. La Commission est invitée à mettre en place un mécanisme centralisé de recensement pour répertorier, suivre et évaluer les incidents, et partager des alertes de répression transnationale visant des défenseurs des droits de l’homme se trouvant dans l’Union.

Les États membres sont invités à inscrire la répression transnationale dans leur législation nationale et à établir, au sein de leurs gouvernements, des points de contact nationaux pour les victimes potentielles et avérées.

Répondre aux risques que posent les technologies numériques

Le Parlement demande à l’Union et à ses États membres:

- de reconnaître, prévenir et combattre les formes numériques de répression et d’incriminer les activités de renseignement menées par des acteurs étrangers ciblant des dissidents en exil, au titre de la répression transnationale numérique;

- d’exercer une surveillance stricte des marchés et des opérations liés aux logiciels espions et aux dispositifs de surveillance, notamment en mettant en œuvre une obligation de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme;

- de mettre en place des mécanismes de signalement facilement accessibles et sûrs, conçus pour respecter et protéger la vie privée des utilisateurs;

- de veiller à ce que les acteurs privés, en particulier du secteur technologique, rendent des comptes pour le rôle qu’ils jouent dans le développement de la répression transnationale numérique.

Obligation de rendre des comptes et application de sanctions

L’Union est appelée à tenir responsables les États impliqués dans la répression transnationale, à envisager des sanctions ciblées et à aider les victimes à obtenir réparation, notamment devant la Cour européenne des droits de l’homme. Le Parlement dénonce que ces pratiques se produisent aussi au sein de l’Union, parfois avec la complicité d’États membres, et souligne la nécessité d’une diligence raisonnable dans les relations avec les gouvernements concernés.

La Commission est invitée à s’engager de manière proactive et à poursuivre sa collaboration avec Interpol et les Nations unies, notamment en élaborant un cadre commun de sécurité relatif à la répression transnationale afin de mettre un terme à l’utilisation abusive des demandes d’extradition. Le Parlement demande d’inclure la répression transnationale en tant que catégorie passible de sanctions au titre de la loi Magnitsky de l’Union européenne et d’inscrire sur la liste les personnes reconnues auteurs d’actes de répression transnationale.