Asile: octroi et retrait du statut de réfugié, normes minimales concernant la procédure, régime d'asile européen commun

2000/0238(CNS)

OBJECTIF : fixer des normes minimales pour les procédures d'octroi et de retrait du statut de réfugié.

ACTE LÉGISLATIF : Directive 2005/85/CE du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres.

CONTEXTE : Lors du Conseil européen de Tampere, les États membres ont convenu en 1999 de mettre en place, à terme, un régime d'asile européen commun fondé sur l'application intégrale de la Convention de Genève (Convention de 1951 modifiée par le protocole de New York de 1967) et d’assurer que nul ne soit renvoyé là où il risque d’être persécuté. La réponse à cette demande s’articule en 2 étapes : d’abord, par la fixation de normes communes pour une procédure d’asile ; ensuite par la fixation de règles communautaires débouchant sur une procédure d'asile commune et un statut uniforme valable pour tout le territoire de l'Union. L’objet de la présente directive est de répondre à cette 1ère étape, essentielle avant la mise en place d’un régime commun d’asile.

CONTENU : L’objectif majeur de la présente directive est d’instaurer, dans la Communauté, un cadre minimum pour la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié ainsi que le rapprochement des règles nationales applicables en la matière.

Champ d'application : la directive s’applique à toutes les demandes d'asile introduites sur le territoire des États membres, y compris celles présentées à la frontière ou dans une zone de transit. Les États membres doivent appliquer les principes de la directive aux procédures de traitement des demandes fondées sur la Convention de Genève mais ils peuvent décider de l'appliquer également aux procédures de traitement de demandes visant tout type de protection internationale, en ce compris celles visées à la directive 2004/83/CE sur les normes minimales relatives aux conditions d’octroi du statut de réfugié ou d’une protection internationale (voir CNS/2001/0207). La directive ne s’applique en revanche pas aux procédures régies par le règlement 343/2003/CE sur la détermination de l’État responsable de l’examen d’une demande d’asile (CNS/2001/182).

Demande d'asile : Conformément à la directive, une demande d’asile doit être comprise comme une demande introduite par un ressortissant de pays tiers ou un apatride en vue d’obtenir une protection internationale de la part d'un État membre en vertu de la Convention de Genève. Toute demande de protection internationale est présumée être une demande d'asile, à moins que la personne concernée ne sollicite explicitement un autre type de protection pouvant faire l'objet d'une demande séparée.

Garanties fondamentales : une série de garanties sont prévues pour permettre aux demandeurs d’asile d’accéder à la procédure proprement dite : toute personne majeure a le droit de déposer une demande d’asile, en son nom propre ou pour le compte des personnes qui sont à sa charge. Les demandeurs ont le droit de rester dans l’État membre dans lequel ils ont déposé leur demande en attendant l’issue de leur requête. La directive fixe également les conditions auxquelles est soumise l’examen d’une demande :

-       une demande d'asile ne pourra pas être refusée au seul motif qu'elle n'a pas été introduite dans les plus brefs délais possibles,

-       une demande doit faire l’objet d’un examen individuel, impartial et objectif,

-       une demande devra être analysée en fonction des informations les plus récentes sur la situation du pays d’origine.

Les États membres doivent veiller à ce que les décisions portant sur les demandes d'asile soient communiquées par écrit, en particulier en cas de rejet. Dans ce dernier cas, la décision devra être motivée et les possibilités de recours contre une décision négative devront être communiquées par écrit.

Les demandeurs d'asile :

  • ont la possibilité, sur demande, d’avoir un entretien personnel avec une personne compétente dans certaines conditions précisées à la directive. Cet entretien a lieu hors de la présence des membres de la famille et dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Cet entretien fait l'objet d'un rapport écrit dont le contenu pourra être soumis à l'approbation du demandeur. La non-approbation du demandeur ne pourra toutefois pas empêcher l'autorité responsable de prendre sa décision ;
  • doivent être informés de la procédure à suivre, de leurs droits et obligations et de l’issue de leur dossier dans une langue qu’ils peuvent comprendre ;
  • bénéficient, en tant que de besoin, des services d'un interprète pour présenter leurs arguments aux autorités compétentes ;
  • bénéficient de la possibilité de communiquer avec le HCR (Haut Commissariat aux réfugiés). Plus généralement, les États membres doivent autoriser le HCR à accéder aux demandeurs d'asile qui le souhaitent, y compris à ceux placés en rétention, aux informations concernant les demandes et procédures y relatives et aux autorités compétentes pour donner un avis sur telle ou telle demande ;
  • doivent avoir la possibilité effective de consulter, à leurs frais, un conseil juridique. En cas de décision négative, les États membres veillent à ce qu'une assistance judiciaire gratuite soit accordée sur demande mais ce droit peut être assorti de réserves.

