Utilisation alléguée de pays européens par la CIA pour le transport et la détention illégale de prisonniers. Rapport intérimaire
La commission temporaire sur l'utilisation alléguée de pays européens par la CIA pour le transport et la détention illégale de prisonniers a adopté son rapport intérimaire rédigé par Giovanni Claudio FAVA (PSE, IT). Le 18 janvier 2006, le Parlement européen a décidé d’instituer cette commission afin de déterminer si la CIA ou d’autres agents américains, ou des services secrets d’autres pays tiers, ont procédé à des enlèvements, des «restitutions extraordinaires», des détentions dans des lieux tenus secrets, des détentions incommunicado ou des actes de torture ou d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants de prisonniers sur le territoire de l’Union européenne, dont les pays adhérents et candidats, ou ont utilisé ce territoire à d’autres fins, par exemple comme escales aériennes.
Le rapport affirme clairement que, selon les informations reçues à ce jour, la commission pense que la CIA a organisé des restitutions extraordinaires et critique les États européens pour leur inaction et leur complicité à cet égard. Il affirme que la CIA s’est rendue «clairement responsable» à plusieurs reprises «de l'arrestation, de l'expulsion, de l'enlèvement et de la détention illégaux de terroristes allégués sur le territoire des États membres, sur celui des pays adhérents et des pays candidats» ainsi que de «la restitution extraordinaire, notamment, de ressortissants ou de résidents européens». Il rappelle que ces actions sont contraires aux principes fondamentaux de la législation internationale en vigueur en matière de droits de l'homme.
Les députés affirment que la CIA – par le biais d’avions loués à des sociétés écran - a appliqué de telles pratiques pour le transfert illégal de personnes soupçonnées de terrorisme vers des pays qui recourent fréquemment à la torture lors des interrogatoires. Ils demandent que les restitutions extraordinaires soient «clairement interdites» en droit international et rappellent aux États membres qu'en vertu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, les États ont des «obligations positives» en matière de protection face aux violations des droits de l'homme sur leur territoire. Ils ajoutent que, dans le cas où ces violations ont eu lieu, leur responsabilité pour violation de la Convention européenne des droits de l’homme peut être engagée pour ne pas avoir respecté ces obligations positives.
La commission affirme qu’il est «invraisemblable […] que certains gouvernements européens n’avaient pas connaissance des activités liées à la restitution extraordinaire qui avaient lieu sur leur territoire». Le rapport affirme qu’il est invraisemblable que l'enlèvement à Milan, en 2003 par des agents de la CIA, du ressortissant égyptien Abu Omar ait pu être organisé et effectué en l'absence d'information préalable des autorités gouvernementales ou des services de sécurité italiens. Le rapport cite également d’autres exemples. Il ajoute que, dans plusieurs pays de l’UE, les règles régissant les activités des services secrets semblent «inadéquates» et que la coopération étroite entre les services de renseignement des États membres et ceux des États alliés «ne devrait pas être confondue avec un abandon de souveraineté sur le territoire et l’espace aérien européens».
La commission constate la nécessité de poursuivre ses travaux et «d'approfondir l'évaluation des événements concernés» pour la durée restante du mandat réglementaire de douze mois. Au cours de cette période, elle propose d'inviter le Secrétaire général de l'OTAN à une audition de la commission temporaire en vue d'examiner les allégations relatives à la participation des forces de la SFOR et de la KFOR à l'arrestation, à la restitution et à la détention illégales de terroristes présumés. La commission invite les États membres à adopter une position plus ferme en ce qui concerne la fermeture du centre de détention de Guantánamo et à jouer un rôle proactif dans la mise au point d'une solution concernant les détenus. Enfin, elle estime qu'il faut «vérifier s'il n'existe pas de preuves de l'éventuelle installation de prisons secrètes dans certains pays européens».