Utilisation alléguée de pays européens par la CIA pour le transport et la détention illégale de prisonniers. Rapport intérimaire

2006/2027(INI)

Le Parlement européen a adopté le rapport intérimaire de la commission temporaire  sur l'utilisation alléguée de pays européens par la CIA pour le transport et la détention illégale de prisonniers. Le rapport de Giovanni Claudio FAVA (PSE, IT) a été adopté par 389 voix pour, 137 contre et 55 abstentions.

Selon le Parlement européen, "dans un certain nombre de cas, la CIA ou d'autres services américains se sont rendus clairement responsables de l'arrestation, de l'expulsion, de l'enlèvement et de la détention illégaux de terroristes allégués" en Europe. Le texte souligne également la complicité de certains États membres. La commission temporaire a reçu le feu vert du Parlement afin de poursuivre son travail pour six mois de plus.

Les députés rappellent que ces actions "ne correspondent pas à des concepts de droit international connus et sont contraires aux principes fondamentaux de la législation internationale en vigueur en matière de droits de l'homme". Ils relèvent "le besoin urgent que les restitutions extraordinaires soient clairement interdites en droit international et que les institutions européennes adoptent une position commune en la matière et abordent la question avec les pays tiers concernés". Ils soulignent que les faits dénoncés peuvent engager la responsabilité des États membres en tant que parties de la Convention européenne des Droits de l'Homme. Ils rappellent l'obligation positive qu'ont ceux-ci, devant la Cour européenne des Droits de l'Homme, d'en empêcher les violations sur leurs territoires.

Les députés estiment ainsi "invraisemblable" l'information selon laquelle "certains gouvernements européens n’avaient pas connaissance des activités liées à la restitution extraordinaire qui avaient lieu sur leur territoire", notamment les vols. Ils considèrent également "inacceptables" les pratiques de certains gouvernements "consistant à limiter leurs responsabilités en demandant des assurances diplomatiques à des pays où il y a fortement lieu de penser que la torture est pratiquée".

Le Parlement prend également note des contributions de Gijs de VRIES, coordinateur de l'UE en matière de lutte contre le terrorisme, et de Javier SOLANA, Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, "qui ont tous deux indiqué qu'ils n'étaient pas au courant de violations du droit national, international ou européen par les États membres coopérant avec la CIA". Les députés soulignent toutefois que ces derniers "n'étaient pas habilités, en vertu du droit de l'UE, à demander aux États membres des informations à ce sujet".

 Dans plusieurs États membres, relèvent les députés, les règles régissant les activités des services secrets "semblent inadéquates", ce qui rend nécessaire la "mise en place de meilleurs contrôles, en particulier en ce qui concerne les activités des services secrets étrangers sur leur territoire". Ils estiment que des règles de coopération devraient être établies au niveau de l’Union européenne. S'ils comprennent "l’importance d’une coopération étroite entre les services de renseignement des États membres et ceux des États alliés", ils soulignent néanmoins qu’une telle coopération "ne devrait pas être confondue avec un abandon de souveraineté sur le territoire et l’espace aérien européens".

Par ailleurs, Le Parlement estime qu'un grand nombre des vols effectués par des appareils détenus ou loués par la CIA et utilisant l'espace aérien et les aéroports des États membres, "des pays adhérents et des pays candidats ont impliqué des violations répétées de la Convention de Chicago" du fait que l'obligation d'obtenir l'autorisation prévue à l'article 3 de cette convention à l'égard des aéronefs d'État n'a pas été respectée. Les députés invitent ainsi la Commission à "améliorer sans délai la législation en proposant une directive visant à l'harmonisation des législations nationales en matière de contrôle de l’aviation civile non commerciale".Le Parlement relève toutefois que le travail de la commission temporaire "n'a à ce jour mis en lumière aucun témoignage ni aucune preuve de l'existence de prisons secrètes dans l'Union". L'Assemblée précise cependant qu'au cours des mois à venir, "le travail de la commission d'enquête se concentrera davantage sur cet aspect". Les députés proposent en outre d'inviter le Secrétaire général de l'OTAN à une audition de la commission temporaire "en vue d'examiner notamment les allégations relatives à la participation des forces de la SFOR et de la KFOR à l'arrestation, à la restitution et à la détention illégales de terroristes présumés". De plus, les députés appellent  une nouvelle fois à la fermeture de la prison de Guantanamo. Les États membres sont pour leur part invités à jouer un rôle proactif dans la mise au point d'une solution concernant les détenus qui ne feront pas l'objet d'une procédure judiciaire.