Des garanties supplémentaires sont prévues pour les mineurs non accompagnés (personnes de moins de 18 ans non accompagnées d'une personne majeure):

  • une personne représente et assiste le mineur dans le cadre de sa demande ;
  • le représentant a la possibilité d'informer le mineur du sens de l'entretien ;
  • l'entretien est mené par une personne possédant les connaissances nécessaires pour les besoins particuliers du mineur.

Obligations : les États membres peuvent imposer aux demandeurs d'asile des obligations en matière de coopération avec les autorités nationales. En particulier, ils peuvent prévoir que les demandeurs d'asile :

  • se manifestent auprès des autorités compétentes ou se présentent en personne ;
  • déposent leur demande en personne et/ou en un lieu désigné ;
  • remettent les documents qui sont en leur possession (en particulier, leurs passeports) ;
  • informent les autorités de leur lieu de résidence et de leur adresse le plus rapidement possible.

Á noter que les États membres ne peuvent placer une personne en rétention au sel motif qu’elle demande l’asile. Lorsqu'un demandeur d'asile est placé en rétention, un contrôle juridictionnel rapide doit être prévu.

Procédure d'examen : Chaque décision positive ou négative devra être communiquée par écrit au demandeur. La notification de la décision se fera dans un délai raisonnable. Au-delà de 6 mois de procédure, les autorités compétentes seront tenues d’informer les demandeurs du retard pris dans le traitement de la demande. Avant que l'autorité compétente ne prenne sa décision, la possibilité est donnée au demandeur d'avoir un entretien personnel avec un fonctionnaire habilité (voir ci-dessus). Les États membres peuvent également procéder à des examens médicaux afin de déterminer l'âge d'un mineur non accompagné dans le cadre de l'examen d'une demande d'asile. Les informations liées à une procédure de demande d’asile doivent rester confidentielles.

En 1er ressort : les principes de base et garanties fondamentales prévues par la directive s'appliquent pleinement aux procédures pouvant être considérées normales. Les États membres peuvent également prévoir des procédures spéciales, qui dérogent à ces principes et garanties, pour examiner des demandes d'asile dans 2 cas:

  • lorsqu'il s'agit de demandes ultérieures (lorsqu’une personne qui a déjà déposé une demande d’asile dans un État membre, fait de nouvelles déclarations visant à étayer sa première demande) ;
  • sous certaines conditions, pour se prononcer à la frontière, sur l'octroi d'une autorisation d'entrée sur le territoire aux personnes qui ont introduit une demande d'asile à la frontière.

Procédures accélérées : les États membres peuvent décider, dans le respect des principes de base et des garanties fondamentales prévues par la directive, qu'une procédure d'examen est accélérée notamment, si :

  • la demande est manifestement peu convaincante en raison des déclarations incohérentes, contradictoires, peu plausibles faites par le demandeur;
  • le demandeur n'a produit aucune information permettant d'établir, avec une certitude suffisante, son identité ou sa nationalité, ou il est probable que, de mauvaise foi, il a procédé à la destruction ou s'est défait de pièces d'identité, ou même il a induit les autorités en erreur en ce qui concerne son identité ou sa nationalité ou encore s’il a introduit une autre demande d’asile mentionnant d’autres données,… ;
  • le demandeur est entré ou a prolongé son séjour illégalement sur le territoire de l’État membre sans motif valable ou n’a pas introduit sa demande dans les délais ou encore s’il constitue un danger pour la sécurité nationale ou l’ordre public ou s’il fait l’objet d’une décision d’éloignement ;
  • le demandeur provient d'un pays d'origine sûr ou est lié à un pays tiers sûr (voir ci-après).

Une procédure peut également bénéficier d’une procédure accélérée ou prioritaire si le demandeur a un besoin particulier.

La directive prévoit également la clôture d’un dossier en cas de demande explicite du demandeur de retirer de sa demande d’asile. Lorsqu’il existe un motif sérieux de penser qu’un demandeur a implicitement retiré sa demande ou y a renoncé (ex. : s’il n’a pas fourni toutes les informations requises, s’il a fui ou quitté le territoire ou le lieu où il était placé en rétention,…), les autorités responsables peuvent également clore le dossier ou de rejeter la demande.

Demandes irrecevables : sont considérées comme irrecevables (et ne seront pas examinées au fond) les demandes qui obéissent, notamment, aux éléments suivants:

  • le statut de réfugié a été accordé par un autre État membre ;
  • un pays qui n'est pas un État membre est considéré comme le 1er pays d'asile du demandeur. Un pays peut être considéré comme le 1er pays d'asile d'un demandeur d'asile particulier, si le demandeur s'est vu reconnaître la qualité de réfugié dans ce pays et peut encore se prévaloir de cette protection ;
  • le demandeur est autorisé à rester dans un État membre pour un autre motif, le mettant à l’abri de tout refoulement ;
  • un pays qui n'est pas un État membre est considéré comme un pays tiers sûr pour le demandeur ;
  • le demandeur a introduit une demande identique après une décision finale.

Pays tiers sûrs et pays d’origine sûrs : un aspect fondamental pour l’appréciation du bien-fondé d’une demande d’asile est la sécurité du demandeur dans son pays d’origine. Lorsqu’un pays tiers peut être considéré comme pays d’origine sûr, les États membres peuvent présumer qu’un demandeur y est en sécurité, sauf si le demandeur présente des éléments sérieux prouvant qu’il n’est pas en sécurité du fait de sa situation personnelle.

Compte tenu du degré d’harmonisation des États membres en matière d’octroi du statut de réfugié, une liste de pays à considérer comme des pays d’origine sûrs pour les demandeurs (parce qu’obéissant à des critères bien définis repris à l’annexe II de la directive) devra être établie à terme. Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, et après consultation du Parlement européen, adoptera cette liste commune minimale de pays d'origine sûrs en temps voulu. Á l’heure actuelle, seules la Bulgarie et la Roumanie sont considérés comme des pays d’origine sûrs conformément à la directive et ce, jusqu’à leur adhésion.

En tout état de cause et nonobstant la constitution d’une liste européenne de pays d’origine sûrs, les États membres gardent la faculté, au niveau national, de désigner comme pays d’origine sûrs, des pays tiers ou des portions de pays tiers, autres que ceux qui figureront sur la liste commune.

La directive prévoit également le non-examen au fond d’une demande d’asile si le demandeur est lié à un pays tiers sûrs. Est ainsi considéré comme sûr, pour un demandeur d’asile, un pays tiers pour lequel les autorités compétentes ont acquis la certitude que dans ce pays:

  • le demandeurs d'asile n'a à craindre ni pour sa vie ni pour sa liberté en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social particulier ou de ses opinions politiques ;
  • le principe de non-refoulement est y respecté conformément à la convention de Genève;
  • l'interdiction, prévue par le droit international, de prendre des mesures d'éloignement contraires à l'interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants, y est respectée ;
  • la possibilité existe de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié et, si ce statut est accordé, de bénéficier d'une protection conformément à la convention de Genève.

Pour être considéré comme sûr, il faut en outre que, conformément au droit national, un lien de connexion existe ou soit avéré entre le demandeur et le pays tiers concerné (sur foi de quoi, le demandeur pourrait retourner dans le pays en question) et qu’il soit évident que, dans son cas particulier, son retour soit réellement sûr pour lui. Dans ces conditions, le demandeur d’asile pourrait alors faire l’objet d’une procédure de réadmission dans le pays tiers concerné, en accord avec ce dernier. Si le pays tiers refuse toutefois de réadmettre le demandeur d’asile, l’État membre devra alors examiner sa demande conformément à la directive.

Les États membres peuvent également prévoir qu'aucun examen, ou aucun examen complet, de la demande d'asile n'a lieu dans les cas où le demandeur d'asile cherche à entrer, ou est entré, illégalement sur leur territoire depuis un pays tiers sûr.

Procédure de retrait du statut de réfugié: les États membres engagent un examen en vue de retirer le statut de réfugié reconnu à une personne dès lors que de nouveaux éléments apparaissent indiquant qu'il y a lieu de réexaminer la validité de son statut. Un tel examen doit être engagé dans le respect de certains principes et garanties relatifs notamment à l'information de la personne concernée (par écrit), sa possibilité de se présenter lors d'un entretien pour expliquer pourquoi il n’y a pas lieu de retirer ce statut.

Procédure de recours : les États membres doivent garantir aux demandeurs d'asile un droit de recours effectif devant une juridiction. Parmi les motifs de recours possibles, figurent les recours contre les décisions d’irrecevabilité d’une demande, des décisions prises à la frontière ou dans des zones de transit ou les décisions qui font suite à l’application du concept de pays tiers sûrs, de ne pas poursuivre l’examen d’une demande ou de retrait du statut de réfugié.

Dispositions plus favorables : lors de l’application de la directive, les États membres restent libres d’appliquer des normes plus favorables en ce qui concerne les procédures d’octroi et de retrait du statut de réfugié, à condition que ces normes soient compatibles avec la présente directive.

Á noter que la Commission est tenue de faire rapport au Parlement européen et au Conseil sur l'application de la présente directive pour le 1er  décembre 2009 et de proposer, le cas échéant, des modifications nécessaires. Par la suite, un rapport bisannuel sera présenté sur l’application de la directive.

ENTRÉE EN VIGUEUR : 02.01.2006.

TRANSPOSITION DANS LES ÉTATS MEMBRES : 01.12.2007. Certaines dispositions (entretien personnel) entrent en vigueur le 01.12.2008. Les États membres appliquent les dispositions de la présente directive aux demandes d’asile présentées après le 1er décembre 2007 et aux procédures de retrait du statut de réfugié entamées après le 1er décembre 2007.